Un grand merci à M6 Vidéo pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le blu-ray du film « Le mur de l’Atlantique » de Marcel Camus.
« Comment l’anglais est-il rentré ici ? Par la chambre de ta fille ! »
1944. Léon Duchemin tient un restaurant avec sa sœur dans une bourgade de bord de mer en Normandie. Ses clients sont allemands, résistants et trafiquants. Le pauvre devient malgré lui résistant quand un pilote de la R.A.F. abattu trouve refuge chez lui et quand il dérobe aux services d'Hitler les plans de ses missiles V1.
« Quand mon réfrigérateur est en panne, j’appelle l’électricien. Quand je trouve un aviateur anglais, j’appelle la Résistance ! »
Neveu de l’éminent écrivain Roland Dorgelès (auteur du mythique « Les croix de bois »), Marcel Camus se passionne au départ pour le dessin, qu’il étudie aux Beaux-arts avant de partir l’enseigner dans ses Ardennes natales. Jusqu’à ce que la Seconde guerre mondiale éclate : mobilisé dans l’Armée française, il est finalement fait prisonnier et interné dans un camp en Allemagne. Là, il découvrira le théâtre et montera ses premiers spectacles en cumulant les casquettes de comédien, metteur en scène ou encore décorateur. A son retour à la vie civile après la guerre, il profite des relations de son oncle pour se faire embaucher comme assistant réalisateur, ce qui lui permettra de travailler et d’apprendre le métier aux côtés de quelques-uns des plus grands cinéastes de l’époque, tels que Jacques Becker, Marc Allégret, Henri Verneuil ou encore Luis Buñuel. Il entame ainsi sa carrière de réalisateur à la fin des années 50 par le biais de fresques exotiques et humanistes, à l’image de son « Orfeo negro » (1959), transposition des amours d’Orphée et d’Eurydice dans les favelas de Rio, qui lui vaut la Palme d’or cannoise et l’Oscar du meilleur film étranger. Au milieu des années 60, après plusieurs échecs publics, il s’oriente vers un cinéma plus commercial, enchainant « Le chant du monde » (1965), « Un été sauvage » (1970) et surtout « Le mur de l’Atlantique » (1970), qui restera comme son plus gros succès public et surtout le dernier film de Bourvil, qui décèdera quelques semaines à peine après la fin du tournage.
« Keep your secret secret »
Quatre ans après le triomphe de « La grande vadrouille » de Gérard Oury, Marcel Camus tente de relancer sa carrière par le biais d’une comédie populaire. S’appuyant sur un fait divers réel (le vol fortuit des plans du V1 par un ouvrier), il reprend à ce titre la même recette que son confrère Oury : la seconde guerre mondiale pour décor, Bourvil en résistant malgré lui, et des anglais aux mœurs et aux expressions bizarre, le « big moustache » étant ici remplacé par un « joli papa » de circonstance. Cerise sur le gâteau, Terry-Thomas, le Sir Reginald de « La grande vadrouille » y fait même une apparition. Mais en dépit d’un ton léger et joyeusement décalé, qui donne lieu à quelques bonnes scènes, doublé d’un casting pléthorique (Jean Poiret, Sophie Desmarets, Jacques Ballutin, Patrick Préjean...), le film souffre de la comparaison avec l’efficacité comique quasi chirurgicale du film de Oury. En cause sans doute, un scénario plutôt déséquilibré et une absence d’alchimie entre le héros (malgré lui) et son jeune partenaire anglais, assez peu sympathique il est vrai. Et puis surtout, on y découvre un Bourvil très affaibli par la maladie qui apparait éminemment marqué malgré le maquillage : très amaigri, très pâle et le regard (déjà) un peu éteint. Comme une ombre mortifère traversant le film. Du coup ses scènes de comédie « physique » (l’entrainement au camp militaire, la bagarre en prison) tombent un peu à plat, suscitant au final une immense empathie. Et une franche mélancolie. C’est là tout de le paradoxe de cette comédie pas aussi drôle qu’elle aurait du l’être mais qui se révèlent finalement très attachante.
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Le blu-ray : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master 4K. Il est proposé en version originale française (2.0).
Côté bonus, le film est accompagné de modules « Sur le tournage » (archives - 15 min.), « Les souvenirs du tournage d’Alain Corneau, cinéaste, premier assistant sur le tournage » (27 min.), « Grande et petites histoires du Jour J par Anthony Rowley, historien » (40 min.). Un livret de 24 pages avec textes de Christophe Lemaire et photos vient compléter cette belle édition.