En quatre saisons Cherif s'est imposée comme l'une des marques fortes de France 2 côté séries, parvenant chaque année à faire grimper d'un cran une qualité d'écriture avec un soin tout particulier. Aussi quand en fin de saison 4, les auteurs ont fait passer un cap sentimental décisif à leur duo d'enquêteurs, on s'est retrouvés partagés entre le contentement et l'inquiétude. Le contentement de voir se concrétiser un jeu de séduction qui pouvait difficilement s'éterniser sans perdre de son charme et l'inquiétude de voir la série sombrer dans les travers de bon nombre de ses devancières, qui, lorsque les protagonistes ont succombé à leur sex-appeal respectif, voit le soufflé retomber aussi bas qu'il était monté haut. Cette cinquième saison aurait dès lors pu s'écraser sur la vacuité d'une histoire sentimentale au long cours, ce qui aurait pu peut-être contenter les fans, mais était-ce dans l'intérêt d'une série savoureuse et qui sait se singulariser par sa personnalité atypique, que de céder aux sirènes de la facilité? Évidemment non et l'équipe créative de la série l'a bien compris et s'est creusée la tête pour faire de cette saison 5, sinon un révolution, à tout le moins un nouveau départ, qui amène Cherif là où l'on aurait été bien en peine de la voir se diriger avant de découvrir ces dix nouveaux épisodes.
Pour débuter la saison, la série nous offre un premier épisode très réussi qui évite déjà l'un des écueils dans lequel tombe bon nombre de séries françaises à savoir le time jump qui permet de résoudre une intrigue en un tour de passe passe en quelques minutes. Là si nous sommes certes trois semaines après la fin de la saison 4, l'histoire est dans la continuité des évènements qui concluaient la saison précédente. Ce premier épisode est virevoltant, mettant chacun des protagonistes à contribution avec une utilisation du splitscreen et la mise en place d'une arnaque, hommage avéré à Mission : Impossible. Sur une réalisation impeccable signée Chris Briant, un des piliers de la série derrière la caméra ainsi qu'une très belle photo, ce premier épisode débute par des notes de glamour et romantisme avant qu'un meurtre ne rappelle nos enquêteurs à leur devoir. Cet épisode ne nous laisse pas le temps de reprendre notre souffle, bénéficie de trames narratives efficaces, d'une résolution maligne et d'un humour en filigrane qui fonctionne à chaque coup. Une entrée en matière brillante et on se dit que l'on part sur des bases élevées. Aussi le second épisode un poil en dessous nous laisse quelque peu sur notre faim même si une constante qu'on va retrouver à de nombreuses reprises dans la saison va se dégager de cet épisode : une dimension méta qui si elle était déjà présente dans Cherif trouve ici sa quintessence avec des personnages qui ont conscience d'être dans une série télé et des dialogues décalés qui font irrésistiblement mouche. La série assume de plus en plus pleinement sa singularité. Après cet épisode au rythme bancal, Cherif retrouve fort heureusement tout de suite ses atours les plus séduisants et les met en valeur dans des histoires souvent réussies et prenantes qui offrent aussi aux comédiens qui entourent le duo central la possibilité de s'illustrer en dehors de ce qu'ils font déjà très bien. François Bureloup a l'occasion de restituer de belles nuances dans le drame et même dans l'émotion ce que son personnage ne lui permet pas systématiquement et Vincent Primault a également de jolies choses à jouer dans cette saison 5 (ce que leur avait aussi permis cette saison la série Nina où ils sont apparus l'un et l'autre).
Mais ce qui marquera durablement entre autres chose cette saison 5 c'est la venue d'une guest star qui éclipse toutes les autres (raison peut-être pour laquelle les invités prestigieux sont moins nombreux que les années précédentes). En effet c'est une figure sérielle mémorable que Lionel Olenga (co-créateur et producteur artistique) est allée chercher, un de ces personnages iconiques dont regorge la télévision et que l'on aurait jamais pensé voir un jour dans une série française. Car oui qui plus est, c'est un personnage d'une série américaine culte, Huggy les bons tuyaux, le fameux indic de Starsky & Hutch interprété par le comédien Antonio Fargas qui vient nous gratifier de sa présence dans un épisode extrêmement réussi (alors qu'il aurait pu et même dû être le plus casse-gueule de l'année). Co-écrit par Lionel Olenga et Nicolas Robert, cet épisode regorge de clins d'œil et de références que les initiés se régaleront à repérer mais le récit n'est jamais balourd ou pompeux et la manière de faire apparaitre le personnage en tant que tel est très subtile. Cerise sur le gâteau Christophe La Pinta réussit un super hommage musical à la série originelle avec un score délicieux. Ce très bel épisode nimbé d'une jolie nostalgie réussit l'exploit de ne jamais être passéiste et confirme l'allégresse avec laquelle la série fait basculer le quatrième mur. Quant à Fargas, il retrouve l'accoutrement et les postures de Huggy comme si il avait quitté son personnage la semaine dernière.
Au delà des intrigues et des idées souvent très bien exploitées, on notera qu' Abdelhafid Metalsi semble toujours se régaler à interpréter Cherif et que Carole Bianic lui renvoie la balle avec dextérité, leur duo trouve une nouvelle dynamique qui ne sera malgré tout pas de tout repos avec en milieu de saison (ce qu'on ne vous a pas précisé pour éviter de vous gâcher le plaisir) l'arrivée de plusieurs évènements importants et inattendus qui vont impacter à n'en pas douter le futur de la série et conférer son lot d'émotions fortes aux téléspectateurs. La saison se conclue de la plus belle des manières par un double épisode qui, si il reprend une trame souvent vue dans les séries télé est exploitée très ingénieusement par les auteurs, ce qui donne une fin très prenante dotée qui plus est d'un cliffhanger surprenant qui donne très envie de voir vers où la série va se diriger. Et comme le prouve cette saison 5, ce n'est certainement pas là où on l'attend.
Crédits: France 2 / Making Prod