I am not a witch

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine
Shula, 9 ans, est accusée de sorcellerie par les habitants de son village et envoyée dans un camp de sorcières. Entourée de femmes bienveillantes, condamnées comme elle par la superstition des hommes, la fillette se croit frappée d’un sortilège : si elle s’enfuit, elle sera maudite et se transformera en chèvre... Mais la petite Shula préfèrera-t-elle vivre prisonnière comme une sorcière ou libre comme une chèvre ?

I Am Not A Witch – 27 Décembre 2017 – Réalisé par Rungano Nyoni

Depuis « Vincent n'a pas d'Ecailles » que j'ai découvert au « FIFIB » j'évite scrupuleusement de me renseigner sur les films que je vais découvrir pendant la durée du festival, car ça m'a plus desservi que le contraire. Malgré tout, a chaque conférence de presse pré-fifib, il y a forcément quelques films qui tapent plus dans l’œil que d'autres et c'est le cas avec le premier film de Rungano Nyoni « I am not a Witch » présentér pendant la Quinzaine des réalisateurs à Cannes cette année !
Shula, 9 ans, n'est pas une sorcière, on l'a accusée! Mais elle n'a pas la force de le dire, ni de dire son nom, ce qui suffit pour l'envoyer dans un des nombreux camps de sorcières qui existent en Zambie. Des prisons à ciel qui n'en ont pas le nom, ou elles sont attachées par des rubans à des bobines, car croyance locale oblige, si elles ne sont pas attachées, elles peuvent s'envoler ! Et si elles tentent de s'échapper, ou de couper leurs rubans, elles seront transformées en chèvre. Une peur qui suffit à les garder sous contrôle, sauf que Shula n'est pas comme ça et quand un membre du gouvernement décèle le talent de cette enfant, il va en faire sa « sorcière » !
Ce qui va faire d'elle, la « sorcière » star de la Zambie. Mais sous son air placide, Shula cache une grande tristesse, ainsi qu'une profonde envie de liberté …
Première surprise lors du question/réponse (près d'une heure) après la séance, c'est l'incrédulité qui domine, car très honnêtement, je ne savais pas et je ne soupçonnais même pas qu'il puisse exister des « camps pour sorcières » ! Pourtant c'est bel et bien le cas, c'est une situation normale dans ces pays comme la Zambie ou se passe le film et elle se sert de ça pour nous livrer une satire de son pays d'origine, pleine d'humour, de poésie, de tendresse et de tristesse.
L'une des inspirations de Rungano Nyoni pour écrire le scénario du film, c'est l'une des nouvelles de Alphonse Daudet « La Chèvre de Monsieur Seguin » ! Si au premier abord, la filiation ne saute pas aux yeux, il suffit pourtant d'une simple relecture sur internet pour s'apercevoir qu'au delà de la figure de la « chèvre », la liberté est aussi le thème central du film. Un thème auquel se grefferont tout un tas d'interrogations et de constats, sur l'homme, sur le tourisme au dépends des pauvres, sur la Zambie, sur la place des minorités, sur le travail des enfants, sur la condition des petites filles, la place des femmes et sur la place des traditions dans la société Zambienne.
L'intrigue que la réalisatrice met en scène avec beaucoup de soin, alterne entre absurdité la plus totale et la tristesse profonde. Rungano Nyoni n'hésite alors à aucun moment à nous mettre dans des situations inconfortables, nous laissant parfois sans mots ou simplement sanglotant, devant le choix cornélien qui s'offre à Shula ! Et c'est entre un réalisme certain, l'onirisme ou encore la poésie la plus pure, qu'elle développe avec générosité les multiples thèmes qu'elle aborde. Certes c'est parfois maladroit ou trop peu traité (1er film oblige) mais on ne peut nier l'entière et totale sincérité du projet, qui se trouve porté par une jeune interprète au combien admirable et intelligente, Margaret Mulubwa !
Doux et cruel, Rungano Nyoni frappe juste avec son premier film et le regard de « Shula » vous hantera longtemps après la séance …