Dans un projet d’écriture, avant de s’attaquer derechef à la page blanche, on réfléchit (ou bien l’on rêve) quelque peu à l’environnement que nous allons mettre en place.
C’est-à-dire son histoire, son étendue, ses conditions.
Lorsque l’histoire se déroule sur un fond de guerre, par exemple, il est bon que l’auteur ait quelques idées sur les moments politiques qui ont précédé l’entrée dans la guerre. Même si ces moments ne seront jamais mentionnés dans le corps de l’histoire s’ils ne sont pas importants aussi pour le lecteur.
La capacité de décrire des événements complexes peuplés par des personnages tout autant alambiqués exige que l’auteur sache pourquoi ces événements se sont produits et qui sont ces gens qui sont impliqués en eux.
Tous ces détails ne figureront probablement pas dans le scénario mais ils permettront peut-être inconsciemment d’ajouter de la couleur et de la profondeur à l’histoire. S’interroger au préalable de l’écriture proprement dite facilitera cette dernière puisque vous aurez répondu à de nombreuses questions qui auraient été autant d’interruptions.
Le passé de l’histoire
Que s’est-il passé avant le début de l’histoire ? D’où vient votre héros ?
Sa famille, ses activités, sa condition psychologique, les souvenirs qui le hantent sont l’idée même de votre personnage.
Et qu’est-ce qu’une situation ?
Si ce n’est l’étape actuelle d’une succession d’événements qui ont mené présentement à elle (par ailleurs, une situation présente est probablement aussi la cause d’événements futurs).
Pour vous aider dans l’invention du passé, interrogez-vous sur :
Les convictions et les croyances
Quels sont les points de vue de vos personnages sur les questions politiques, sociales… ? Comment considère-t-il la vie ? Quels sont les préjugés qui l’habitent ?
L’éducation
Il s’agit davantage de formation. En somme, quels sont les événements qui ont fait de votre personnage ce qu’il est aujourd’hui. Est-il une personne qui met en œuvre son intelligence pour créer des choses ou résoudre des problèmes ?
Ou plutôt est-il enclin à laisser faire son intuition ?
Son éducation a t-elle favorisé sa sensibilité ou a t-elle au contraire réprimé son cœur à fleur de peau ?
Ses origines
Pour résoudre la problématique des origines, le mieux est de se pencher sur la famille du personnage.
Est-il issu d’une famille d’ouvriers ? Si c’est le cas, quelles ont été ses conditions de vie ? Les a t-il acceptées ? Ou bien les a t-il reniées ?
Les origines du personnage ont probablement aussi façonnées ses fréquentations. Est-il ami avec des personnages de la même catégorie sociale ? Ou bien a t-il cherché (ce peut être aussi le hasard d’une rencontre) des personnages issus d’un milieu social différent du sien ?
La situation du personnage
Dans le présent de l’histoire, le personnage est jeté dans une situation. Comment pouvez-vous expliquer cette situation ? Par exemple, si votre histoire a un fond de racisme, quelle sera la couleur de la peau de votre héros ?
Sera t-il blanc et exaspéré du racisme ordinaire qu’il constate au quotidien ? Ou bien sera t-il différent de la majorité de la communauté dans laquelle il vit et subira les affres d’un racisme trop bien ancré dans les mœurs ?
Envisager quelques lignes sur les conditions socio-économiques des communautés décrites peuvent aider à fluidifier le moment de l’écriture du scénario.
Les événements majeurs du passé
On ne peut réfuter qu’en fiction, on rencontre souvent un enchaînement de causes et d’effets. Un événement actuel est souvent le résultat d’événements passés. Il est intéressant de rechercher ce qui est à la source des événements actuels. Et peut-être même de s’interroger sur les conditions de cette source. Cela peut permettre d’ajouter de la cohérence à l’histoire.
Les succès et les échecs
Souvenirs, réminiscences, bons ou mauvais, modèlent une partie de ce que nous sommes. Dans certaines situations, ils peuvent guider les réactions des personnages. Ce seront alors des comportements, des attitudes ou des postures qui ne peuvent s’expliquer que parce qu’ils sont reliés à un souvenir.
