Et autant dire que cette année, la programmation fut diaboliquement savoureuse...
Du 06 au 17 septembre 2017, s'est tenue une nouvelle édition de l'Étrange Festival, qui fait chaque année office de rentrée des classes méchamment bordélique et jouissive pour tous les cinéphiles - mais pas que - amateurs de bizzareries et de trashouilleries filmiques en tous genre.
Riche en péloches franchement barrées, cette cuvée 2017 nous aura ce qu'il faut de séances savoureuses pour en ressortir la banane aux lèvres, même confronté à une météo qui elle, tire furieusement la gueule.Morceaux Choisis
Dans la bonne vingtaine de séances exclusives organisées par le festival, bouffées - en partie - avec un sadisme certain par votre serviteur, quelques petites perles se sont glissées avec prestance dans la programmation.
Commençons avec l'appétissante entrée Thelma, nouveau long métrage de Joachim Trier mais surtout première incursion dans le cinéma de genre du bonhomme. En reprenant le thème cher de sa filmographie (l'apprentissage à la dure de la vie) tout en tutoyant du bout de la pellicule le vénéré Carrie, il signe un formidable drame lesbien sur une adolescente qui fait la découverte troublante de la sensualité et du sentiment amoureux.
Pour ce qui est du plat de résistance, c'est le brillant Mise à Mort du Cerf Sacré de Yorgos Lanthimos qui se pose bien-là, lui qui était venu faire son petit coucou dans la capitale après avoir bousculé mignon la Croisette en mai dernier.
Thriller psychologique narrant les aléas macabres d'une famille tombant peu à peu sous la coupe d'un étrange adolescent, le film du grecque est une expérience déstabilisante et radicale, une véritable tragédie grecque - justement - aussi terrifiante et glaciale qu'elle est métaphorique et fascinante.
Une claque oppressante, se voulant comme un hommage marqué aux cinémas de Pasolini, Haneke et Kubrick - rien que ça.
Toujours dans la section " passé par Cannes ", le remarqué La Lune de Jupiter était venu se faire une seconde jeunesse après un accueil des plus mitigés - pour être poli - sur la Croisette.
Une nouvelle fois flamboyant à la seconde vision, Jupiter's Moon est une audacieuse et politique contre-proposition fantastique, un vrai-faux film de super-héros sous fond de film de noir engagé au réalisme douloureux, visuellement puissant et à l'intégrité sans bornes.
Autre événement, et pas des moindres, la présentation du nouvel essai du (très) sympathique Xavier Gens, absent des ondes depuis 2011 et son solide The Divide.
Huis clos fantastique sur une poignée d'âmes - dont Ray " Fucking " Stevenson -, luttant sur une île déserte contre des mutants pas commodes, Cold Skin est un régal de B movie glacial et généreux, un mélange des genres à la violence crue et aux scènes d'action grisantes (quoiqu'un poil répétitive), qui permit au bonhomme de poursuivre ses expérimentations sur la face sombre de l'humanité et la théorie du chaos; le tout enveloppé dans un esprit lovecraftien en diable. Du bien bel ouvrage, qui pourrait bien remettre en selle le papa de Frontière(s) - c'est tout ce qu'on lui souhaite -, et qui démontre que le cinéma de genre européen se porte mieux que bien - merci pour lui.
Au rayon des péloches notables venues du vieux continent, un bon aura su tirer son épingle du jeu.
Cold Hell signé Stefan Ruzowitsky pour commencer, habile et couillu thriller sur une héroïne mutique et badass (chauffeur de taxi le jour, grosse pratiqueuse de boxe thaï la nuit), qui après avoir été le témoin d'un meurtre sauvage, devient justement la cible dudit tueur en série qui devrait bien se méfier de cette tataneuse turque...
Plus flippant mais un brin plus ennuyeux sur la durée, FirstBorn de Nirpal Bhogal - (réalisateur sur la série Misfits et dont c'est le premier passage derrière la caméra) avec la sublime Antonia " Misfits " Thomas, s'en prend directement à nos petites têtes blondes dans un sympatoche thriller sur deux jeunes parents confrontés à leur propre morveuse (pas désirée au départ) qui attire au calme des manifestations surnaturelles.
Born in Asia
La programmation asiatique a toujours eu une place non négligeable à l'Étrange Festival, et cette année encore, le rendez-vous fut loin d'être décevant.
Passé par Cannes en séance de minuit, The Villainess de Jung Byung-gil a repeint en rouge sang les salles obscures du Forum des Images avec sa foutraque et jouissive épopée vengeresse d'une super-tueuse voulant venger la mort de son géniteur.
