Il y a une connexion forte entre Steven Soderbergh et les héros de Logan Lucky. Laissé pour compte par les majors hollywoodiens, le réalisateur a décidé de braquer les studios pour prendre sa revanche avec cette comédie indépendante où deux frères abandonnés par la société entreprennent un cambriolage d'une grande envergure afin d'obtenir réparation et subvenir à leurs besoins élémentaires. Comme un air réjouissant de Ocean "s Eleven chez les rednecks.
On laisse tomber les costumes chics, les belles voitures et les casinos pour travailler dans les mines, traîner dans des bars isolés et être obsédé par les courses de Nascar en écoutant John Denver. Là ou Ocean's Eleven s'étalait dans un monde de luxure tout en contournant sa morale, Logan Lucky se révèle comme les conséquences de la trilogie de Soderbergh. A force de montrer les beaux quartiers aux quatre coins du monde, on finit par oublier qu'il y a des individus dévoués par un pays qui les délaisse. A eux maintenant de prendre la relève pour se faire entendre !
On suit donc une histoire racontée sur le même principe des Oceans : Background des personnages (l'un est un mineur divorcé fraîchement licencié, l'autre est un barman manchot dû à son intervention en Irak), préparation du casse et le passage à l'acte avec son lot d'incidents. Mais là où la trilogie procurait un simple plaisir de divertissement, Logan Lucky offre en plus un constat sur une partie des Etats-Unis abandonnée mais pour autant attachante.
Nous ne sommes pas face à une satire alarmante sur les sudistes, bien au contraire. Soderbergh a l'intelligence de nous montrer une autre facette d'un monde souvent briséspar les actes ignobles se déroulant en son sein (comme le rappelle les tristes événements l'été dernier à Charlottesville). Avec attache et empathie, il s'empresse de nous raconter les tranches de vies de ses habitants, de leurs galères et de leurs cultures en les écoutant. Cette bande qui se forme nous subjugue par leur bonhomie général et la bonne ambiance qui se dégage. Car on rit beaucoup devant ce Logan Lucky, peu avare en bons sentiments. Daniel Craig excelle dans le rôle de ce taulard azimuté tandis que le duo Channing Tatum/Adam Driver fait des merveilles et nous prend aux émotions par cette relation fraternelle inébranlable. Difficile aussi de ne pas succomber à l'émotion lacrymale où une salle entière entonne une mythique chanson de John Denver...
Si le casse de Soderbergh a échoué à moitié aux Etats-Unis, il y a fort à espérer que la production indépendante puisse récolter les spectateurs français. Simple dans sa mise-en-scène pour plus d'efficacité dans la narration, Logan Lucky est un casse réussi en terme de divertissement. Le genre de films sans prétention si ce n'est qu'il soit réalisé avec un coeur aussi grand qu'une piste de course NASCAR.
Victor Van De Kadsye