Le 7ème Art s’attache depuis les débuts du cinématographe à reproduire une version altérée de la réalité, plus ou moins proche de nos considérations mais toujours en léger décalage. Chaque film, court ou long-métrage, représente un monde à part entière qui s’inspire du notre mais n’est généralement pas régit par les mêmes règles : le drame le plus réaliste qui soit reste la vision d’auteurs qui s’appliquent à raconter quelque chose de nos sociétés et coutumes, courbant le réel au service de l’art visuel. Le mouvement s’accompagne de musique, les plans définissent une ambiance et le récit suit une ligne droite plus ou moins linéaire pour atteindre une conclusion qui se doit de faire sens. Le cinéma est une fenêtre ouverte sur le monde qui permet pourtant de s’en échapper. Biberonné à l’hollywoodisme primaire il est parfois difficile de s’en extraire pour revenir bon an mal an au gris du « vrai monde de la réalité véritable ».
Le concept de héros par exemple n’existe véritablement qu’au cinéma. Rare sont ceux qui dans notre environnement combine la volonté et les capacités des « gentils » qui sur pellicule défendent la veuve et l’orphelin au mépris du danger. L’univers réel est plus nuancé, timoré, les coups de tête sont rares et il ne suffit pas d’un guerrier tutélaire ou d’une équipe surentraînée pour mettre fin au conflit. Les pompiers, les médecins ou bien les militaires font preuve d’un courage immense et possède pour certains la stature de héros du quotidien – mais peu d’entre eux saute du toit d’un immeuble pour éviter une explosion en braillant une punchline bien sentie. Ils font simplement, comme nous tous, du mieux qu’ils peuvent, là où le cinéma permet aux hommes et femmes de se dépasser jusqu’à devenir non pas parfait mais la meilleure version d’eux-mêmes – ambassadeurs des vertus humaines nettoyées de toute la mauvaiseté. Le monde réel est une dimension qui pervertie le bon et le teinte de malice, d’ambition personnelle, de soif inextinguible du pouvoir ou d’argent, la version noir et blanc des émotions en couleur du cinéma.
Le spectateur timide abreuvé de comédies romantiques réconfortantes aura également bien du mal à s’y retrouver une fois sorti de la salle de cinéma. Les relations entre hommes et femmes (ou hommes et hommes, femmes et femmes, etc) n’auront jamais été si complexes dans une société ballottée entre le « bel amour » made in cinéma et l’hyper-sexualisation pornographique : l’homme est un prince charmant qui défonce des milfs dans les jardins publics et la femme une coquinette soumise ou castratrice qui se rêve en Scarlett O’Hara. Les modèles, aussi étranges soit-ils, s’entrecroisent jusqu’à perdre toute influence. Les histoires d’amours finissent mal en général, on vous avait pourtant prévenu – excepté au cinéma où le coup de foudre fait sa loi depuis plus d’un siècle. Dans ce monde parallèle en Dolby Atmos l’amour et la sexualité se mêlent parfaitement aux aspirations du beau, du moche, du petit gros ou de la jeune fauchée – qui aime gagne et finira presque systématiquement avec l’élu de son cœur. Une vision simplifiée voir simpliste des relations qui ne s’intéresse bien souvent qu’au moment de la rencontre sans s’attarder sur le quotidien assassin, mais donne à tous une chance. Dans notre réalité quelles sont les probabilités pour qu’un gars comme DJ Qualls finissent avec Eliza Dushku (The New Guy)? Nulles.
L’homme a une forte propension à souiller et détruire son univers avec tout à la fois la capacité de s’en créer de nouveaux, imaginaires et extraordinaires. « Le monde est tel qu’on le fabrique » et nous sommes de piètres architectes en ce qui concerne notre réalité. Le cinéma (tout comme le théâtre ou la littérature) propose au genre humain une évasion nécessaire et très recommandable face aux vicissitudes de l’existence. A moins d’être versé dans le drame hardcore – non recommandé aux dépressifs.
Nos vies rêvés s’impriment sur la pellicule jusqu’à devenir des petits mondes intérieurs, sources intarissables de bonheurs quotidiens.