Des vagues d’émotions déchaînées puis des moments plus calmes agitent l’archétype de Poséidon. C’est un être imprévisible, extrême et intrigant. Imprégné d’un profond mystère, c’est un personnage insaisissable.
Cet archétype est difficile à saisir car lorsqu’on croit le connaître, il se révèle tout autre. Souvent bouleversé par les émotions, il lui est difficile de s’en sortir sans l’aide d’autrui. Mais lorsqu’il est accompagné dans ses moments les plus douloureux et qu’il semble s’être remis des affres émotionnelles qui l’ont tant accablé, une autre émotion fait surface et cet archétype se laisse entraîner dans un nouvel émoi destructeur ou une angoisse qui l’étouffe.
C’est un individu qui apporte beaucoup aux autres dans une relation riche mais c’est aussi quelqu’un qui peut vous séduire et vous tenter vers des cheminements destructeurs.
Cet archétype ressent la vie à fleur de peau. Les émotions et les sentiments qui l’assaillent constamment lui sont parfois difficiles à maîtriser.
L’archétype de l’artiste
Un personnage dont l’idée pourrait se fonder sur un tel archétype manifeste l’étreinte émotionnelle souvent dans des actes de création afin de s’en libérer. S’il n’y parvient pas, il décharge ce trop-plein émotionnel sur son entourage qui en souffre alors.
Lorsqu’il est dans un environnement (le monde fictif ou bien une situation particulière) où exprimer ouvertement ses émotions est une chose dévaluée, il se renferme sur lui-même.
Mais l’émotion continue de bouillonner en lui jusqu’à l’explosion. Parce que cela ajoute à son insécurité et à sa colère.
Néanmoins, la puissance de ses colères est égale à l’amour qu’il peut donner. Et il est capable d’exprimer et de manifester l’un comme l’autre d’une scène à l’autre.
Se baser sur un archétype qui se source auprès de l’image de Poséidon induit un personnage masculin. Dans ce cas, les femmes seront attirées par l’intensité des émotions qui renforce la relation qu’il entretient avec elles. Mais elles découvrent vite aussi la volatilité de ses sentiments. Et ne pouvant le comprendre, une relation qui s’est pourtant donnée toutes les chances d’être riche évolue rapidement en une dépendance toxique.
Empli d’une passion sincère, et capable de passer radicalement de l’amour à la colère et réciproquement, il est difficile de se détacher d’un tel personnage. Sa sincérité fait de lui un être avec beaucoup de charisme. Néanmoins, il ne réalise pas la force qu’ont ses émotions sur autrui. Ce n’est pas quelqu’un de manipulateur.
Un archétype passionné et passionnant
C’est quelqu’un de très spontané, ardent dans tout ce qu’il entreprend. Il met de la passion dans tout ce qu’il fait. Et il est capable de nombreuses activités qu’il mène de front sans qu’aucune d’entre elles ne viennent gâter les autres.
S’il pouvait apprendre à maîtriser ses emportements, il pourrait gérer son stress et les complexités de la vie. Et c’est aussi en cela que toute la valeur dramatique d’un tel personnage est un bon terrain d’exploration pour un auteur.
Parce que ses émotions gère sa conduite, il est souvent en porte-à-faux avec le monde. Il devient alors comme une bombe à retardement capable des pires actions.
Lorsqu’il parvient à exprimer ses sentiments, c’est un être authentique capable de manifester un don certain pour tout ce qui est créatif. Son activité professionnelle, si elle est d’importance dans le scénario, se situera dans un milieu artistique. Ses idées seront reconnues. Tout ce qu’il crée a une profonde signification pour lui. L’auteur peut ainsi y glisser quelques métaphores ou symboles pour appuyer son propre message.
On peut noter aussi chez cet archétype un goût pour la nature. Il lui arrive de s’y réfugier lorsqu’il craint que ses émotions ne le submergent totalement. Car plutôt que de risquer de compromettre une relation à laquelle il tient, il préfère fuir et se protéger de ses propres sentiments.
