Troisième long métrage pour le suédois Tarik Saleh après le film d'animation "Metropia" (2009) et le polar "Tommy" (2014), où cette fois il s'inspire très fortement de l'affaire Suzanne Tamim (tout savoir ICI) qui a débouché sur un scandale politico-judiciaire d'ampleur en Egypte en 2008. Mais pour accentuer le débat socialo-politique le réalisateur-scénariste a déplacé l'histoire en janvier 2011 lors de la "révolution" dite dans la mouvance des "printemps arabes"... Le titre original est "The Nile Hilton Incident", tandis que le titre français est un hommage avoué au chef d'oeuvre "L.A. Confidentiel" (1997) de Curtis Hanson.
Pour le rôle principal de l'enquêteur on retrouve l'excellent Farès Farès, révélé par la comédie policière "Cops" (2004) de son frère Josef Farès et vu dans la trilogie nordique "Les Enquêtes du Département V" (2013-2014-2016) de Mikkel Norgaard. A ses côtés on notera les présences de deux français, Slimane Dazi vu dans "Un Prophète" (2009) de Jacques Audiard et "Only Lovers Left Alive" (2013) de Jim Jarmush ainsi que la méconnue et très belle franco-algérienne Hania Amar aperçue dans la comédie "Mohamed Dubois" (2013) de Ernesto Ona... On suit donc Noureddine Mostafa, commandant de police au Caire qui enquête sur la mort d'une chanteuse dans un hôtel. Une enquête difficile quand on suspecte bientôt un proche du fils Moubarak et que l'enquête est classée bien que la victime ait été égorgée. Enquête policière sur un meurtre, sur fond de pouvoir politoco-financier qui pourrait être banale dans un thriller occidental sauf qu'ici la société est gangrené par l'omniprésence d'une corruption autant passive que active. Le commandant Mostafa n'est d'ailleurs pas en reste.
La vraie affaire Suzanne Tamim est encore sensible en Egypte, à tel point que le tournage au Caire n'a duré que 3 jours avant que la Sûreté de l'Etat (très présente dans le film !) n'intervienne et stoppe le tournage. Le cinéaste a dû se replier sur Casablanca (Maroc) pour terminer son film. Si c'est malheureux d'un point de vue humain, judiciaire et artistique le fait est que le film en pâtit nettement. En effet, ce déménagement fait qu'on a des incohérences dans les décors notamment (le français plus présents que l'anglais). Mais finalement c'est un détail, l'intrigue reste intéressante et le scénario prenant. Outre Farès Farès qui incarne magnifiquement ce policier désabusé qui se laisse vivre en se reposant sur sa carrière et qui, malgré lui, se réveille pour une rédemption qu'il ne voit pas venir, le film a un atout de taille, celui de jeter un regard sur la société égyptienne (en 2011 tout du moins). Le film est avant tout une fenêtre pleine d'acuité sur un pays en pleine mutation à une période où le peuple espère un sursaut alors même qu'on tente d'étouffer l'affaire. Un polar réaliste et édifiant très justement primé au Festival de Sundance et au Festival de Beaune.
Note :