#24. Volte/Face de John Woo (1997).
" A une heure ou il est très douloureux de voir Nicolas Cage se consumer à petit feu au sein de séries B de luxe flirtant douloureusement avec la bordure du Z (de nombreuses gouttes de pisses qui vont bientôt faire déborder la cuvette pour les amoureux du bonhomme), il est si bon de se remémorer aux bons souvenirs de ses meilleures péloches - surtout d'action -, pondues aux dernières heures des 90's : Rock, Les Ailes de l'Enfer mais aussi (et surtout) Volte/Face; de loin le meilleur film - le moins amputé pour être plus juste - du roi John Woo sur les terres de l'oncle Sam, et un véritable objet de fascination pour moi durant toute mon enfance.
Exemple parfait du triste sort réservé aux cinéastes étrangers expatriés aux États-Unis, le bonhomme, d'une humeur méchamment revancharde après deux opus divertissants mais un poil informe (Chasse à L'Homme, Broken Arrow), s'était mis en tête de gentiment latter les burnes du cinéma d'action ricain en lui offrant son rejeton le plus irrévérencieux et dopé à la surenchère.Volte/Face donc, véritable petite miracle viscéral au postulat de départ complètement barré et très SF sur les bords (un flic va prendre le visage et l'apparence physique de son pire ennemi dans le coma, pour déjouer un attentat, jusqu'à celui-ci en fasse de même à son réveil), est ni plus ni moins une explosion de jubilation et d'éblouissement artistique.
S'appuyant sur ses thèmes de prédilection (la gémellité entre l'innocence et la culpabilité, la pureté et la dépravation, la vérité et l'apparence), le cinéaste transcende le concept de l'anticipation scientifique en illustrant avec une subtilité et une ambiguïté rare, la définition du bien et du mal dans la psyché de deux anti-héros.
Et c'est là que toute l’ambiguïté du métrage atteint son paroxysme, car en devenant l'autre, l'ennemi ultime, chacun ne fera que se détruire lui-même : la séquence la plus culte du film, celle du miroir, le démontre implacablement.
Dos à dos contre un miroir, les deux ennemis tentent de trouver un terrain d'entente pour retrouver chacun leur existence d'antan, mais voyant très vite qu'ils n'arriveront à aucun compromis, ils décident à nouveau de s'entretuer.
Ils se retournent face au miroir derrière lequel se trouve l'ennemi et font feu, le miroir renvoyant à chacun le visage à abattre, mais au final c'est leur identité propre qu'ils se doivent d'éliminer, pour avoir une chance de redevenir eux-même...
Une ambiguïté dans les deux personnages principaux qui se reflète inéluctablement sur leur entourage, qui se laisse complètement berner par les apparences.
Même s'ils émettent des réserves, aucun ne peut soupçonner ce changement d'identité.
Quand Archer devient Troy, et colle une raclée à un codétenu, tout le monde l'acclame alors que Sean est en totale perte de repères; quand ses anciens complices l'accueillent, ils ont des doutes mais ils se laissent tout de même séduire par cette figure proche de ce qu'ils avaient connu, folle et imprévisible.
Idem pour Troy en Archer, ses collègues du FBI le portent au nu, sa fille le respecte plus et même sa femme se laissera séduire par les attentions d'un mari qu'elle a toujours voulu en sécurité dans un bureau, et plus sur le terrain.
Alignant les anecdotes à la religion (les symboles religieux; les références bibliques avec le nom de la femme de Archer, Eve, et de l'enfant qu'ils adopteront, Adam), s'appuyant sur un scénario en béton armé - de Michael Colleary et Mike Werb -, un producteur intelligent et franchement impliqué (coucou Michael Douglas), un score puissant, porté par deux acteurs en complet état de grâce : Nicolas Cage (tout en folie grimaçante et en douleur intérieur, de loin l'une de ses plus belles performances) et John Travolta (grandiose, à la fois touchant, disjoncté et troublant), ainsi que des seconds-rôles de qualité (Joan Allen, Gina Gershon, Thomas Jane, Alessandro Nivola et le réalisateur Nick Cassavetes); John Woo accomplit quasiment l'impossible en accouchant en tout point d'un chef-d’œuvre du cinéma d'action moderne.
S'il te plaît Nic, redeviens comme avant..."
Jonathan Chevrier
Plus ou moins fils spirituel du Dude et du Zohan réunis, cinéphile/cinévore/cinémaniaque convaincu depuis mon premier battement de cils, je voue un culte sans borne à Sylvester Stallone. Biberonné aux séries B, les salles obscures sont mes secondes maisons et je fonds comme un vampire au soleil sans ma dose quotidienne de bonnes péloches.
Blog : Fucking Cinephiles