Changement d’ambition pour Albert Dupontel. Le trublion adapte Au Revoir Là-Haut de Pierre Lemaître et nous offre un grand film poétique et engagé, ce qui manquait au cinéma français depuis longtemps !
Quatre ans se sont écoulés depuis son dernier grand sketch Tex Avery qu’était 9 Mois Ferme. Quatre ans qui lui auront permis de bien préparer cette adaptation ambitieuse du prix Goncourt remporté par Pierre Lemaître avec Au Revoir Là-Haut, également grand succès de littérature populaire.
Le voici donc qui marche sur les traces de Jean-Pierre Jeunet en plongeant à son tour dans le contexte post-première guerre mondiale mais avec des intentions tout à fait différentes. Car ici il ne s’agit pas d’une histoire d’amour romanesque mais surtout une histoire d’amitié, d’injustice et reconnaissance.
Narré par un Albert Dupontel bien plus posé que dans ses autres films, nous allons donc suivre la vie de deux rescapés 14-18 (dont l’un au visage masqué après des blessures de guerre visage) qui montent une arnaque sur les monuments aux morts, une aventure qui va les amener à recroiser leur passé.
Et dès que l’on voit où va nous mener cette histoire, on comprend alors finalement tout de suite pourquoi, sous couvert d’un film ambitieux avec reconstitution des tranchées meurtrières ou du Paris de l’époque, derrière les costume et un cadre que l’on voudrait classique, Dupontel a souhaité raconter cette histoire. Il s’agit bien sûr avant tout de raconter la vie d’exclus, de marginaux ignorés du système qui vont chercher un moyen de survivre et, d’une certaine manière, de se venger.
Si cela est moins cartoonesque, ce n’en est pas moins poétique. Car le personnage d’Edouard, artiste au visage déformé et caché derrière des masques, apporte par sa vision et sa gestuelle une douce folie et une vision qui rappelle les grands artistes du cinéma muet. A travers son jeu du corps et son simple regard à travers un masque, la révélation de 120 Battements par Minute, Nahuel Perez Biscayart transcende le film et lui apporte une dimension poétique remplie d’émotion qui culmine dans une dernière partie qui pourrait arracher quelques larmes.
C’est grâce à des personnages bien croqués comme celui-là que le film gagne en profondeur et va encore plus loin que les précédents films d’Albert Dupontel. Mais le réalisateur n’oublie pas pour autant d’offrir quelques autres personnages haut en couleur, en particulier un Laurent Lafitte particulièrement détestable en ordure de premier rang, un rôle qui lui va à merveille.
Il n’y a pas à dire, l’association de Dupontel avec Pierre Lemaitre emmène le cinéaste vers des horizons plus ambitieux sans se renier et c’est aussi ce qui fait la beauté d‘Au Revoir Là-Haut. Le réalisateur, avec un budget à la hauteur de sa vision peut maintenant y aller à fond et s’amuser avec les cadrage qui lui font plaisir, avec des mouvements de caméra originaux, certes un peu voyants mais qui nous permettent d’entrer dans le monde qu’il veut nous faire découvrir.
Avec un vrai sens de la poésie, rempli d’émotion mais aussi avec beaucoup d’ambition et sans oublier une portée politique et sociale, Au Revoir Là-Haut est donc une oeuvre complète et surtout un grand film qui nous rappelle ce que peut être le cinéma français. C’est beau !