Ce qui est important, ce n’est pas de montrer en une scène que le protagoniste est devenu autre par une révélation soudaine (ou divine) mais plutôt de montrer (un scénario montre mais ne dit pas, le lecteur d’un scénario doit voir des images à travers les mots) comment il en est arrivé à cette révélation.
On garde à l’esprit que cette transfiguration du héros est interne. En quelque sorte, il devient meilleur. Mais cette rédemption obéit à une logique. Voyons comment cette logique peut être mise en place.
Le protagoniste mérite de changer
Ce n’est pas quelque chose qu’on lui accorde sans qu’il est fait l’effort de recevoir cette récompense. Je prends un exemple. Nous avons établi dans des précédents articles que le protagoniste arrivait dans l’histoire blessé par une faute commise plus tôt dans sa vie (d’avant le commencement de l’histoire, donc).
Cette faute est devenue un mensonge qu’il se fait à lui-même depuis que cette expérience désagréable a eue lieu. Et depuis, il chemine sur une voie qui ne correspond pas à sa vraie nature, à ce qu’il est vraiment.
Tout au long de l’intrigue cependant, il subira des épreuves et tout un ensemble de tribulations qui sont un peu comme une pénitence (c’est un exemple seulement, je ne suis pas mandaté par une mission évangélique). Cette pénitence effacera la faute commise. Mais celle-ci a été commise et il doit en rendre compte bien qu’elle ait été effacée.
Concernant cette rémission (je continue sur la lancée de mon exemple), le protagoniste connaît une révélation. Et cette dernière devra être puissante et faire sens pour que le lecteur comprenne pourquoi elle a eue lieu. Et pour clore mon exemple, pourquoi ? cette rémission de la faute commise lui a été accordée.
C’est seulement ainsi que l’on peut obtenir la satisfaction du lecteur. Car si vous ne lui montrez que la réussite extérieure (il est parvenu à accomplir son désir), vous encourez une frustration parce que ce que veut voir le lecteur, c’est comment le protagoniste a changé de l’intérieur et comment cette rencontre avec sa vraie nature lui a permis de réussir son objectif.
Une leçon qui ouvre les yeux
Le personnage principal d’une histoire a un désir et celui-ci se manifeste sous l’apparence d’un problème. Le protagoniste a un problème à résoudre. Cette apparence devient la vérité du protagoniste parce qu’être un protagoniste dans une œuvre de fiction est une fonction qui a pour tâche de résoudre un problème (c’est-à-dire de mener à bien un objectif).
Qu’il résolve ou non son problème n’est pas vraiment ce qui compte. Ce qu’il est important de mettre en avant dans l’histoire (c’est-à-dire précisément ce dont parle l’histoire), ce sont les leçons que ce personnage principal apprend de ses tribulations à travers l’intrigue.
Supposons que notre personnage principal est un capitaine d’industrie implacable et impitoyable. Il est convaincu qu’il doit sa réussite (sur le plan social) a son intransigeance et son inflexibilité envers les autres.
Mais ce sont de fausses valeurs (reste à définir comment il s’est persuadé de les accepter). Au cours de l’intrigue, cependant, il fera montre de compassion et progressivement, il découvrira qu’en s’éloignant de son égocentrisme et en posant son regard sur autrui, il donne enfin un sens à sa vie.
Ainsi cette révélation se construit à partir des expériences qu’il vit dans le cours de l’intrigue. Cette rencontre avec lui-même n’est pas soudaine. Pour que cette découverte fasse sens dans l’esprit du lecteur, il faut que le protagoniste souffre (un terme à nuancer selon le genre que vous avez abordé).
Et c’est bien cela que le lecteur recherche. C’est de cette façon que par un personnage interposé, il éprouve lui-même (et peut-être même viscéralement) cette révélation qui se construit déjà depuis l’acte Un. Si l’auteur impose de manière soudaine cette fulguration de son protagoniste (qui changera définitivement son mode de vie et sa façon de voir le monde), le lecteur sera frustré. Le protagoniste doit mériter cette illumination.
Avant le climax
Le climax est l’ultime confrontation avec la force antagoniste. Il est suivi par le dénouement. Il est la conclusion de l’intrigue. La révélation est ce qui donnera le courage et la force nécessaires au personnage principal pour faire face (ou d’oser enfin faire face) à ce dernier et terrible obstacle.
Quel que soit le moment où cette vérité sur lui-même se manifeste dans la vie du héros, il est nécessaire que le lecteur en soit le témoin. Il ne faut pas lui dire que le protagoniste vient tout juste de réaliser des choses sur lui-même qu’il ignorait et qui, pourtant, étaient toujours là.
Il faut inventer une scène, un événement qui explicite cette révélation. Les leçons et échecs qu’il apprend au cours de l’intrigue ne font que préparer cet événement. Ces leçons apprises ne sont pas cette prise de conscience lumineuse sur sa véritable nature.
Il faut que le lecteur sache ce qu’il s’est passé pour que le héros se réveille soudain. En somme, les événements précédents l’ont forcé à ouvrir les yeux. Il est nécessaire que ces moments particuliers soient connus du lecteur.
Et en fin de compte, peut-être que cette révélation éclairera aussi un aspect de la nature humaine, c’est-à-dire notre nature afin que nous vivions mieux la place que nous avons en ce monde.