L’antagoniste & ses qualités

L’antagoniste doit posséder des forces tout à fait légitimes. Ce n’est pas parce qu’il est le méchant de l’histoire qu’il doit nous être présenté sous son plus mauvais jour.
Et plus il sera fort et plus il semblera impossible pour le héros d’espérer le vaincre.

Et voir notre personnage principal dans des situations où les enjeux pour lui sont cruciaux face à un ennemi apparemment invincible invoque irrésistiblement une certaine empathie du lecteur envers lui.
Car la question dramatique prend tout son sens : sera t-il capable de réussir ?
Construire l’empathie envers le personnage principal est au cœur de l’écriture. Pour y parvenir, il faut développer chez l’antagoniste des traits positifs qui le rendront aussi fort que possible.

Se concentrer sur l’antagoniste

Un héros n’est rien sans une force antagoniste contre laquelle il doit lutter. En quelque sorte, il est déterminé par cette force qui lui est extérieure. Il est donc important de créer un méchant de l’histoire (un personnage ou une entité) avec autant de soins que le héros.

L’antagoniste ne tombe pas de l’éther. On lui suppose aussi un passé. Et dans sa biographie, ce personnage (qui peut aussi être le représentant d’une entité comme un homme de loi qui dénaturerait le sens de la justice) a subi des influences.
Et celles-ci l’ont façonné.

Livrez-vous à un même brainstorming que pour la création de votre héros. Incarnez votre méchant et il en émergera une menace réaliste vis-à-vis du héros mais aussi du lecteur.

Un arc dramatique pour le méchant

La trajectoire de l’antagoniste tout au long de l’histoire fonctionne à l’identique de celle du personnage principal. On y retrouve les mêmes éléments dramatiques. Il a un objectif qui est contrecarré par une source extérieure (le protagoniste).
Cet objectif devrait être motivé par un besoin intérieur qui devrait en faire un être meilleur. Mais tout comme le héros de l’histoire, c’est un être qui se ment à lui-même.

Et si cet antagoniste est bien construit, nous devrions pouvoir remonter jusqu’à une blessure émotionnelle qui l’a, tout comme pour le personnage principal, dévasté. Considérez Keyser Söze (The Usual Suspects), il est une petite frappe insignifiante. Mais lorsque sa famille est massacrée par la mafia hongroise, il en tue chaque membre pour les venger.
Ensuite, il créera un véritable empire du crime basé sur le secret, la peur et le mythe.

Son objectif est de conserver son identité secrète même auprès de ceux qui lui sont les plus proches (c’est son désir dans cette histoire). Une ambition cependant contrariée par les autorités mais aussi par des témoins oculaires (c’est le conflit extérieur auquel il doit faire face).
Et ses motivations profondes quant à son identité ainsi dissimulée, on peut supposer qu’il ne veut pas revivre ce moment douloureux de la mort de sa famille.

Le mensonge qu’il se fait à lui-même et bien que ce conflit personnel et intérieur ne soit pas explicitement démontré peut faire sens si nous admettons qu’il se blâme lui-même pour la mort de sa femme et de ses enfants et qu’il se croit hors rédemption pour avoir attiré sur eux une fin si misérable.

Un personnage réaliste

En lui fournissant une blessure (une cicatrice du passé), une motivation, des failles et une ambition rend le personnage tout à fait crédible. Le lecteur comprend que le protagoniste est contre quelqu’un qui a de véritables problèmes. Les situations dans lesquelles ce dernier se trouvera seront d’autant plus exacerbées qu’il est face à un opposant bien défini.

Le héros a besoin de posséder certaines forces (qui se révéleront au cours de l’intrigue) pour obtenir ce qu’il veut. L’antagoniste possèdera lui aussi des forces. Quelque soit son objectif (argent, contrôle d’autrui ou gagner une confiance en soi), un certain nombre d’atouts sont exigés chez le méchant pour qu’il ait une chance sérieuse de réussir.

Ce sont de tels attributs positifs qui convainquent le lecteur que l’antagoniste a vraiment une chance de réussir et d’obtenir ce qu’il veut. Ce qui dans le même coup renforce sa crainte de voir échouer le héros.
Faites en sorte que le héros se retrouve face à un antagoniste intelligent, patient, vindicatif et qui ne cherche qu’à accomplir son propre objectif et vous aurez ainsi les dimensions d’un véritable héros.

Il est aussi important que l’antagoniste ait différentes forces pour accomplir son dessein. Ne croyez pas qu’un méchant manque de moral. Beaucoup d’entre eux sont régis par un code moral. Il est seulement différent de ce qui est universellement reconnu comme le bien et le mal. Gordon Gekko (Wall Street) par exemple considère que la cupidité est une bonne chose.
Dans son esprit, ses actions sont justes et acceptables et contribuent au bien. Evidemment, ce n’est pas ce que recommande une éthique plus commune.

Un code moral perverti

Lorsqu’il s’agit de choisir un attribut moral pour l’antagoniste, il faut considérer comment son code moral a pu être si pernicieusement changé à la fois par ses expériences passées mais aussi par l’événement qui a radicalement modifié son comportement.
Comme si à un moment donné de sa vie fictive, ce personnage s’était fourvoyé pour devenir l’être méchant tel qu’il se présente dorénavant à nous.

Un antagoniste qui a des principes est véritablement quelqu’un d’effrayant surtout lorsque ses choix moraux sont particulièrement atroces à considérer à la fois pour le héros et pour le lecteur. Et bien qu’un attribut moral laisse souvent deviner ce que seront les traits positifs d’un héros, ce n’est pas vraiment le cas avec l’antagoniste.
Par exemple, Buffalo Bill du Silence des agneaux est si désespéré d’échapper à son corps qu’il cherche à s’en revêtir d’un autre. L’inventivité dont il fait preuve pour achever cet objectif est une force positive selon son angle de vue. Son problème est clairement un problème d’identité et il use de son imagination féconde pour résoudre son problème.

Nous avons donc bien le concernant une force qui le définit mais comme la plupart des méchants dans une histoire, il use de cette aptitude pour en nourrir son esprit malsain. Il est bon de tenir compte qu’un antagoniste est fortement orienté vers son objectif alors que le personnage principal doit bien entendu tenter de réussir sa mission mais surtout, il doit vaincre ses conflits intérieurs.
Même si l’antagoniste souffre de tels conflits en son for intérieur, ce qui lui permet d’être moins unidimensionnel, il n’en reste pas moins vrai que le but qu’il s’est fixé sera prioritaire sur toute autre éventuelle considération.

Des gens comme les autres

Le méchant d’une histoire est une personne comme une autre. Il est mêlé de bien et de mal, possède certaines forces et faiblesses. Et bien qu’il se présente comme un personnage à l’attitude souvent offensive, il a comme tout le monde des blessures et des souvenirs qui le hantent. Il éprouve aussi des besoins.

C’est un être généralement plus désespéré que le commun des hommes. Lors de sa création, imaginez ce qui l’horripile, voire l’effraie. Rendez-le assez fort pour qu’il pose une sérieuse menace au héros de façon à ce que vous aboutissiez à un adversaire de valeur qui placera fermement votre lecteur du côté de votre héros.