Ce qui peut nuire cependant à ses relations, c’est son égocentrisme. Il s’est persuadé qu’il était différent et s’est mis de lui-même au centre de l’univers. Est-ce un mensonge qui cache sa véritable nature ? Ou bien n’a t-il pas le courage de faire face à ses propres vérités ?
Ses émotions d’abord
Lorsque la passion se répand comme une coulée de boue, il ne se préoccupe pas de la sensibilité de son entourage. Il peut blesser même ceux qu’il aime (physiquement comme moralement).
Et pourtant, il lui importe de savoir ce que pensent les autres de lui. Surtout lorsqu’il est dans une phase créative, il a besoin de l’approbation d’autrui. Ce qu’il craint le plus est probablement le rejet. Et peut se montrer très destructeur lorsque la réponse des autres est contraire à ce qu’il en attend.
Il est en fait très dépendant d’autrui. Mais quel que soit le type de relations qu’il entretient et bien qu’il se défende de laisser parler trop librement ses émotions, celles-ci finissent toujours par éclater au grand jour et donner de grands coups de bélier dans les liens même les plus solides.
Ce qui le conduit à éprouver un grand moment de détresse et sa vulnérabilité devient très palpable.
Il fait beaucoup d’efforts pour montrer qu’il se contrôle. Mais ce n’est qu’un jeu d’apparences parce qu’il aime ce sentiment de pouvoir et de courage que ses accès de rage semble lui conférer.
Ce ne sont cependant qu’une sorte de bouclier, un moyen de défense contre ce qui est profondément enraciné en lui : un puissant sentiment de faiblesse. C’est un personnage qui joue les forts en gueule pour ne pas révéler son extrême fragilité.
Et lorsqu’un autre personnage pointe peut-être sans intention son inconstance, ses incertitudes, sa précarité, il ne sait que réagir violemment. La colère est son combustible.
Tel qu’il se perçoit, il se sent inférieur. Ce sentiment d’infériorité provient du fait qu’il croit que la société exige des hommes qu’il cache leurs sentiments. Or, comme il en est incapable, il en nourrit une sorte de mésestimation de lui-même. Il joue alors les princes mais sans vraiment posséder l’autorité d’une telle image.
Sa plus grande peur : lui-même
Et c’est une frayeur qu’il cache par ses emportements homériques. Bien que paradoxalement, il culpabilise de ses colères. Elles lui font craindre d’avoir blessé ceux qu’il aime.
Par ailleurs, lorsqu’un personnage auquel il tient est menacé par d’autres personnages ou par les circonstances, il est alors capable de relâcher toute sa vengeance sans restriction sur la menace.
C’est un archétype qui vit mal ses doutes et ses incertitudes. Peut-être est-ce cela qui lui fait sentir qu’il est d’abord un être humain vulnérable. Il peut aussi ressentir que son entourage, des personnages qu’il aime cependant, vient étouffer son besoin de créativité. Mais c’est souvent une erreur, un mensonge qu’il se fait à lui-même n’acceptant pas l’idée que par moments, il soit incapable de créer.
C’est un archétype qui fonctionne bien avec l’intrigue de la survie. Avec cette différence que la menace se cristallise dans les rencontres qu’il peut faire. L’ennemi est décidément l’autre. Il y a là peut-être une piste à explorer pour l’auteur qui ne souhaite pas désigner trop rapidement l’antagoniste. C’est un risque à prendre cependant car le lecteur a besoin de savoir rapidement quelle est la nature de la force antagoniste.
Quoi qu’il en soit, l’antagonisme peut se nicher dans un certain nombre de personnages, peut-être une conspiration qu’il croit à tort ou à raison qu’elle cherche à le détruire.
Comme il est totalement impliqué dans ses entreprises, il se peut aussi qu’il fasse de l’ombre à des individus plus puissants que lui. Sa franchise peut lui apporter des animosités s’il lui vient l’idée de dénoncer des pratiques mettant en cause des puissants. Lorsqu’il s’engage dans une cause, il ne fait pas les choses à moitié mais le soin extrême qu’il apporte à ses actions peut aussi blesser l’innocence.
