Une fiction, ce sont des personnages. Comment ils agissent, comment ils réagissent, ce qu’ils nous donnent à voir d’eux-mêmes est l’histoire.
Alors autant les approfondir pour en faire des personnages à trois dimensions et pas seulement de vulgaires stéréotypes.
Sur les personnages à trois dimensions, nous pouvons vous conseiller la lecture de :
PERSONNAGE A TROIS DIMENSIONS
Si vous avez lu ou relu cet article sur la création d’un personnage à trois dimensions, peut-être avez-vous pris peur.
En effet, pour le moment, nous avons seulement accroché quelques contours d’un personnage à l’idée que nous avons eue et dont nous avons la folle ambition d’en faire un scénario.
Nous savons aussi que notre processus de création a commencé. Et nous ne pouvons l’interrompre momentanément en travaillant sur la biographie de nos personnages.
Il faudra certes le faire mais pour le moment, c’est encore un peu tôt.
Travaillez trop tôt sur les biographies
Le problème n’est pas la biographie en elle-même. C’est un très bon exercice pour aller à la rencontre de ses personnages. Lorsqu’on débute le processus de réflexion de son idée avec l’espoir d’en faire un scénario, le risque de tomber amoureux de ses personnages en se concentrant avec autant d’intensité sur leur passé mène souvent à occulter que son idée d’histoire se situe dans le présent narratif.
Le souci est que toutes ces informations que vous allez énoncer sur le passé de votre personnage, vous allez vouloir les faire entrer de force dans votre scénario. Bien sûr, certaines seront évidentes et lui appartiendront de plein droit.
Néanmoins, la majeure partie d’entre elles ne seront pas aussi pertinentes. Elles ne sont pas inutiles car elles sont des sortes de guide qui vous permettront de savoir comment agira ou réagira votre personnage selon les circonstances et les situations. Mais elles ne font définitivement pas parties de votre histoire.
Une biographie trop présente dans un scénario et celui-ci est tout obscurci du passé et le présent et son futur sont oubliés. Or le présent et le futur sont dans les fondations du suspense.
Celui-ci se conjugue au présent et par l’anticipation (le lecteur essaie de s’imaginer ce que sera la suite de l’histoire), le futur affleure à la surface de l’histoire.
Les traits à définir pour commencer
Donc, ne commencez pas par vous plonger trop profondément dans les entrailles de vos personnages. Lorsque le besoin s’en fera sentir, vous pourrez fouiner un peu plus longuement et faire émerger du passé du personnage les informations pertinentes (forces, faiblesses, peurs et autres qualités et défauts de la sorte).
Comme vous venons tout juste d’accrocher un personnage à notre idée, commençons plutôt par désigner quelques attributs indispensables :
- Son âge
- Son activité professionnelle
- Parmi les relations possibles, celle qui soit la plus émotionnelle (comme un amour, par exemple)
- Et sa situation sociale (essentiellement, est-il riche ?
Est-il pauvre ? Est-il endetté ?…).
Si par exemple, vous inventez votre personnage principal comme étant une jeune femme de 25 ans, sapeur-pompier, célibataire et aux fins de mois difficiles, vous dites déjà beaucoup sur ce personnage.
De même, si vous inventez un personnage de 62 ans, comptable de son état, qui soit marié et dont le compte en banque est très bien géré, vous dessinez dans l’esprit de votre lecteur un personnage aux contours déjà bien nets.
Comprenez-bien que ces quelques traits ne définissent pas leurs personnalités. Rien ne nous parle de lâcheté ou de courage, par exemple, dans ces quelques attributs. On pourrait craindre le cliché dans des descriptions si peu détaillées.
Il ne faut pas cependant s’en offusquer parce que les actions de vos personnages (c’est-à-dire leurs comportements) lorsqu’ils seront jetés dans les situations et circonstances que vous aurez imaginé seront de précieux indices sur leurs personnalités. Et celles-ci les rendent uniques.
Poussons notre exemple. Dans la vie réelle, le pompier se précipiterait au secours des victimes d’un immeuble en flammes alors que notre comptable se réfugierait mieux derrière un gros arbre bien à l’abri du danger.
Mais en fiction, nous pouvons ne pas nous contenter de recopier la réalité. Si nous voulons écrire une histoire, nous allons permettre à notre personnage de pompier de se mettre à l’abri d’un gros arbre et à notre sexagénaire de prendre enfin le courage qu’il lui a manqué toute sa vie.
Et soudain, ces deux personnages gagnent en complexité. Bien sûr, ces situations devront être amenées progressivement pour garder crédibilité et cohérence.
Le scénario, outil de travail
Ce qui s’avère peut-être indubitable avec un scénario, c’est que les personnages que vous imaginez seront incarnés par des comédiens.
Et ceux-là vont s’emparer de vos personnages, de ce vous avez écrit sur eux. Et puis un metteur en scène pourrait aussi très bien considérer que le personnage du pompier ne soit pas une jeune femme de 25 ans mais de 45 ans.
Cela change énormément de choses quant à la signification.
Par contre si vous faites faire à vos personnages des choses étonnantes et inattendues, vous orienterez bien plus précisément vos intentions d’auteur concernant ces êtres de fiction (bien plus par exemple qu’un détail vestimentaire bien que cela soit aussi important comme le démontre la description physique du Dude (The Big Lebowski)).
Si vous n’êtes pas encore parvenu à appréhender un personnage qui pourrait vous permettre de donner vie à votre idée, basez-vous sur vous-mêmes. Pourquoi cela ? parce que cela vous permettra de donner un corps temporaire à votre idée.
Il faut développer votre idée et il faut bien commencer quelque part. En fondant un personnage sur vous-mêmes (c’est-à-dire en considérant une version fictionnelle de vous-mêmes), vous allez vous retrouver dans une identification immédiate.
Cela n’est pas bien compliqué. Lorsque vous avez mis en place une situation, demandez-vous ce que vous feriez vous-mêmes dans ces circonstances. C’est probablement l’une des choses les plus importantes lorsqu’on écrit un scénario.
Cela vous assurera aussi que votre personnage présente des réactions crédibles. Et cette crédibilité n’est pas un vain mot posé là pour pérorer. En effet, ce premier personnage que vous avez en tête et qui portera votre idée sera certainement le personnage principal.
Et il est comme un besoin chez le lecteur pour qu’il puisse s’identifier avec ce personnage.
C’est-à-dire qu’il faut qu’il éprouve une empathie envers lui. Pour que cette empathie s’installe, le lecteur a besoin de reconnaître les situations dans lesquelles le héros est jeté. Le lecteur éprouvera par personnage interposé des émotions qu’il reconnaitra soit parce qu’il les a lui-même expérimentées, soit parce qu’elles sont suffisamment universelles pour qu’elles lui parlent.
Un deuil, par exemple, peut être partagé par tout un chacun même si l’on n’en a pas soi-même encore fait la terrible expérience.
En résumé
Ne cherchez pas à rendre votre personnage charmant parce qu’il est le héros de votre scénario ou méchant parce qu’il est le méchant de l’histoire.
Concentrez-vous plutôt à les jeter dans les conflits et à les faire réagir d’une manière unique et réaliste.
Prochain article :
ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (5)