Une histoire est faite pour divertir mais ce n’est pas seulement cela. Bien sûr, si elle ne divertissait pas, nous n’aurions pas envie de la lire.
Qu’est-ce qui nous incite à lire une histoire ?
Qu’est-ce qui excite notre curiosité ? Sans cette curiosité, nous ne serions pas si enclin à tourner les pages pour connaître ce qui va bien pouvoir se passer ensuite.
Si vous suivez régulièrement les articles de Scenar Mag, vous savez qu’une histoire décrit comment des événements affectent un personnage qui s’est fixé un objectif difficile à réaliser et comment (et c’est peut-être cela le plus passionnant) ce personnage en arrive à changer intimement au cours de cette quête.
Les événements qui adviennent dans une histoire constituent l’intrigue. Ce sont les choses qui apparaissent à la surface. Ce qui laisse entendre qu’il existe un extérieur et un intérieur.
Maintenant, nous pourrions penser autrement et considérer que ces concepts d’extérieur et d’intérieur ne sont pas valides. Et ne pas vouloir reconnaître que les apparences sont trompeuses et que ce qui se produit dans l’histoire est somme toute la réalité.
L’action est-elle suffisante ?
Dans ce cas, l’auteur s’épargne tout un travail en profondeur sur ses personnages. Donc quelles que soient ses convictions ou ses certitudes, autant considérer que ce qui est en surface cache une vérité (sur un personnage ou un événement) qu’il est bon d’explorer.
Ce qui se produit au cours de l’intrigue n’est pas ce dont parle l’histoire. Les événements sont plutôt destinés à illustrer le thème. En effet, l’auteur choisit un thème parce que c’est une question qui le préoccupe. Et il a à sa disposition de nombreuses possibilités narratives pour démontrer ce qu’il a à dire.
Le protagoniste qui est le personnage à la poursuite d’un objectif sera affecté par les événements (et c’est là où le thème s’exprime au mieux). Et ces événements auront une signification et un poids émotionnel relatifs à leur influence sur ce personnage.
Cet objectif poursuivi est ce que nomme la théorie narrative Dramatica comme le Story Goal, c’est-à-dire le problème de l’histoire. Toutes les histoires se résument à la manière dont quelqu’un va résoudre un problème particulier qu’il ne peut éviter. Et ce problème prend de l’ampleur au cours de l’intrigue.
Le Story Goal est ce qui apparaît en surface. Sa finalité (s’il en possède une) serait qu’à chaque manifestation de ce problème, un combat plus intime chez ce personnage principal est mis en avant. En somme, le héros d’une histoire se bat essentiellement contre lui-même.
Et face à ce conflit interne qui le tourmente ou le taraude, il apprend de ses tribulations au cours des péripéties de l’intrigue de manière à ce qu’à la fin de l’histoire, il voit les choses différemment que lorsqu’il a commencé celle-ci.
Un point de vue différent sur le monde
Ce changement interne est véritablement ce dont parle l’histoire. L’intrigue qui peut être considérée comme un dilemme pour le personnage principal va changer le point de vue sur le monde de celui-ci.
Le dilemme est extérieur au personnage mais son point de vue lui est tout à fait personnel.
Une histoire décrit ce qui se passe à l’intérieur des personnages. Mais dans un scénario, on ne peut pénétrer la tête de ceux-ci. Il faut montrer les choses. C’est-à-dire que chaque personnage sera motivé par une intention cachée ou non et celle-ci se manifeste par ce qu’ils font.
La question devient pourquoi font-ils ce qu’ils font. Chaque personnage clef dans une fiction (même le méchant de l’histoire) agit dans un but précis. Leurs actions révèlent cette intention.
Les relations entre personnages seront celles de deux subjectivités. C’est une affaire d’intersubjectivité comme l’avait pressenti Emmanuel Kant dans la Critique de la faculté de juger.
Plus simplement, il suffit d’accepter que chaque personnage voit le monde à travers sa propre lentille subjective. L’auteur doit donc posséder un jeu de lentilles différentes pour pouvoir imprégner chacun de ses personnages d’une personnalité singulière.
Ce qu’il y a de plus passionnant dans une histoire, c’est ce qui se passe à l’intérieur. On ne lit pas une histoire pour y voir une série d’événements se déployer. Ce que nous voulons, c’est vivre ces événements par un personnage interposé. Et en particulier le personnage principal par lequel nous faisons l’expérience de ce qu’il vit surtout lorsqu’il doute sur ce qu’il doit faire ou penser pour continuer l’histoire.
Le combat personnel du héros est à la fois ce qui fait avancer l’intrigue mais aussi excite notre intérêt et notre curiosité.