Écrire un scénario : les fondamentaux (9)

Par William Potillion @scenarmag

Maintenant que vous avez défini le monde ordinaire de votre héros (qui décrit bien souvent l’univers de votre histoire), il faut maintenant visualiser ce statut quo dans lequel le protagoniste est en quelque sorte englué.

Pourquoi faut-il visualiser ? Parce qu’un scénario consiste à montrer les choses. Dans un roman, on décrit comme de pénétrer la tête de ses personnages et décrire ce qui s’y passe.
Un scénario ne se contente pas de cela. Il nous faut montrer par les attitudes, comportements, actions et réactions (y compris les lignes de dialogue des personnages) la traduction en images de ce qui se passe à l’intérieur d’eux.
Le statut quo fait partie de l’exposition. Et l’exposition est une des tâches spécifiques de l’acte Un.
Dès la première scène, cette routine de vie du héros doit être démontrée.

La première scène

La première scène de votre scénario n’est pas à confondre avec une éventuelle séquence d’ouverture. Cette toute première scène nous fait entrer de plain-pied dans le quotidien du héros.
Alors qu’une séquence d’ouverture (que l’on peut qualifier de prologue) ne met nullement en avant le protagoniste.

Ce prologue (ou séquence d’ouverture) est toujours optionnel. Si votre histoire est un thriller par exemple, la séquence d’ouverture pourrait être alors la description d’un casse orchestré par le méchant de l’histoire, celui-là même qui sera l’antagonisme de votre personnage principal.
Ce prologue pourrait être aussi l’occasion de mettre en branle l’incident déclencheur, cet événement appelé à bouleverser le quotidien du héros.

Et alors que cette séquence d’ouverture est optionnelle, la première scène devrait s’étudier à nous présenter le héros de l’histoire dans sa routine de vie.

Qu’est-ce que ce quotidien du héros ?
C’est de le voir évoluer (en famille, dans son activité professionnelle ou autre…) sans que quelque chose de majeur ne vienne interrompre ce train-train quotidien.
Même un mariage ou un changement d’activité professionnelle pourraient être son quotidien parce que ces événements ont été planifiés.

Un rebondissement est inattendu

Pour garder l’attention du lecteur, il faut le surprendre. C’est ainsi que le scénario présente plusieurs moments qui sont des tournants majeurs de l’histoire.
Parce qu’ils l’orientent dans une toute nouvelle direction.

Un rebondissement ou un coup de théâtre est un événement non planifié. Le héros se marie, par exemple. On pourrait croire que dorénavant sa vie ne sera plus la même. C’est certainement vrai à moins que nos deux tourtereaux vivent ensemble depuis plusieurs années et le mariage est alors une conséquence logique de leur ordinaire.

Donc, leurs vies ne sera pas aussi bouleversées par ce mariage parce que celui-ci est prévu. L’exposition du personnage principal consiste à montrer ce qu’est sa vie avant qu’un élément nouveau et étonnant (parce que le personnage principal est comme choqué par cet événement) ne se produise.
En somme, le héros tombe sur l’incident déclencheur en tournant au coin de la rue. Le lecteur doit ressentir un contraste entre la routine de vie du héros et ce que devient cette vie après l’incident déclencheur.

Par exemple, le jour du mariage, le fiancé disparaît sans laisser d’adresse. Pour la vie de votre héroïne, c’est un bouleversement immense. A partir de là, elle ne verra plus les choses de la même façon.

Un protagoniste

Parmi tous les personnages que vous avez cru bon d’imaginer pour soutenir votre idée, il va vous falloir en choisir un qui sera au centre de votre projet de scénario.
Même si vous avez en tête un duo inséparable, l’un d’entre eux sera le protagoniste. C’est-à-dire celui par qui le scandale arrive en quelque sorte. Plus précisément parlant, il sera celui qui est au centre de la fiction que vous racontez.

Dans le contexte de votre histoire, vous avez mis en place une petite communauté comme par exemple tous les membres d’une famille (cela me rappelle la famille Adams). Et alors que tous les personnages ont un rôle significatif à jouer dans cette histoire, il va vous falloir néanmoins en choisir un qui sera votre protagoniste.

Qu’est-ce que cela signifie pour un protagoniste d’être au centre de l’histoire ? Il n’a pas vraiment besoin d’observer tout ce qui s’y passe. Pourtant, on raconte l’histoire d’après son point de vue. C’est-à-dire que lorsqu’un événement s’est produit hors de la portée de votre héros, il doit néanmoins en subir les effets.
Tout ce qui se passe dans une histoire se rapporte au protagoniste parce qu’effectivement, il est au centre de votre scénario.

