La séquence d’ouverture est en quelque sorte destinée à donner l’ambiance de ce qui va suivre. La toute première scène qui lui succède a cependant une fonction très importante parce qu’elle a en charge de mettre en place la situation dans laquelle seront plongés non seulement les personnages mais aussi le lecteur.
Habituellement, voici ce qu’on attend d’une première scène :
Elle met en place la situation dans laquelle évolueront les personnages. En d’autres termes, vous êtes déjà dans le présent de votre histoire. Evitez le flashback. Considérez que cette première scène est votre première page.
Il serait peut-être même préférable d’écrire la séquence d’ouverture lors d’une réécriture. Et vous pourriez même vous apercevoir que vous n’avez aucun besoin de cette séquence d’ouverture. Votre première scène peut suffire à elle seule à accrocher le lecteur.
Votre protagoniste est introduit dans cette première scène. Ce qui implique que si vous éprouvez le besoin d’une séquence d’ouverture (en forme de prologue en quelque sorte), votre protagoniste n’y apparaîtra pas. Il est exposé dans la première scène.
Il est bon aussi de commencer à découvrir qui il est en pointant peut-être brièvement sur ses luttes personnelles ou quelques conflits extérieurs contre lesquels il est en butte. Pour vous aider, vous pourriez vous demander ce que votre protagoniste est en train de faire la toute première fois que nous le rencontrons. Des indices pertinents sur ses préoccupations internes et externes peuvent se nicher dans cette activité.
Cette première scène donne le ton.
Prenons Les Affranchis de Martin Scorsese, par exemple.
http://www.scenarmag.fr/wp-content/uploads/2017/09/godfellasOpeningSequenceGood.mp4Cette première scène de Les Affranchis dispense un grand nombre de conventions de genre. Il est évident que cette histoire appartient au thriller et plus spécifiquement met en avant le monde interlope des gangsters.
Afin de bien marquer l’origine de cette fiction, un carton avertit immédiatement le lecteur que l’histoire se passe à New York en 1970. Le lecteur sait dorénavant où il se trouve et dans quelle période cette histoire va nous plonger.
Cette scène nous présente trois personnages qui répondent à des archétypes relativement communs (on pourrait même penser à des stéréotypes). Par ailleurs, il est préférable de ne pas encombrer cette première scène avec trop de personnages. Un maximum de trois est fortement recommandé (et si vous pouvez même faire l’économie d’un personnage, deux serait préférable).
Le choix d’archétypes aussi marqués est important pour bien établir dans l’esprit du lecteur le genre de l’histoire. Pensez au genre comme un accord tacite entre ce que le lecteur s’attend à voir et ce que l’auteur lui proposera pour satisfaire à cette attente (qui est bien souvent une exigence).
Ces trois personnages sont des hommes d’apparence soignée mais aux manières indubitablement assez voyou. Cette apparence est d’ailleurs assez emblématique du film de gangsters. D’autant plus que l’un de ces hommes a coutume de jurer.
L’usage d’un véhicule noir connote aussi que ce qui s’y trouve à l’intérieur est plutôt du côté du mal que du bien.
La voix off à la fin de cette première scène est aussi une convention du genre. Classiquement, elle sert à donner au lecteur une première impression du personnage principal. A propos de conventions, tout ce que s’attend à voir le lecteur dans une telle histoire est résumé dans cette première scène. Et en particulier, la violence qui y est instillée dès les premières minutes.
La violence est toujours attendue dans ce genre d’histoire. Et elle doit être illustrée immédiatement, directement pour affirmer ce que sont ces personnages et qu’ils sont sans pitié.
La violence elle-même répond à certains critères. Dans ce genre, ce ne sont pas les poings qui serviront à représenter la violence. Ce sont des armes qui sont convoquées. Ici, il s’agit d’un fusil et d’un couteau. Et cela aide l’auteur à trouver les images dont il a besoin pour essayer de communiquer ce qu’il a à dire.
Dans cette scène à la violence graphique patente, il n’y a aucun mélange de genre. En procédant ainsi, il est clair et distinct pour le lecteur de ce que cette histoire sera et de ce dont elle parle.
Une tension dramatique
La première scène (après une éventuelle séquence d’ouverture) met en place aussi une tension dramatique en laissant entendre des complications et des conflits à venir. Elle peut déjà suggérer une question dramatique ou présenter des circonstances desquelles le protagoniste doit s’extraire.
Dans cette scène qui ouvre véritablement l’histoire, il devrait être fourni au lecteur suffisamment d’informations pour qu’il puisse continuer à lire sans se perdre en conjecture sur l’action qui lui est présentée.
Gardez en tête que votre personnage principal nourrit l’intrigue. Ces deux éléments dramatiques (héros et intrigue) sont indissociablement liés. L’exposition de votre héros et de son problème qui le motivera tout au long de l’intrigue devraient être rapidement saisis par le lecteur afin de l’emmener dans l’intrigue.
Le flashback peut s’avérer nécessaire pour le bien de votre histoire, mais il ralentit l’élan de l’intrigue. Et cet élan est efficace parce qu’il se concrétise dans le présent de la fiction.
Prenez comme principe, si vous le souhaitez, que cette scène inaugurale de votre fiction doit être consacrée à votre personnage principal. Elle l’implique directement et devrait révéler quelque chose sur sa personnalité. Et comme il s’agit d’un scénario, c’est visuellement que cela doit transparaître.
De plus, cette situation initiale est grosse d’un malaise. Le personnage principal n’en est peut-être pas conscient mais il y a définitivement quelque chose qui ne tourne pas rond (soit chez lui, soit dans son environnement). Par exemple, il est évident que Harry Potter n’est pas à sa place chez sa tante et son oncle.
Un événement va venir bouleverser ce statut quo. Et le lecteur l’attend. C’est ce qu’on nomme habituellement l’incident déclencheur. Et cet incident est ce qui prépare l’entrée dans l’intrigue.