Assumant pleinement sa filiation au cinéma de Tarantino, The Villainess incarne une véritable proposition de cinéma foutraque et grisante, B movie à l'aspect férocement vidéoludique qui s'appuie sur une intrigue certes simpliste mais énergique, ainsi qu'un mélange des genres aussi solide dans ses émotions - sincères - (on y suit l'épopée vengeresse d'une super tueuse pour venger la mort de son père) que dans son action explosive très HK style.
Tout aussi gore, le Tokyo Vampire Hotel du maître Sono Sion (qui cornaque l'adaptation de la minisérie éponyme), aura su égayer
furieusement le festival.
Délire pop furieux, décomplexé et volontairement parodique s'amusant des codes et clichés de l'un des sous-genre les plus populaires du cinéma fantastique (mais pas que), pour mieux balancer à la face du spectateur, une critique acide du capitalisme qui gangrène le Japon (mais pas que bis), Tokyo Vampire Hotel est un monument du fun jouissif et gore à souhait, bourré jusqu'à la gueule de scènes WTF.
Bref, une belle bisserie - à la lisière si savoureuse du Z - totalement assumé -, comme on les aime.
Tout aussi fun mais un poil plus sérieux, Mon Mon Mon Monsters ! de Giddens Ko aura méchamment surpris son monde avec sa satire sociale drôle et inspirée sous fond de divertissement monstrueux.
Le Film est un constat inquiété et inquiétant sur la violence et l'autocentrisme d'une adolescence taïwanaise - qui peut très bien faire écho à celle occidentales - totalement livrée à elle-même, inconsciente (au point d'être justement, monstrueuse) et jamais vraiment encadré par des aînés dépassés (l'incompétence du système scolaire en tête).
Moins original mais tout aussi plaisant à suivre, A Day, sorte de Un Jour sans Fin au postulat de départ plus grave (un père revit chaque jour la mort de sa fille, mais il n'est pas le seul à être bloqué dans la même boucle temporelle), s'avère une péloche plutôt bien écrite et interprétée.
Convenable - mais sans plus -, le film de Cho Sun-ho fait la part belle à une émotion sincère ainsi qu'à une réflexion plutôt touchante sur le deuil et le pardon.
Enfin, impossible d'être passer à côté du gros morceau asiatique qu'incarnait Avant que nous Disparaissions de Kiyoshi Kurosawa.
Une petite pépite SF totalement frappée et lugubre, un trip complètement dingue sur une femme confrontée au retour improbable de son mari disparu; une romance extraterrestre cornaquée avec maitrise par un Kurosawa au sommet de son art.
Et Pendant ce temps-là, aux USA
Moins mis en valeur que son continent voisin - quoique -, le cinéma ricain peut au moins se targuer d'avoir balancé trois des meilleurs péloches du Festival.
Sweet Virginia tout d'abord, premier long-métrage de Jamie M. Dagg, présenté en même temps ou presque au Festival du Film Américain de Deauville - ou il est reparti bredouille.
Un poil pas à sa place à l'Étrange Festival de prime abord, cette merveille de polar à la lenteur enivrante et très Coen sur les bordures, aura pourtant très vite su prouver sa légitimité au sein de la programmation.
Mention très bien pour un premier essai, surtout qu'il permet au follement mésestimé Jon Bernthal, en complet contre-emploi, de signer l'une de ses plus justes et bouleversantes performances à ce jour.
Du très, très bon, tout comme les deux autres surprises US du Festival, le bouillant Bitch de Marianna Palka, fable féministe acide qui joue sur l'absurdité de son pitch pour mieux étayer sa critique pertinente sur la condition de la femme (avec pour héroïne la toujours aussi belle Jaime King); mais également Lowlife de Ryan Prows, épopée Tarantinesque à souhait sur le trafic d'organes, puant de tous ses pores l'amour du cinéma bricolé et généreux.
De son côté, plus foutraque mais pas moins bandante, la nouvelle réalisation de Joe Lynch, Mayhem, aura elle aussi su marquer les esprits (mais bien moins que son précédent effort, Everly avec la so caliente Salma Hayek), avec son intrigue WTF mélangeant une pléthore de genres (le film d'infectés, le huis clos oppressant, la comédie barrée,...) au sein d'une atmosphère hystérique et sanglante, au charme plus que ravageur.
TOP 10 du festival
1. Mise à Mort du Cerf Sacré de Yorgos Lanthimos
2. Tokyo Vampire Hotel de Sono Sion
3. Avant que nous Disparaissions de Kiyoshi Kurosawa
4. Sweet Virginia de Jamie M. Daag
5. Thelma de Joachim Trier
6. Mon Mon Mon Monsters ! de Giddens Ko
7. Bitch de Marianna Palka
8. A Day de Cho Sun-ho
9. Cold Skin de Xavier Gens
10. Lowlife de Ryan Prows
Jonathan Chevrier