Si Louise tire sur l’homme dans la scène du parking, cet événement s’explicitera plus tard lorsque nous comprendrons que Louise elle-même a été victime d’un viol dans le Texas. Nous comprenons son geste et nous comprendrons aussi pourquoi elle ne veut pas passer par le Texas pour rejoindre le Mexique (Thelma et Louise).
Ainsi, les succès et les échecs passés d’un personnage peuvent être utiles dans certaines situations dans le présent du scénario.
Les peurs
On peut admettre que les peurs sont quelque chose que l’on cherche à éviter dans sa vie. En effet, nous ne sommes pas vraiment enclins à revivre ce qui nous angoisse.
Parfois, ces peurs peuvent cependant nous pousser à réussir (si nous parvenons à les surmonter).
Les peurs et frayeurs diverses nourrissent souvent l’arc dramatique d’un personnage. Son évolution consistant justement à vaincre ses phobies (il avait besoin de l’emporter sur lui-même avant d’atteindre à la plénitude de son être) pour obtenir ce qu’il veut dans cette histoire (son désir, souvent incoercible).
L’activité professionnelle
On conçoit aisément que dans un thriller, le héros soit un officier de police. Mais il peut être aussi un journaliste comme dans Les hommes du président. La profession est donc partie prenante de l’intrigue.
Mais elle concerne essentiellement le présent de l’histoire. Ce qui est intéressant à développer néanmoins est pourquoi par exemple votre héros, enquêteur de son état, fait montre parfois de lâcheté.
Si l’on découvre au cours de l’histoire que son équipier et lui sont tombés dans une embuscade et que son collègue et ami y a laissé la vie, on peut effectivement comprendre pourquoi il agit si misérablement aujourd’hui. Par ailleurs, cet événement lié à l’activité professionnelle peut alors justifier l’intrigue si celle-ci se fonde sur une vengeance.
L’auteur peut aussi se pencher sur les raisons de cette vocation. Le père du héros était-il lui-même un policier ? A t-il été tué au cours d’une mission ?
Ses différences
C’est ce qui rend un personnage unique, ce qui permet de le distinguer, physiquement autant que psychologiquement. Travailler à partir d’un archétype est toujours utile (ne confondez pas avec le stéréotype, à proscrire absolument).
Vous rencontrerez de nombreux articles sur les archétypes dans Scenar Mag car c’est toujours une bonne base de travail pour élaborer un personnage.
Ensuite, il est important d’ajouter certains attributs qui vont le différencier, des choses que vous jugerez utiles pour votre personnage. Par exemple, dans Un homme d’exception, John Forbes Nash Jr. aborde la schizophrénie. C’est une particularité qui fait avancer l’histoire.
Son système de valeurs
Les individus diffèrent aussi par leurs conceptions du bien et du mal. L’éthique d’un personnage le définit bien souvent. Le protagoniste et l’antagoniste ont tous deux un système de valeurs fort différent. Pour chacun d’entre eux, ce qu’il fait est bien et a tendance à juger les actes d’autrui comme mauvais.
Interrogez-vous sur ce que vos personnages valorisent le plus en eux-mêmes ? Chez l’autre ? Chez un enfant ?
Quels types de comportement abhorrent-ils le plus chez les autres et en eux-mêmes ?
Ce en quoi il est doué
C’est un peu comme si un personnage avait une spécialité. S’en sert-il immédiatement ou au contraire, l’intrigue se base-t-elle sur le fait qu’il ignore encore cette faculté ?
On peut même envisager que l’incident déclencheur mette au jour cette ressource que le héros ne soupçonnait pas.
L’époque
L’histoire peut se situer à n’importe quel moment de l’Histoire avec un grand H. Les mentalités diffèrent d’une époque à l’autre et il faut en tenir compte. Ce qui préoccupait les peuples à un moment donné de l’histoire n’est certainement pas ce qui retient l’attention de nos jours.
Et il y a aussi la question du flashback. Celui-ci peut être utile à expliquer un personnage. Il est donc important de justifier ces réminiscences devenues publiques et de les rendre légitimes en tant que rouages de l’histoire.