#35. Blue Valentine de Derek Cianfrance (2010).
" Comme beaucoup (si, soutenez-moi), j'adore les comédies romantiques, ces petites sucreries légères qui cultivent plus que de raison, notre côté fleur bleue/cinéphile fragile.
Ces bouts de cinéma qui se plaisent à dépeindre les amourettes naissantes de personnages (souvent) propres sur eux, qui ont généralement la vie devant et qui, évidemment, à la fin du film sont voués à s'aimer pour " l'éternité ".C'est cucul la praline et très loin de la realité mais on adhère, au cinéma toutes les loves stories sont belles et n'ont pas réellement de fin... enfin presque.
Si l'adage veut que la réalité épouse souvent la fiction, Blue Valentine s'échine en revanche, à en prendre le douloureux contre-pied en croquant avec une justesse rare, les derniers sursauts d'une flamme amoureuse qui se meurt, les ultimes moments d'agonie d'un couple Dean et Cindy : deux âmes torturées qui n'arrivent pas à s'avouer la disparition de leurs sentiments et ne cessent de se blesser en cherchant vainement une hypothétique réconciliation qui ne viendra jamais. Une séance traumatisante pour moi, d'une part parce que je ne m'attendais pas à ça (j'ai même convaincu ma mère de me suivre, pensant voir un N'oublie Jamais bis), mais aussi et surtout, parce que j'ai rarement autant pleuré de pitié pour la détresse immense d'un personnage (et double honte avec ma mère à côté qui ne lâche pas une once de larmichette : la fragilité du cinéphile à son paroxysme).
À la fois d'une émouvante beauté et d'une honnête laideur, le second long-métrage de Derek Cianfrance est sans contestation possible, le film sur l'amour conjugal le plus juste jamais cornaqué.Avec une justesse et une facilité déconcertante, la péloche s'amuse avec la temporalité et passe de la monotonie, de la lassitude de l'autre au présent, à la naïveté, l'insouciance d'une romance naissante et supposément infaillible; tout en construisant son histoire sur une impressionnante dualité de contraste (homme/femme, jeunesse/maturité, amour/haine, lumière/obscurité).
Véritable feel bad movie vibrant et étouffant sur deux âmes victimes du poids du temps et du désespoir, Blue Valentine est une oeuvre coup de poing au moins autant qu'un formidable film d'acteurs, qui puise toute sa puissance dans la partition impeccable de son duo vedette : Ryan Gosling et Michelle Williams.
Complètement débarrassé de tout glamour, physiquement et psychologiquement amochés, les deux acteurs ont construit une intimité aussi empathique que férocement destructrice pour les spectateurs : lui, dans la laideur du beauf ricain moyen, est plus touchante que jamais; elle, en femme à bout et désespérée, est bouleversante de douleur et d'amertume.
Écartelés entre le dégoût d'eux-mêmes et une envie indicible de s'aimer encore, les deux nous saisissent par les sentiments pour ne plus nous lâcher jusqu'à un final aussi pathétique qu'émouvant.J'ai beaucoup aimer les comédies romantiques, ces histoires " magiques " qui finissent bien malgré tout (la trilogie des Before est ma bible), mais j'aime tout autant - voir plus - des oeuvres réalistes et crève coeur telles que Blue Valentine.
Après tout l'amour, comme toute chose dans la vie, n'est pas toujours aussi beau, rose et naïf comme au cinéma. "
Jonathan Chevrier
Plus ou moins fils spirituel du Dude et du Zohan réunis, cinéphile/cinévore/cinémaniaque convaincu depuis mon premier battement de cils, je voue un culte sans borne à Sylvester Stallone. Biberonné aux séries B, les salles obscures sont mes secondes maisons et je fonds comme un vampire au soleil sans ma dose quotidienne de bonnes péloches.
Blog : Fucking Cinephiles