Auteur & responsabilité

Toutes les fois où vous vous lancez dans un projet (surtout pour un média comme le cinéma), le résultat de votre travail peut avoir une grande influence autant sur les enfants, les ados ou les adultes.

Et bien au-delà des frontières et des cultures. Ce que vous écrivez dans un scénario sera vu, entendu et probablement cru puisque le lecteur suspend son incrédulité lorsqu’il est plongé dans la lecture d’une œuvre de fiction.
Il est important que l’auteur prenne ses responsabilités face à son scénario. Ce qu’il doit prendre conscience est de rester authentique avec son sujet (les digressions seront mal perçues) et respectueux de ses lecteurs.
Ecrire un scénario, c’est inventer une illusion de la réalité. Plus l’action apparaîtra réelle et plus l’histoire sera réussie. Mais le travail du scénariste n’est pas simplement de représenter dans l’imaginaire du lecteur une copie de la réalité.
Son travail ne consiste pas à recréer la vie mais à la concevoir.

La différence entre copier et inventer

Si je me contente de retranscrire sur le papier les conversations que j’entends autour de moi, je ne fais que recréer la vie. Cela peut fonctionner mais alors quoi ?
Ce n’est pas un échange que je pose sur le papier mot pour mot.

En fait, je vais rejouer cette conversation. Je vais peser certaines informations, en sélectionner certaines et en éliminer d’autres. Je vais donc faire un choix et un nouvel assemblage de ces informations.
Ainsi, je ne recrée pas la vie. Je l’élabore.

Que je prenne des événements historiques ou je me livre à une adaptation d’un récit existant, je sélectionne les éléments qui figureront dans mon scénario et je les assemble selon une intention qui m’est personnelle.

Il y a deux questions à se poser :

  1. Quel est le type de monde que je cherche à concevoir ?
  2. Et pourquoi concevoir ce monde -ci plutôt qu’un autre ?
Une décision

Dans une œuvre de fiction, l’auteur à dès le départ le choix entre trois options :

Son personnage principal survivra-t-il à son aventure ? ou bien périra-t-il ? Ou simplement comme dans Spring Breakers de Harmony Korine où deux des personnages quittent littéralement l’histoire ?

Dans le cours de l’intrigue, l’auteur choisira-t-il de tuer un personnage devant les yeux du lecteur ou bien préférera-t-il suggérer ce meurtre ? en commençant l’action mais ne montrant pas la mort du personnage.
Ou bien laissera t’il son lecteur inférer d’une situation l’information ou bien celle-ci lui sera donnée par un personnage ?

Souvent l’option est logique. Mais parmi les choix difficiles comme de montrer un meurtre dans toute sa crudité et sa brutalité relève d’une question de morale.
Certes, quelqu’un qui crée est parfois en butte avec l’éthique qu’il peut considérer comme un carcan voire une censure.

Pourtant, un scénario existe dans un domaine éthique. Ce scénario parle de motivations humaines. Il exploite des décisions que l’auteur décrit sur le papier.
Le lecteur reçoit ces choix et les juge. Il cherche à comprendre ce qui motive les personnages. Et il les juge en conséquence.

Des questions éthiques

Les personnages sont-ils honorables ou méprisables ? Leurs comportements suscitent-ils du mépris ou au contraire le los ?
Sont-ils honnêtes ou cachent-ils leur jeu ?
Pourquoi agissent-ils comme ils le font ?
Ce sont des questions éthiques et parce qu’elles imprègnent toute l’histoire, il est important que l’auteur s’en préoccupe.

De très belles histoires portent sur des questions éthiques. Le dictateur de Chaplin ou La liste de Schindler de Spielberg traitent de l’holocauste sous un angle éthique.
Ce sont des histoires qui au-delà du divertissement invitent au débat.

Ces histoires ne sont d’ailleurs pas conçues pour rendre le lecteur confortable. Elles ont été écrites pour des raisons éthiques. Ce qui implique une réponse du lecteur.

Dans les choix moraux qu’un auteur présente au lecteur, il a forcément une part de responsabilité parce que quelqu’un va lire son histoire. L’auteur sollicite la participation de son lecteur. Il a donc intérêt à être conscient de ce qu’il suggère et dit.

Autant qu’il sache pourquoi il écrit parce qu’il devra non seulement en rendre compte à lui-même mais aussi au lecteur. Le matériel qui lui servira de support présente soudain un risque si sa stratégie de compréhension est mal connue d’un côté et mal interprétée de l’autre.

L’aspect favorable cependant est qu’en comblant les attentes du lecteur à la fois en le divertissant et en lui permettant de découvrir quelque chose sur le monde ou sur lui-même, vous posez un principe de qualité de votre fiction.

L’auteur est responsable de son projet

Un scénario est un outil que l’auteur possède tant qu’il ne l’a pas cédé à d’autres corps de métier.
La façon dont il veut raconter son histoire, ce qu’il a à dire sont de sa responsabilité.

Un auteur travaille son matériel pour de nombreuses et diverses raisons. Il espère intéresser le lecteur. Et ce qui touche personnellement l’auteur dans l’histoire qu’il raconte doit toucher le lecteur semblablement. Bien plus, l’auteur sculpte le matériel pour qu’il ait l’effet désiré sur un lecteur.

Peut-être que d’écrire pourvoit à un idéal. L’auteur devrait maintenir l’intégrité de cet idéal pendant tout le processus d’écriture.
Vis-à-vis de l’auteur, qu’y a t-il de sacré dans ce qu’il écrit ? La profondeur de ses personnages lui apporte-t-elle un sentiment de complétude ? Parvient-il à exprimer ses pensées et opinons (même si celles-ci sont à contre-courant de l’opinion majoritaire) ?
Ce sont des questions fondamentales dans la décision d’écrire. L’auteur doit tenter de les lister et d’y répondre et de s’assurer qu’il les accomplit dans son projet.

Quelles sont les intentions d’un auteur ?
  • Il écrit une histoire en laquelle il croit.
  • Il étudie plusieurs options avant de se décider pour une.
  • L’auteur garde à l’esprit qu’il écrit pour un lecteur.
  • Il se souvient tout au long du processus d’écriture de ce qui l’a attiré dans cette histoire, ce qui l’a poussé à l’écrire.
  • Et il doit faire de son mieux (ce qui suppose des réécritures pour tenter l’impossible perfection).