Aujourd’hui, je vous propose d’inaugurer une nouvelle série d’articles sur des aspects pratiques non pas de l’écriture en tant que telle, mais du métier d’auteur(e). Car dans les faits, les difficultés surviennent rarement là où on les attendais. Dans cette première édition, il sera question de la façon dont nous luttons avec le temps…
Ou qu’on en soit dans sa carrière, écrire équivaut à lutter contre la montre. Quand on est très jeune et qu’on rêve de « passer pro », un des premiers écueils est personnel: comment s’astreindre à écrire, quotidiennement, plusieurs heures durant, c’est à dire trouver à la fois la rigueur et l’inspiration nécessaires. A peine a t-on trouvé sa vitesse de croisière et affirmé sa vocation, qu’on se trouve confronté à une cruelle réalité: il faut des années pour devenir auteur(e) pro et d’ici là, il faut bien payer ses factures, d’où la nécessité d’exercer un travail « alimentaire », qui laissera peu de temps et d’énergie pour l’écriture.
Puis vient le moment dont a tant rêvé, celui on signe assez de contrats d’auteur(e) pour vivre de sa plume. On pense avoir atteint le Nirvana: passer toutes ses journées à écrire, du matin au soir, et être payé(e) pour ça. Sauf que dans les faits, plus on connait de succès en tant qu’auteur(e)… moins on a de temps pour écrire. Je ne vous parle pas simplement de la nécessité de travailler sur plusieurs projets en parallèle, mais d’une autre réalité qu’on anticipe rarement: pour vendre ses projets, puis éventuellement connaitre le succès, en tant qu’auteur(e), il faut rencontrer des gens, beaucoup de gens. Des producteurs/éditeurs bien entendu, mais aussi des réalisateurs, acteurs, journalistes. Il faut assister à des festivals, tables-rondes, des séances de signatures, des avant-premières, projos, soirées, j’en passe et des meilleures. Et tout cela prend beaucoup de temps, et d’énergie. Voici ce que dit la romancière JK Rowling à ce sujet:
“Be ruthless about protecting writing days, i.e., do not cave in to endless requests to have « essential » and « long overdue » meetings on those days. The funny thing is that, although writing has been my actual job for several years now, I still seem to have to fight for time in which to do it. Some people do not seem to grasp that I still have to sit down in peace and write the books, apparently believing that they pop up like mushrooms without my connivance. I must therefore guard the time allotted to writing as a Hungarian Horntail guards its firstborn egg.”
Sauf qu’elle, bien entendu, n’a plus besoin de jouer les socialites en permanence. Elle a tout une équipe pour gérer sa visibilité. Quatre-vingt dix-neuf pourcents des auteur(e)s n’atteignent jamais cette gloire, et le confort qui va de pair.
Avec le temps, et la pratique, j’ai remarqué que mon écriture est bien moins efficace quand j’ai des rendez-vous, ou des pinces-fesses prévus dans la journée. Parce que travailler avec une contrainte horaire (= à telle ou telle heure je dois éteindre mon ordi pour retrouver figure humaine me préparer) m’empêche de m’immerger à 100% dans le texte en cours. Idéalement, j’essaie de caler plusieurs rendez-vous à la suite, quitte à y dédier une journée entière, en préservant d’autres pour l’écriture. Mais dans les faits, je travaille dans un univers où les rendez-vous sont perpétuellement décalés/programmés à la dernière minute. Quand je suis invitée à un évènement, j’essaie de choisir une tenue la veille au soir (ce qui, en tant que fille, ne me prend que cinq minutes, ha-ha!), de façon à ne pas ruiner ma journée de boulot. Mais dans les faits, le soir je suis rarement chez moi, évènement oblige, donc c’est le bordel… #onnapasdesviesfaciles 😉
La semaine dernière, je l’ai entièrement passée enfermée, du matin au soir, avec un réalisateur, pour l’écriture de son long-métrage. (Presque) pas de sorties le soir, une vie de moine! On a drôlement avancé, du coup, ça fait du bien. Ces deux prochaines semaines, en revanche, je vais les passer à cavaler aux quatre coins de Paname. Tout ce blabla pour vous dire que le bon vieux cliché sur le romancier ou scénariste bedonnant qui traine en pyjama et ne sort jamais de sa grotte est trèèèès éloigné de la réalité. Si vous n’êtes pas un animal un tant soit peu sociable, l’oeil vif et le poil lustré, quel que soit votre talent d’écriture la carrière d’auteur(e) n’est pas faite pour vous. 😉
Confessions d’auteur(e)s :
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