[Critique] – Pour le réconfort, un film « hors-norme » de Vincent Macaigne

[Critique] – Pour le réconfort, un film « hors-norme » de Vincent Macaigne

Tremblez en entendant ces cris ! Le premier long-métrage destiné au cinéma de Vincent Macaigne est un pur film en colère contre une société répressive financièrement, créant des classes pour mieux séparer la population. Un pur film de cinéma, organique comme l'a clamé son scénariste/réalisateur (rencontré à Lille lundi dernier), fabriqué avec peu de moyen mais avec une liberté formant sa grandeur.

Pour le réconfort pourrait incarner l'essence du mot lutte. Une lutte qui s'incarnerait tout d'abord dans sa production. Fabriqué avec les moyens du bord selon Macaigne, la production du film s'est avéré très solidaire. Avec l'entraide de sa troupe de comédiens, le réalisateur a su poursuivre ses expérimentations cinématographiques avec peu de moyens mais beaucoup de sincérité. Bourré d'idées pour la placer, cadrant une conversation en voiture ou une dispute amoureuse colorée par la fumée d'une boîte de nuit, le manque de moyens permet à la caméra de filmer plus librement ce cri élancée par ces personnages en pleine fracture.

Une fracture sociale qui dure dans une génération obsédée par la richesse auquel s'affrontent deux camps : Pascal et Pauline, deux jeunes gâtés par un héritage puis Manu et Laure, couple de travailleurs trimant pour gagner leurs vies. Ne jugeant pas, Macaigne filme ces éternelles disputes, qui mèneront inévitablement vers une non-réconciliation, tel une tragédie grecque prenant ainsi le spectateur à parti. Car, en voyant se confronter avec acharnement ces points-de-vues, le spectateur est donc incité à ne pas forcément juger ces personnages, mais à les comprendre et à se refléter parmi eux. Tout simplement, à comprendre que la situation est dorénavant catastrophique, et impossible pour chaque camp de s'écouter. Et c'est en ce point où Pour le réconfort s'avère être le film le plus remarquablement violent vu cette année. Et pourtant, on a vu la carcasse d'un bébé dévoré chez Darren Aronofksy le mois dernier...

Mais ici, cette haine n'est pas montrée dans sa représentation graphique mais d'avantage dans la détresse d'une parole souvent balancée avec spontanéité et presque de l'improvisation. " Presque " puisque, précisé par le metteur-en-scène de théâtre et de cinéma, il y a eu autant de l'improvisation qu'une écriture implantée au sein du scénario (il faut d'ailleurs préciser que le motif du film partait d'une très libre adaptation de La Cerisaie de Tchekhov). Saluons à ce niveau le talent fou de chacun des comédiens : Emmanuel Matte, Laure Calamy, Pascal Reneric, Pauline Lorillard, Joséphine de Meaux et Laurent Papot. Chacun donne grâce à ses personnages brisés dans des scènes de longues durées où peuvent se côtoyer rires, larmes et malaises.

On va éviter de décrire ce nouveau cinéma français comme étant celui de la Nouvelle Nouvelle Vague car ce serait partir dans une exclamation qualitative presque clichée. Car cette génération souvent tragi-comique insuffle aux productions audiovisuelles une volonté de crier, de rire, d'interpeller avec passion pour le cinéma et pour la population. Antonin Peretjakto, Guillaume Brac, Justine Triet, maintenant Vincent Macaigne et bientôt Léonor Serraile (dont on a hâte de vous parler de Jeune Femme), chacun livre sa propre colère, racontant leurs propres galères auquel chaque jeune spectateur peut se retrouver. En passant par le burlesque, la tragédie grecque ou la chronique sociale, un dialogue se crée d'emblée avec le public grâce à la magie de ces auteurs et du cinéma. A ce titre, Pour le réconfort est l'un des plus beaux cris à la population déclarée au cinéma ces dernières années. Un film " hors-norme " pour reprendre les mots de Vimala Pons au personnage de Vincent Macaigne dans La Loi de la jungle.

Victor Van De Kadsye