Depuis les deux précédents articles, nous tentons de nous mettre dans les souliers d’un personnage que nous avons confusément en tête. On peut se sentir un peu gêné mais surtout, force est de constater que cette technique de création de nos personnages de fiction est somme toute assez revigorante.
Nous avons commencé par déterminer une personnalité qui servira de fondement au personnage.
UN PERSONNAGE EN COUCHES SUCCESSIVES
Puis nous nous sommes intéressés non seulement à son apparence (c’est important puisque nous interpellons la perception du lecteur et son évaluation du personnage de prime abord) mais aussi ses passions, son milieu social et familial, ses aptitudes et talents innés.
D’AUTRES COUCHES POUR VOTRE PERSONNAGE
Abordons maintenant les événements majeurs de la vie de ce personnage avant le début de l’histoire.
Ces événements nous mèneront à définir le degré de sympathie que nous pouvons instaurer entre le lecteur et lui (gardez toujours en tête que vous écrivez pour le lecteur), le niveau de compréhension aussi c’est-à-dire jusqu’à quel point vous souhaitez que ce personnage se découvre et partant, comment il sera perçu par les autres personnages.
Une blessure qui change tout
Considérons deux personnages. Tous deux ont été élevés dans le même milieu social et au sein d’une famille aimante. Qu’est-ce qui pourrait les distinguer ?
Admettons que l’un des deux a connu un événement tragique dans sa vie comme la perte de son frère un peu plus jeune que lui et qui s’est noyé dans la piscine familiale.
Ce fait a le pouvoir d’expulser le personnage du droit chemin. Ce que j’entends pas droit chemin est simplement la route qu’il aurait dû suivre (la même probablement que l’autre personnage) et qui aurait été plus conforme à sa véritable nature.
Il faut donc inventer pour le personnage que vous êtes en train de créer un événement qui va fortement influencé sa vie jusqu’au moment où l’histoire commence quand le lecteur fait sa connaissance.
Ce pouvoir des faits sur la vie est primordial dans l’élaboration du personnage. Comment le personnage a t-il réagi à l’événement ? Quel fut l’impact de ce dernier sur lui ? Comment le personnage voit-il le monde depuis cet incident qui l’a tant marqué ?
Quelle image a t-il de lui dorénavant ? Et comment cela peut-il influencer ses choix et décisions ?
C’est comme si vous aviez jeté un caillou dans une mare (la vie actuelle du personnage) et que les ondulations de l’eau soient venues perturber l’agencement initial. La conduite du héros, ses valeurs qui ne consistent pas pour lui à faire le bien ou le mal, son attitude générale face au monde, tout cela a été adultéré par les remous de l’événement. C’est un trauma.
Une source d’inspiration pour l’auteur
Votre muse devrait apprécier errer dans le recherche d’un événement dramatique pour votre personnage. Et dramatique ne signifie pas seulement qu’il doit être tragique. Votre personnage pourrait être devenu très riche avec un simple billet de loterie.
Ce qu’il faut comprendre dans cet événement, c’est qu’il frappe de plein fouet le personnage et l’éjecte avec violence du chemin qu’il suivait jusqu’à présent.
Il faut imaginer un événement qui va altérer la trajectoire de la vie du personnage. Par exemple, une expérience qui lui fera perdre à jamais son innocence lorsqu’il était enfant. Cette expérience forgera chez le personnage des convictions fausses. Il en concevra des principes sur lesquels il fondera désormais ses comportements.
Sa véritable personnalité ne sera pas effacée. Elle sera simplement camouflée et apparaîtra toujours comme une personnalité sauf que lorsqu’il sera introduit dans l’histoire, c’est cette personnalité défigurée ou dénaturée qui sera mise en avant.
Le principe est qu’un événement majeur pendant les années où le personnage apprenait à être un adulte a causé un profond déplacement ou décalage dans la direction de sa vie.
C’est comme dans la vie réelle. Les choses importantes qui nous arrivent nous poussent à nous dévier dans des directions que nous n’aurions pas prises autrement.
Pour votre personnage, vous souhaitez certainement qu’il réagisse d’une certaine manière en regard des intentions de votre histoire. Considérez alors quel événement aurait pu l’impacter et qui soit logique (ou naturel) pour expliquer les choses qu’il fait.
Vous pourriez aussi le montrer totalement amorphe face aux événements de l’intrigue. Parce que ce qu’il lui est arrivé dans son passé l’a laissé sans ressource. L’arc dramatique du personnage consistera alors à lui permettre de trouver la force nécessaire pour intégrer son trauma et assumer sa vie.
Le cas du héros
Un héros peut être méprisable. Comme nous l’avons vu dans ces articles :
- UN PROTAGONISTE AUX ASPECTS SOMBRES
- FICTION : LA VIE TELLE QU’ELLE EST
- LE HÉROS EST UN ÊTRE HUMAIN
Néanmoins, si vous ne parvenez pas à faire ressortir un aspect positif sur lequel le lecteur s’accrochera, il ne se donnera pas la peine d’aller jusqu’au bout de l’histoire. Ce n’est pas parce que vous avez prévu que l’évolution de votre personnage principal l’emmènera vers des pinacles que le lecteur aura la patience d’attendre de voir cette transformation.
On dit souvent que le lecteur s’engage dans l’histoire. Mais ce n’est pas exactement cela. Il s’engage envers un personnage. Un détail doit le rendre attachant. Et d’ailleurs, on peut appliquer cela même à l’antagoniste. Supposons qu’une femme qui commet des meurtres atroces est la force antagoniste.
Ses actions sont abjectes mais si l’on travaille un tant soit peu le passé de cette femme, on peut comprendre (comprendre un personnage est la clef qui permet l’identification et l’empathie) qu’elle n’a jamais fait le deuil du seul fils qu’elle ait jamais eu.
Ajoutez des détails copie la réalité. Nous sommes tous des êtres complexes. Dupliquer la réalité permet de s’éloigner du stéréotype. Dans toute la mesure du possible, vous devez garder à l’esprit le réalisme de votre personnage.
C’est un peu comme les effets spéciaux au cinéma. S’il n’y a pas la recherche d’une réalité dans l’effet, vous n’atteignez pas votre but (et vous frisez le ridicule).