L'an dernier, Christopher Nolan avait éclairé aux yeux du monde entier l'opération Dynamo dans Dunkerque. Une opération qui semble intéresser un autre artisan de l'image moderne, Joe Wright, qui après l'avoir illustré dans son plan-séquence de Reviens-Moi, s'intéresse aux décisions géopolitiques de cette génération en signant ce biopic décevant sur Winston Churchill, avec un Gary Goldman cabotinant comme jamais.
Au fond, Joe Wright et Christopher Nolan ont le même combat : Exploser les conventions des écoles de cinéma qu'ils ont connu. Si Nolan explore le grand spectacle hollywoodien pour y signer une oeuvre radicale, presque muette, Wright prend le pari ici d'électrifier l'académisme formelle du biopic anglais. Si certains succès populaires irritent par leur facilité paresseuse (il suffit de voir Une merveilleuse histoire du temps ou Imitation Game pour en obtenir un aperçu), un film comme Les Heures Sombres peut sembler comme le film le plus punk de son genre tant Wright s'évertue sans cesse à expérimenter son medium pour raconter et passionner. Et malgré l'opposition entre ces deux types de cinéma, difficile de ne pas voir comment Dunkerque et Les Heures Sombres se complètent.
L'an dernier, nous plongions intensivement au coeur de la ville éponyme pour l'Opération dans son acte, tandis que cette année, ce film nous raconte la face cachée de l'Opération, celle planquée dans les locaux secrets des forces militaires anglaises. Cela afin d'observer comment un homme, retrouvé soudainement à la tête d'une nation effrayée, parviendra a rassembler ses compatriotes pour lutter contre une force plus obscure. Wright ausculte Churchill dans les moindres détails, entre blagueur grossier, homme affaibli par la crainte et à l'instinct sanguin. Si le réalisateur de Pan convainc par moments par une mise-en-scène centrée dans son personnage principal, difficile de se sentir impliquer tant le film parvient quand même à se faire prendre par les griffes de l'académisme britannique. Gary Oldman est un acteur parfait lorsqu'il s'agit de jouer un personnage de cinéma dans son cabotinage la plus totale ( Dracula ou Leon ne prouveront pas le contraire), c'est donc un choix moins crédible de l'engager pour jouer une telle personnalité. Son maquillage outrancier et artificiel nous saute aux yeux et on ne réussit à n'y voir que l'acteur suppliant pour qu'on lui donne toutes les statuettes. Dommage que cet artifice gâche l'intention si intéressante de Wright de présenter sous un ordre plus bureaucratique l'entraide nécessaire pour la lutte.
Les Heures Sombres laisse un constat mitigé. S'il se montre comme un complément d'intérêt à l'immersion de Dunkerque, le film peine à convaincre quand il s'agit de nous intéresser sur la personne de Churchill. Ce n'est pas faute d'avoir essayé mais on est pas encore sûr d'être réconcilié avec ce type de biopic.
Victor Van De Kadsye