Prevenge (2016), est le premier long métrage de l’actrice anglaise Alice Lowe. Il raconte le parcours sanglant de Ruth, enceinte de 8 mois, animé par la vengeance de son bébé, qui lui donne des ordres à travers le ventre.
Alice Lowe tient le rôle principal et a également écrit le scénario.
Présenté dans plusieurs festivals dont celui de Gerardmer et Hallucination collectives (mais privé de sortie cinéma), Prevenge, se démarque d’emblée: comédie cynique horrifique, bébé commanditaire d’assassinat, film de genre réalisé par une femme et issue de la comédie anglaise…autant d’éléments touchy qui ne peut qu’attiser la curiosité.
Si on rajoute le fait qu’Alice Lowe a eu l’idée du film en étant enceinte, et que c’est son propre ventre de femme enceinte qu’on voit à l’écran, on ne peut que constater l’audace incroyable de cette réalisatrice.
Sur le papier, le scénario est pourtant simple: on suit le parcours de Ruth, qui met en place des stratégies directes et efficaces et ne laisse aucune échappée possible à ses victimes. Le discours sert à manipuler les victimes pour les amadouer (les dialogues sont plutôt bien écrits pour rendre crédible le fait qu’une femme enceinte de 8 mois, malgré son état, arrive à tuer sans obstacles). Et pourtant, c’est bien son bébé qui donne les ordres, et qui l’oblige en cas de résistance de Ruth, à exécuter ses directives. Cette force dominante renvoie à l’idée qu’une femme enceinte n’est pas totalement maîtresse de son corps, soit de par les mouvements du bébé, soit par les changements physiologiques qui en découlent. Alice Lowe a précisé qu’elle n’a pas cherché à mettre en place un message subliminal à ce sujet, pour autant je n’ai pas pu m’empêcher de faire le lien, car les scènes avec la gynécologue, légèrement irritante, appuie cet aspect: injonctions sous formes de conseil, sentiments de la mère occultés…
La photographie est étonnamment très travaillée pour un film indépendant de ce type. Ainsi, l’ambiance de chaque scène clef est parfaitement identifiable: le bar avec son aspect festif pour séduire, lumière claire, proche du clinique quand Ruth va attaquer, fête d’Halloween plus sombre qui amorce le final..Peu de budget, donc peu de décors et peu d’effets visuels (qui restent pour moi la partie sans doute la plus faible du film), Alice Lowe se centre uniquement sur Ruth et distille petit à petit les raisons de ses folies meurtrières ce qui apporte un peu de profondeur et surtout, qui participe à faire tenir en haleine le spectateur. Car malgré un ton très cynique, au bord de l’humour noir, Prevenge souffre d’une répétition qui peut paraître un peu ennuyeuse. Mais on trépigne avec elle pour connaitre la suite des évènements, notamment sur comment évoluera la mère avec ce bébé une fois né. Le fait qu’Alice Lowe touche à un sujet tabou (la femme enceinte, les bébés), encore peu abordé dans le cinéma de genre (vous pouvez jeter un œil sur mon article sur les sous genre de film d’horreur), fait que Prevenge surprend forcément et est force de propositions: tout est encore à faire avec de tels éléments narratifs.
Le moins que l’on puisse dire c’est que Prevenge restera un souvenir de naissance original pour l’enfant d’Alice Lowe..