Les 10 vertus du spec-script

Par Nathalielenoir

Je mets souvent en garde dans ces colonnes les jeunes Padawans: lorsqu’un scénariste s’attaque à un projet de sa seule initiative, il prend le risque considérable que son scénario finisse son existence sur une étagère… et dans la corbeille à papier de toutes les maisons de production de la capitale. Ça ne les décourage pas d’en écrire et c’est tant mieux car le spec-script présente bien des avantages, même si ce ne sont pas forcément ceux que son auteur imagine…

J’en vois, pour ma part, au moins dix!

Aux USA, un spec-script est un scénario initié par son seul auteur, qui démarche ensuite les studios, via son agent,  dans l’espoir de le vendre à un studio. Si cette démarche est la-bas monnaie courante, véritable pierre angulaire d’une économie très concurrentielle, elle relève quasiment, en France, de la science-fiction, les scénaristes travaillant presque exclusivement sur commande: les projets de cinéma émanent principalement des réalisateurs pour le grand écran et des producteurs pour le petit.

Ceci expliquant cela, devenir scénariste sur notre sol est une sacrée prouesse, les auteurs inconnus n’ayant pratiquement aucune chance de se voir confier une de ces fameuses commandes. Comment sortir de cette situation kafkaïenne? En écrivant des spec-scripts justement, à condition toutefois de les investir d’objectifs réalistes.

Concrètement, il est primordial pour un jeune scénariste de garder en tête que son spec-script ne sera certainement pas porté à l’écran, il s’expose sinon à de très cruelles désillusions. On débute tous plus ou moins avec l’idée que les choses seront différentes pour soi, qu’il suffit de faire LA rencontre qui va tout changer et blablabla mais un scénariste français n’est pas Cendrillon, plus tôt il le comprend, plus grandes sont ses chances de réussir à faire carrière.

Un spec-script ne vous rendra ni riche ni célèbre, jeunes Padawans, mais il pourra vous enseigner la Jedi-attitude et vous montrant le bon côté de la Force. Voici comment:

1. Les spec-scripts sont la seule façon valable pour un scénariste de se « faire la main ». Parce que la théorie c’est bien beau, et même indispensable, mais il faut bien passer un jour à la pratique. Je dirai même que plus on pratique, mieux c’est. Pour être tout à fait franche, mieux vaut d’ailleurs oublier dans un tiroir ses premières œuvres avant d’obtenir un texte qui mérite d’être présenté à un professionnel (auteur reconnu, réalisateur, producteur, belle-mère…). Pour devenir auteur, il faut écrire intensément, avec acharnement, à la chaîne. On ne devient PAS scénariste en signant un seul scénario.

2. Les spec-scripts sont indispensables pour s’essayer à divers univers. Comment savoir si on est capable d’écrire un épisode de sitcom, de série policière, de comédie romantique… si on ne s’entraîne pas? Un scénariste professionnel étant appelé à travailler sur toutes sortes de projets, d’univers, de formats, autant se faire la main au préalable.

3. Les spec-scripts sont indispensables au moral du scénariste. Parce que même s’il est formidable de s’immerger dans  divers univers créatifs, un auteur reste avant tout un créateur qui rêve de ses propres histoires et a besoin de les coucher sur papier.

4. Les spec-scripts permettent au scénariste de développer son propre univers créatif. Les anglo-saxons mentionneraient leur inner creative voice (leur voix créative intime) mais bref, c’est la même chose. A travailler sur une foule de projets hétéroclites initiés par d’autres, le scénariste risque de perdre son propre style au passage. Il est donc primordial de lui laisser un peu d’espace pour s’épanouir.

5. Les spec-scripts permettent aux scénaristes débutants d’illustrer leur savoir-faire. C’est ainsi qu’ils convainquent des producteurs de leur faire confiance, ou des réalisateurs de les engager pour écrire leurs propres histoires. Aux États-Unis, lorsqu’un auteur postule auprès d’un showrunner pour rejoindre le pool d’écriture d’une série télévisée, il présente des épisodes écrits « à blanc » pour d’autres séries connues.

6. Un spec-script peut permettre à un jeune auteur de décrocher une bourse, je pense notamment à celle que délivre la Fondation Jean-Luc Lagardère, au Prix Junior du Meilleur Scénario, à la bourse de la fondation Beaumarchais, au Fond d’Innovation à la Création Audiovisuelle du CNC (même s’il semble quelque peu compromis mais bon, hmm). Bien entendu, la concurrence est rude mais qui ne tente rien…

7. L’existence de spec-scripts est indispensable lors des séances de pitch. Parce que même si un producteur convoque un scénariste pour une commande, il sera toujours curieux de savoir ce qu’il a « dans ses tiroirs », histoire de. Et un auteur doit toujours mettre en avant son époustouflante productivité, donc…

8. Les spec-scripts permettent au scénariste de préserver sa santé mentale. Pour l’auteur aspirant, ils permettent de rester occupé en attendant de décrocher le fameux premier contrat. Pour les jeunes auteurs, c’est un moyen indispensable de garder leur plume chaude entre deux contrats. Quant aux auteurs confirmés, disons qu’un bon petit spec de temps en temps leur évite les pétages de plomb face aux cadences infernales, aux brimades diverses et variées des producteurs, diffuseurs, conjoint(e)s, enfants, belles-mères, pharmaciennes et poissons rouges… 😉

9. Les spec-scripts permettent à un scénariste de mesurer le chemin parcouru. Si si. Je vous assure que relire ses premières œuvres, avec cinq ou dix ans de recul, est à la fois émouvant et très encourageant, parce qu’on a généralement (sinon c’est grave) beaucoup progressé dans son écriture depuis.

10. Un spec-script peut éventuellement se vendre lorsque son auteur est devenu « bankable ». Forcément, lorsqu’un scénariste se fait un nom, on écoute ses idées avec beaucoup plus d’intérêt. Il arrive même qu’il se décide à passer lui-même derrière la caméra…

Vous l’aurez compris, le spec-script a beau avoir mauvaise presse sur notre sol, je ne connais aucune consœur, aucune confrère, qui n’en ait pas au moins un sous le bras… 🙂

Ecrire un scenario, la base :

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