La Chevauchée des Bannis (1959) de André De Toth

Ce film est adapté du roman éponyme (1959) de Lee E. Wells, et semble avoir particulièrement plu à un des 4 Borgnes de Hollywood, le cinéaste André De Toth qui s'attacha les services du scénariste Philip Yordan délèbre notamment pour "Johnny Guitar" (1954) de Nicholas Ray. Cependant, pour l'anecdote, ce scénariste est assez obscur et de lourd soupçon porte à croire qu'il n'a pas écrit toutes ses oeuvres lui-même et qu'il avait des nègres pour faire le travail. De Toth lui-même dit de Yordan : "Il a écrit sur les chéques pour les signer."... Mais surtout, chose rarissime, André De Toth réalisa lui-même les repérages pour son film et choisit un petit coin de l'Oregon, un plateau difficile d'accès et régulièrement enneigé et y fit construire pour l'occasion une petite bourgade pour un tournage de quelques semaines.

La Chevauchée des Bannis (1959) de André De Toth

L'histoire reprend une lutte bien connue de la fin de la Conquête de l'Ouest, celle des cowboys "à l'ancienne" qui refuse que les nouveaux colons venus de l'Est placent des barbelés sur les prairies. Alors que le ton monte dans la petite ville entre les pros et antis les débats sont interrompus par l'arrivée impromptue d'un groupe de fugitifs... Le héros, anti-barbelés, est joué par Robert Ryan, excellent acteur trop souvent oublié malgré une carrière magnifique de "Nous avons gagné ce soir" (1949) de Robert Wise à "La Horde Sauvage" (1969) de Sam Peckinpah en passant par "L'Appât" (1954) de Anthony Mann et "Les 12 Salopards" (1967) de Robert Aldrich. Le chef des bandits est interprété par l'ogre Burl Ives, alors au sommet de sa carrière après "A l'Est d'Eden" (1955) de Nicholas Ray, "Les Grands Espaces" (1958) de George Stevens et "Une Chatte sur un Toit Brûlant" (1959) de Richard Brooks. La belle (il y en a toujours une !) est jouée par la sublimissime Tina Louise, révélée dans le film "Le Petit Arpent du Bon Dieu" (1958) de Anthony Mann, sa notoriété toute neuve doit aussi avoir avec ses apparitions dans le magazine Playboy (mai 1958 et avril 1959). Cette même année 1958 elle sera nommée "Rousse la plus belle du monde" par le National Art Council. Pour l'anecdote en plus, son personnage se nomme Helen Crane et elle épousera en 1966 un homme nommé Les Crane. En prime des seconds rôles solides joués par des "gueules" bien connues des Films Noirs et autres westerns comme Elisha Cook Jr ("Le Grand Sommeil" en 1946 de John Huston et "L'Ultime Razzia" en 1956 de Stanley Kubrick) et Jack Lambert ("Les Affameurs" en 1952 de Anthony Mann et "Vera Cruz" en 1954 de Robert Aldrich)... Tourné en novembre-décembre 1958 ils ont dû affronter les conditions météo (blizzard, froid, isolement,..) difficiles, pour les hommes et les femmes travaillant sur le film, mais des conditions idéales pour l'histoire et le film lui-même ce qui contribue grandement à l'authenticité du récit. Le scénario est magnifiquement écrit offrant une intrigue pour une autre.

La Chevauchée des Bannis (1959) de André De Toth

En effet on passe de la guerre intra-communautaire sur les barbelés à une question de survie pure et simple contre une bande de hors-la-loi. Le film se scinde en trois actes, la "mise au point" sur les barbelés (épilogue), l'arrivée des hors-la-loi et enfin la chevauchée ultime. La tension ne cesse jamais tant les hors-la-loi sont sur les nerfs, crevant d'envie de profiter de leur position de force par tous les bouts mais bridés part un chef qu'ils détestent autant qu'ils craignent. On peut se demander pourquoi d'ailleurs les hommes ne liquident pas leur chef (Prestige du passé ?! Réputation du chef méritée ?...). Le meilleur moment arrive lors du choix du sacrifice, un double sacrifice qui n'a rien d'héroïque ni de désinteréssé. Des sacrifices d'abord menés simplement par l'orgueil et l'égoïsme. Le vrai et unique bémol serait pour la fin, finalement quitte à choisir il aurait fallu finir 2mn plus tôt. André De Toth signe avec ce film son dernier western et son dernier film hollywoodien et sonne comme un testament lucide et fataliste sur la condition humaine. Dans un Noir et Blanc judicieusement marié à l'hiver ce western reste sans aucun doute le meilleur film du réalisateur dont on peut citer aussi "L'Homme au Masque de Cire" (1953), "Le Sabre et la Flèche" (1953) ou "Les Mongols" (1961). Un des films qui a inspiré Tarantino pour "Les 8 Salopards" (2016)...

Note :

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