Écrire un scénario : les fondamentaux (10)

Par William Potillion @scenarmag

Maintenant que vous avez dessiné les contours de votre protagoniste apte à incarner votre idée, il faut le préciser quelque peu.
Pour cela, nous devons le distinguer en lui attribuant une qualité particulière, quelque chose dont il posséderait en quelque sorte le talent.

Mais cette particularité ne peut tout faire. En effet, si Superman par exemple ne possédait pas aussi une faiblesse, l’histoire deviendrait vite ennuyeuse.
Dans l’élaboration basique d’un personnage, deux aspects de sa personnalité doivent faire jour. D’abord, il faut lui assigner une qualité toute particulière qui va le rendre unique.
Puis dans le même temps, il tombera sous le joug d’une faiblesse qui n’appartiendra aussi qu’à lui.

Succès et Echec au cœur du héros

Ce talent et cette faiblesse (comme une faille dans la personnalité du personnage) lui assurent à la fois le succès et l’échec dans la poursuite de son objectif.
Cela ajoute aussi au suspense puisque jamais le lecteur doit se persuader ou que le protagoniste ne peut que gagner ou qu’il ne peut que perdre.

La qualité singulière du protagoniste est appelée à l’aider plus tard dans l’histoire. Pour que le lecteur accepte cette aide soudaine (pour qu’elle reste crédible lorsque le héros l’utilisera), il est nécessaire qu’elle soit présentée au lecteur dès l’acte Un.
Parce que s’il sort de son chapeau par exemple une habileté à crocheter une serrure pour se libérer (une manière comme une autre de surmonter un obstacle et c’est dans l’acte Deux que cela se produit), si le lecteur n’a pas eu au préalable (donc dans l’acte Un) l’information de cette aptitude particulière du héros à crocheter les serrures, cela apparaîtra comme une sorte de Deus Ex Machina ou une astuce dramatique parce que l’auteur est incapable de résoudre une situation dans laquelle il s’est embourbée.

C’est de même si votre héros est un exterminateur de rats. Cette activité professionnelle le rend non seulement unique mais c’est aussi une habileté qui lui servira dans le cours de l’intrigue à se sortir d’une situation délicate s’il est par exemple piégé dans de labyrinthiques égouts.

Donc, dès l’acte Un, exposez cette faculté que le protagoniste possède. Comme rien ne devrait être gratuit dans un scénario, cette particularité aura un rôle à jouer plus tard dans l’histoire.
Une autre possibilité est de montrer, dans l’acte Un, un acte de bienveillance du héros envers un personnage. Cela semblera anodin lorsque cet événement se produira dans ce premier acte mais plus tard, dans le cours de l’intrigue et d’une situation compliquée pour le protagoniste, ce personnage à qui le héros a montré tant de compassion et de générosité surgira et l’aidera à surmonter cette épreuve en tant qu’allié indéfectible.

Mais en quoi ce geste du héros est-il quelque chose qui le rende unique ? Parce qu’il a été capable d’aider la bonne personne au bon moment. Et ce geste trouvera sa récompense plus tard dans l’histoire.

Et la faiblesse ?

Le héros possède donc aussi une grande faille dans sa personnalité. Ce peut être n’importe quoi : une peur, une blessure jamais refermée… Quelque chose qui le hante encore dans le présent de l’histoire.
Ce peut être physique, émotionnel ou psychologique. Ce peut être une trahison aussi comme par exemple de voir son meilleur ami et l’amour de sa vie convoler ensemble dans un tragique adultère. La faille du héros a été alors de mal juger ces personnages, de leur avoir accordé une confiance qu’ils ne méritaient pas.

Tout comme le talent particulier du héros, cette faille dans sa personnalité doit être démontrée au lecteur dès l’acte Un. Ou bien peut-être d’une manière plus subtile en laissant quelques indices qui interpelleront le lecteur.
Dites-vous bien que c’est cette faille dans la personnalité de votre héros qui le rend si passionnant. Elle donne aussi à l’auteur la possibilité de faire la preuve de l’évolution de son personnage au cours du scénario. Et elle est aussi un moyen pour le protagoniste de s’améliorer par lui-même en tentant de surmonter cette faiblesse qui lui barre l’accès au bonheur ou du moins à une certaine forme de complétude.

D’ailleurs, il peut très bien être conscient de ce qui ne va pas chez lui et tenter désespérément de corriger ce défaut. Ou bien, il est totalement aveugle sur ce qui le blesse si intimement et dans ce cas, l’auteur se voit obligé de forcer l’arc dramatique de son personnage lorsqu’il apprend durement de ses tribulations au cours de l’intrigue.

Et bien sûr, cette imperfection qui le rend si humain peut être cette chose qui lui permet de survivre et de vaincre son problème ou l’adversité. Comme elle peut être la cause du problème qu’il doit néanmoins résoudre.

La faille intervient au pire moment

Alors que l’aptitude particulière d’un protagoniste intervient à un moment du scénario pour le sortir d’une situation délicate, la faille qui le caractérise si bien surgira exactement au moment où elle est le moins souhaitée.
Gardez en tête de toujours compliquer le plus possible la vie du héros. Et encore une fois que rien ne devrait être gratuit dans un scénario. C’est le principe du Tchekov’s Gun.

Si vous montrez un fusil accroché à un mur dans l’acte Un, ce doit être un détail qui a une importance et non un simple objet posé là. Ou bien une anecdote citée dans l’acte Un sans que l’on comprenne encore sa signification. Ce fusil aura un rôle à jouer plus tard soit dans l’acte Deux, soit dans l’acte Trois.
Pour l’aptitude particulière du héros et la grosse faille dans sa personnalité (comme une phobie, par exemple), elles aussi auront un rôle à jouer plus tard dans le scénario.

Dans Sueurs Froides, si l’acrophobie de Scottie n’avait pas été démontrée dès les premières pages du scénario, nous n’aurions pas compris l’importance de cette phobie dans le reste de l’histoire. Et il aurait été dommageable de cacher cette information jusqu’à l’intrigue. D’ailleurs l’exposer dès les premières pages est ce qui permet au lecteur de l’accepter comme part de la personnalité de Scottie.

Deux événements clefs en main

Une fiction, c’est une succession d’événements. En inventant une faculté que seul votre héros possède et une faille, vous savez déjà que deux événements devront se produire. L’un sera en rapport avec cette faculté qui est la sienne.
Et l’autre sera l’événement plutôt négatif orchestré par le défaut qui caractérise aussi votre personnage.

Bien sûr si votre protagoniste accumule les difficultés qui lui tombent dessus depuis l’extérieur, vous aurez moins de place pour vous concentrer sur ce qui le perturbe de manière si intime.
Néanmoins, essayez de travailler ce problème personnel car il peut vous aider à révéler des informations importantes sur votre personnage. D’ailleurs, c’est ce conflit interne qui peut vous aider à trouver le dénouement de votre histoire.