Un homme meurt dans un accident de voiture, son esprit couvert d'un drap va revenir pour hanter la maison où il a vécu ainsi que sa femme en traversant les ravages procurés par le temps. De cette idée de scénario minimaliste va en résulter un très grand film sur le deuil où David Lowery réunit magnifiquement Rooney Mara et Casey Affleck après l'étincelant Les Amants du Texas.
L'année 2017 n'est pas encore finie et nous le fait savoir en sortant ce véritable OFNI dans les salles obscures françaises. Depuis le succès critique outre-Atlantique datant de plusieurs mois, il était temps que la nouvelle production A24 arrive pour nous éblouir. Plusieurs heures après l'avoir découvert, il est encore impossible de se remettre de ce rêve déchirant sur ce que nous laissons après la mort au fil du temps.
Le mieux est de ne pas vous raconter dans les détails de ce chef d'oeuvre mais d'en décrire le ressenti. Car si le cinéma est un si joli conteur, c'est surtout grâce à la manière dont l'auteur et la caméra ne font qu'un pour raconter une histoire. Et la mise-en-scène de David Lowery brille par son évidence si simple mais pourtant si bouleversante à filmer le deuil et l'immobilité de la mort. Dans une atmosphère brumeuse accompagnées des nappes musicales hantées de David Hart, les nombreux plans-fixes permettent une contemplation tragique de la pénibilité de la mort et de ce qu'elle provoque. Manger une tarte (véritable moment de bravoure) ou écouter une musique, de telles choses deviennent bouleversantes au travers de ces personnages griffés par les traces offertes par la Faucheuse.
Des moments de contemplations qui ne laissent jamais indifférents, quitte à faire ressentir avec brio la même pénibilité (à ne pas voir dans une connotation péjorative rabaissant le film) que celle vécue par ces personnages brisés. Brisés par la perte d'un être cher, par le manque conséquent de cet être et l'impossibilité à réellement communiquer avec lui. Des êtres que l'on rencontre par-ci et par-là dans cette maison que hante le fantôme de ce personnage joué par Casey Affleck, guidés chacun par cette notion de la mort comme conscients de cette fatalité qui nous frappe tous. A Ghost Story parvient à entrer dans l'esprit de chaque spectateur en lui rappelant frontalement cette conscience de mortalité. Une conscience auquel chacun tente de l'apprivoiser différemment, en y laissant une trace par des mots, une oeuvre d'art ou bien une maison. Le pessimisme de Lowery bouleverse en ravageant ces traces tout en y conservant une certaine mélancolie qui ne cesse de déambuler au fur-et-à-mesure qu'il continue de tout détruire. Et il est fort probable que si le film peut parler à chacun, c'est par sa force de l'imaginaire à réfléchir aux idées théoriséds dans ce film : Est-ce que nous sommes tous vouées à disparaître dans l'indifférence avec ce que nous avons produits ou bien nos productions font ce que nous sommes et seront conservés dans l'inconscient de nos descendants ? Et comme il est impossible de déterminer l'existence d'une vie après la mort, il l'est tout autant de réellement trouver des réponses quant aux théories émises par ces personnages.
On ressort de A Ghost Story ébranlé par le merveilleux cauchemardesque de son histoire. Lowery y signe un grand film, bourré d'images magnifiques imprimées dans notre esprit, qui risque de nous hanter pendant un long moment. Chef d'oeuvre incontesté de cette fin d'année.
Victor Van De Kadsye.