Nouveau film de l'artiste Charles de Meaux, artiste d'abord parce qu'il n'est pas que cinéaste et qu'il a toujours été à la recherche du lien tacite entre cinéma et arts plastiques (il expose des "installations" et diffuse des films expérimentaux dans les musées et institutions)... Il est aussi producteur avisé puisqu'il a produit tous les films du réalisateur thaïlandais Apichatpong Weerasethakul dont "Tropical Malady" (2004), "Oncle Boonmee" (2010 - Palme d'Or à Cannes) et "Cemetery of Spendour" (2015). Donc après le documentaire documentaire "Le Pont du Trieur" (1999) et le drame "Stretch" (2011) le réalisateur-scénariste-monteur-directeur Photo (sur tous ses films !) Charles de Meaux revient cette fois avec un drame historique pour une co-production franco-chinoise où il se penche sur ce qu'on pourrait nommé "la Joconde chinoise", où comment un tableau exposé à ce jour dans un petit musée de Dôle (Jura). C'est après en avoir parlé à des amis chinois que le projet a commencé à prendre forme...
Le cinéaste retrouve son ami et scénariste Mian Mian avec lequel il avait déjà collaboré sur "Stretch" en effleurant déjà la question du lien culturel entre la France et la Chine et, tous deux, en collaboration avec le scénariste Michel Fessler connu pour son travail sur des films comme "Ridicule" (1995) de Patrice Leconte, "Man to Man" (2005) de Régis Wargnier et "Un Barrage contre le Pacifique" (2007) de Rithy Panh. L'histoire raconte donc le lien particulier entre le peintre jésuite et son modèle l'impératrice Ulanara qui est délaissé par son époux l'empereur Qianlong. Le peintre est interprété par Melvil Poupaud qu'on avait pas vu depuis la comédie (2016) de Justine Triet, tandis que l'impératrice est incarnée par la sublime chinoise Fan BingBing, peu connue en France elle l'est un peu plus depuis qu'elle a été membre du dernier jury du Festival de Cannes. Fan BingBing retrouve son réalisateur de "Stretch" et des fans l'auront reconnu dans "X-Men : Days of Future Past" (2014) de Bryan Singer et dernièrement dans "I am not Madame Bovary" (2017) de Feng Xiaogang... Au casting on notera les présences des acteurs Thibault de Montalembert et Feodor Atkine.
Evidemment on pense aux nombreux grands films dans lesquels des occidentaux se confrontent à l'Extrême-Orient comme "7 ans au Tibet" (1997) de Jean-Jacques Annaud, "Stupeur et Tremblements" (2003) de Alain Corneau ou encore le récent (2017) de Martin Scorcese. Mais Charles de Meaux choisit un point de vue formel différent pour un résultat dont l'équation pourrait être "Epouses et Concubines" (1991) de Zhang Yimou + "La Jeune Fille à la Perle" (2004) de Peter Webber. On pourrait sans doute citer également les influences de Terrence Malick et, plus logiquement, Apichatpong Weerasethakul. On salue les ambitions et même les audaces du cinéaste, incluant des estampes et une part de fantastique dans un récit qu'il voudrait proche de la littérature romanesque du 19ème siècle. Malheureusement son film manque de rythme, la relation manque d'ambiguité et finalement de sensualité. Si on comprend que l'impératrice est troublée par le regard nouveau et doux du peintre jésuite on s'aperçoit vite que la relation restera fade et sans évolution majeur. Il manque là un intérêt dramatique et, justement, romanesque au récit. On a alors l'impression que le réalisateur a oublié qu'un film ce n'est pas que la mise en scène et la mise en image. On apprécie le choix de montrer une autre facette des jésuites en évitant l'écueil habituel de l'austérité dans cet ordre religieux. Surtout on est ébloui par la beauté et l'émotion dégagée par la sublime Fan BingBing. Sans cette dernière le film serait encore plus ennuyeux. Si il est certain que le travail de reconstitution, que la beauté des costumes et des décors n'est pas à remettre en question il n'en demeure pas moins que bon nombre de films on fait aussi bine voir mieux. Outre les films sus-cités, on pourrait citer également le monument "Le Dernier Empereur" (1987) de Bernardo Bertolucci. Charles de Meaux signe un film historique plein de qualités, une oeuvre singulière mais qui manque de souffle. Dommage.
Note :