La Vie des Autres

Par Inglourious Cinema @InglouriousCine

Au début des années 1980, en Allemagne de l'Est, l'auteur à succès Georg Dreyman et sa compagne, l'actrice Christa-Maria Sieland, sont considérés comme faisant partie de l'élite des intellectuels de l'Etat communiste, même si, secrètement, ils n'adhèrent aux idées du parti. Le Ministère de la Culture commence à s'intéresser à Christa et dépêche un agent secret, nommé Wiesler, ayant pour mission de l'observer. Tandis qu'il progresse dans l'enquête, le couple d'intellectuels le fascine de plus en plus...


La vie des autres – 31 Janvier 2007 – Réalisé par Florian Henckel von Donnersmarck
Que ça soit pour le cinéma ou pour toutes les autres choses, j'ai une confiance aveugle en ma chérie ! Alors parfois je rechigne, je chicane ou je rouspète à l'idée de découvrir certaines choses, mais malgré ça au final j'en ressors toujours enchanté. Car je découvre grâce à elle des films que je n'aurais jamais regardé et qu'on prend par la suite du plaisir à en parler, ce qui fut le cas récemment, lors de notre découverte respective de l'oscar du meilleur film étranger de 2007, « La vie des autres » du réalisateur Florian Henckel von Donnersmarck.
Gerd Wiesler est capitaine dans la Stasi, la police politique de la RDA. C'est un homme discret ,taciturne et méfiant, mais il est aussi le meilleur interrogateur de la Stasi. Une qualité reconnue parmi ses pairs et ses supérieurs, a un point qu'on s'adresse directement à lui pour une surveillance renforcée ou pour avoir son avis sur une personne. Le lieutenant-colonel Grubitz, une vieille connaissance de Wiesler vient le trouver lors d'un de ses cours et l'invite au théâtre le soir même. Sur place il en profite pour lui demander ce qu'il pense du créateur de cette pièce Georg Dreyman et Wiesler pense que cet homme cache quelque chose. Une opportunité pour Grubitz qui voit une occasion de se faire bien voir au près du ministre de la culture qui lui commande alors de surveiller promptement Dreyman. Une tache dont Gerd Wiesler va s'acquitter !
Bercé par une froideur clinique certainement chère a la défunte Stasi, le réalisateur Florian Henckel von Donnersmarck romance à sa façon une réalité qui n'a pas existé, pour mieux nous tromper et nous interroger, en laissant l'émotion émerger à la fin. Subtile, délicate et un brin poétique, ce film multi-récompensé (Oscar, César, Deutscher Filmpreis) est un drame humain touchant, doublé de plusieurs histoires d'amours !
Ecrit par Florian Henckel von Donnersmarck l'histoire prend des airs de « huis-clos » ! Le réalisateur prend alors le parti de nous mettre dans la peau de Gerd Wiesler et de nous faire ressentir la majorité des événements par ses yeux et surtout ses oreilles. Le sentiment de toute puissance est omniprésent au début et cela vient appuyer le titre français « La vie des autres ». On entend tout, du moment le plus trivial au moment le plus intime, sans que l'on nous voit. Tout puissant comme la police politique ou comme un être supérieur (symboliquement représenté par cet espace sous les combles au dernier étage de l'immeuble), le malaise s'installe progressivement, conscient que l'on est d'assister à quelques choses d'anormal. Mais si Gerd entend toutes les conversations, il entend aussi la musique et ça c'est l'un des éléments important du film. Parce que Florian Henckel von Donnersmarck se sert de la musique pour influencer son personnage, car au delà d'habiller son film, c'est un indispensable vecteur d'émotions, de force et d'idées qui peut bouleverser qui veut bien écouter.
Une émotion qui naît de par la musique, mais aussi par l'amour que Gerd portera à distance à Christa-Maria Sieland la chérie de Georg, ou par celui que cet auteur sous écoute lui porte, deux hommes différents, mais tout autant touché par une femme qui les émeut et qui porte en elle cette chose indicible qu'ils n'ont pas, la force de se débarrasser de leurs chaînes. Et le climax de fin porte formidablement l'interrogation principale du film, « Jusqu'à quel point peut on sacrifier de sa liberté pour se conformer à une idéologie ?». Le réalisateur n'apportera pas de réponse claire, si ce n'est de faire confiance à l'homme, avec ses défauts et ses qualités !
La réalisation de Florian Henckel von Donnersmarck est très classieuse, très élégante et il évite tout effet inutile. Les compositions à l'image sont claires, le cadre est clairement défini et on n'a pas de mal a suivre les différents personnages a l'écran. Et le montage assuré par Patricia Rommel est bon, les scènes s’enchaînent avec fluidité, passant de l'appartement au comble avec intelligence, ce qui assure le rythme du film avec précaution. On peut donc sans mal profiter de l'histoire et de ses nombreux ressorts, mais aussi de la sublime photographie de Hagen Bogdanski à la fois froide et pleine de chaleurs des que les personnages se laissent aller, ou encore la musique composée par Gabriel Yared et Stephane Moucha, excellente de bout en bout. La cerise sur le gâteau, c'est le casting ! Alors que ça soit Sebastian Koch, Martina Gedeck ou Ulrich Tukur, ils font le travail correctement, mais c'est bien Ulrich Muhe qui crève l'écran et qui nous transporte avec lui dans le froid de ses combles ! Un acteur investi qui nous fait s'attacher à lui malgré la dureté de son rôle et qui arrive avec énormément de finesse a briser ce masque de rigueur. Une performance de premier ordre qui capte sans peine la caméra, avec ce qu'il faut d'intensité et de contraste.

Une vrai perle, un morceau brut d'humanité !