Le monde ordinaire

Lorsque l’histoire débute, le lecteur sait que le drame (tel que nous l’avons précédemment défini) n’est pas encore en place. Il faut donc en profiter pour lui permettre d’aller à la rencontre de notre protagoniste.

Nous avons déjà abordé comment nous pouvions dessiner notre personnage principal afin de le situer sans pour autant nous détourner trop de ce travail de planification préalable au processus d’écriture du scénario.

Donc, pour définir notre personnage principal, nous retiendrons premièrement quatre aspects qui le caractérisent :

  • Son âge. Il y a une grande différence dans les actions et réactions d’une adolescente et d’ une femme d’une quarantaine d’années. Les expériences qui émaillent nos vies définissent notre point de vue actuel sur le monde qui nous entoure.
    Notre façon de voir les choses n’est pas innée.
  • Son activité (il peut être un trader ou ressembler au  Duc (Dude en original) de The Big Lebowski))
  • La relation la plus émotionnelle qu’il entretient avec un autre personnage de l’histoire (ce peut être une romance ou bien une solide amitié (comme dans Thelma et Louise))
  • Sa situation sociale. Cette situation permet à l’auteur de décrire le train de vie de son personnage. Mais pas seulement. Néanmoins, il est facile de donner beaucoup d’informations en peu de temps par les détails comme par exemple d’une belle voiture de sport, on peut inférer un certain standing (ou bien que le personnage vit au-dessus de ses moyens).

Lorsque vous aurez défini un choix pour chacune de ses caractéristiques, assurez-vous qu’elles vont bien avec ce que vous avez l’intention de dire avec votre histoire.

Un protagoniste actif

Le protagoniste est définitivement quelqu’un qui ne subit pas. Il agit donc. Mais attention, il faut que ses agissements soient facilement reconnaissables par le lecteur. Par expérience ou par inférence, le lecteur doit pouvoir s’identifier avec le protagoniste.

Dans Fenêtre sur cour, Jeff, immobilisé dans une chaise roulante, passe son temps à espionner ses voisins. Ce n’est certes pas quelque chose de très commun mais néanmoins, nous pouvons le comprendre.
Cette compréhension du comportement d’un personnage est le premier pas vers l’identification. Comme si nous nous reconnaissions en lui.
On pourrait ressentir une petite contre-réaction éthique mais nous ne jugeons pas le personnage. Même si nous n’avons pas éprouvé une telle expérience par nous-mêmes, nous pouvons nous mettre à la place de Jeff qui fouine ainsi dans la vie privée d’autrui.

De plus, cela renforce l’activité professionnelle de Jeff qui est photographe de presse. Ainsi, son comportement aide à définir son identité. Le maître mot est lâché : vous devez inventer une identité pour votre personnage.

Le lecteur doit pouvoir voir le monde de l’histoire à travers le point de vue du personnage principal. C’est par lui que l’univers fictif peut atteindre le lecteur.

Le regard de l’autre

Mais si l’on voit le monde décrit dans le scénario par le regard du protagoniste, comment les autres personnages perçoivent le protagoniste ?
C’est là que cela devient très utile pour l’auteur lorsqu’il se demande comment il peut montrer les caractéristiques de son héros.

C’est le regard de l’autre qui permet de le définir. Prenons une jeune femme follement amoureuse de votre héros. La manière dont il se comportera avec elle (c’est-à-dire ce qu’elle ressentira face à ce comportement) en dit long sur la psyché de votre héros.
Un autre exemple : si le logeur de votre héroïne vient frapper à sa porte parce que le loyer n’est pas payé, ce regard du logeur sur votre héroïne permet d’informer le lecteur sur la situation de celle-ci.

En quoi consiste l’acte Un ?

Gardez en tête que l’acte Un est cet espace narratif où vous exposez le statut quo de votre protagoniste. Le drame commence avec le monde ordinaire du héros.
Si vous avez besoin d’une séquence d’ouverture, alors elle vous servira à imprégner votre univers fictif d’une certaine atmosphère. Elle peut aussi être un flashback (la plupart du temps) ou un flashforward (vous présentez le futur du personnage comme dans American Beauty où le narrateur qui n’est autre que le protagoniste nous annonce qu’il est mort depuis un an).

Sachez aussi que cette séquence d’ouverture n’est nullement obligatoire. Si vous en avez besoin, utilisez-là sinon commencez avec la première scène.

Pour le prochain épisode :

ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (10)