Ce n’est pas un être foncièrement jaloux. Au contraire, s’il est marié, il a toujours peur de ne pas être à la hauteur. Si sa femme sourit à un autre homme, il considère cela comme un échec personnel. Comme s’il n’avait pas su donner suffisamment de lui-même ou retourner assez d’amour à l’être aimé.
Il a donc besoin de se prouver à lui-même qu’il est digne de l’amour reçu. Mais cette introspection lui fait réaliser souvent qu’il s’est effectivement mal conduit, qu’il n’a pas su aimer comme il aurait dû. Et cela le mène à une profonde désespérance.
Un manque de confiance envers les autres
Le désespoir se transforme rapidement en angoisse. Et celle-ci se manifeste par une méfiance envers autrui. Cela peut expliquer parfois un désir de vengeance dont il peut réaliser, juste avant le climax (son ultime combat contre l’antagonisme), la fausseté.
Par exemple, cet archétype pourrait vouloir se venger de quelque chose qui lui est arrivé dans son passé (avant le début de l’histoire) et la résolution de l’intrigue apporterait alors l’évidence que depuis tout ce temps, il était dans l’erreur.
Ce motif fonctionne bien avec une personnalité telle que la sienne quand le désir de vengeance devient une obsession injustifiée. Son arc dramatique consiste alors à lui faire prendre conscience de son fourvoiement.
Peut-être que sa faiblesse majeure est de se sentir supérieur aux autres (justement pour masquer ce sentiment d’infériorité qu’il ressent dans ses tréfonds face à eux).
Comme il s’exprime sans restriction, il ne peut et ne veut mentir. Et lorsqu’il lui arrive de mentir pour éviter à quelqu’un qu’il apprécie de souffrir, il le fait avec une telle spontanéité qu’il est difficile de porter sur lui un jugement négatif. L’auteur peut ainsi décrire une certaine droiture chez un personnage pour lequel il s’est servi de l’archétype du Poséidon pour la construction.
Il existe de vraies possibilités narratives avec un tel archétype. Et cela permet aussi la création d’autres personnages qui ont toutes les raisons soit d’aimer soit de détester cet archétype. Gardez à l’esprit qu’un archétype est une base de travail, une piste de réflexion.
Si vous versez dans le genre de la comédie, vous pourriez opter pour un personnage dont la plus grande crainte serait de perdre sa femme. Et cela serait sur le point d’arriver jusqu’à ce qu’il confronte ses propres attitudes, ses propres démons.
De cette confrontation, il ouvrira les yeux et intégrera alors la blessure lointaine qui expliquait sa conduite jusqu’alors.
Quelques traits négatifs
Nous l’avons vu, c’est un personnage qui s’exprime sans se soucier des sentiments d’autrui. C’est un archétype à la farouche authenticité. C’est un personnage qui peut suggérer beaucoup à un acteur. Gardez en tête, cependant, que le scénariste ne fait que suggérer une image. Le réalisateur du film potentiel qui se profile dans le scénario ainsi que les acteurs qui incarneront les personnages s’empareront de cette image et la transformeront selon leur propre espace créatif.
Cet archétype a aussi des difficultés à contrôler ses émotions. Il peut connaître des éruptions de colère comme des débordements d’amour. L’intensité avec laquelle il se lance dans les choses lui permet d’envahir facilement la distance qui le sépare d’autrui et d’abattre les murs que les autres pourraient construire soit pour se protéger de lui, soit pour leur propre zone de confort.
Ce qui est intéressant aussi pour un auteur qui utilise cet archétype, c’est que ce dernier ne se contente pas d’œuvrer en surface. Il va au bout des choses comme par exemple de pousser une relation dans ses extrêmes jusqu’à la faire éclater (souvent sans intention de sa part puisque c’est dans sa nature).
C’est un personnage qui sied bien dans une intrigue dont la survie est le fondement. Ses traits de caractère lui seront alors utiles. En revanche, pour mettre en avant sa fragilité, il peut être bon d’envisager une obsession. Ce ne sera pas une addiction. Ce personnage peut par exemple nourrir une vengeance pour des raisons injustes. Il a d’ailleurs tendance à noircir le tableau des situations dans lesquelles il se retrouve.