Le conflit est la clef de l’œuvre dramatique

Idéalement, toutes les scènes d’un scénario devraient être conflictuelles. Le conflit est la lutte que se livrent deux forces (généralement humaines) qui s’opposent. Sommairement, l’une veut quelque chose et l’autre, autre chose.

Ce sont deux volontés qui s’opposent. Même une insinuation est porteuse de conflit. Il existe de nombreuses formes de conflit : entre personnages, contre la nature, contre la société ou bien encore un personnage en butte avec lui-même.
Deux personnages qui s’affrontent est cependant la forme conflictuelle la plus commune et certainement la plus facile à mettre en œuvre. Les intrigues qui s’inscrivent dans une question de survie se concentrent sur l’humain contre les forces naturelles. Dans Les Oiseaux de Hitchcock, Melanie Daniels veut vivre mais l’antagonisme ailé veut sa mort.

Les entités antagonistes

L’antagonisme non humain ne peut consciemment former un objectif (sauf si votre intention d’auteur en décide le contraire) mais ce qui importe du point de vue dramatique est qu’il agit comme s’il voulait vraiment nuire au protagoniste.

La société est difficilement traitée comme antagonisme. C’est un terme bien trop abstrait. Ainsi, elle est souvent représentée par un personnage qui agit en son nom et qui peut parfois douter (comme Javert par exemple).
Prise comme antagonisme, elle permet de décrire la lutte d’un personnage contre le système qui cherche à l’aliéner. C’est l’histoire de son émancipation. L’antagonisme incarné représente les préjugés et tous ces comportements institutionnels imposés à l’individu pour qu’il soit ingéré dans la masse (et plus facilement contrôlable).

La fiction pour être dramatique s’empare de l’individu (peut-être l’opprimé, le vaincu) qui résiste à son assimilation et qui lutte contre le préjugé, contre l’opinion. Le marginal est toujours un être très attirant.

Lorsque l’auteur souhaite décrire le combat privé que se livre un personnage, sa tâche est nettement plus difficile s’il souhaite en faire un scénario. Un scénario s’exprime à travers l’image et même si l’environnement sonore et les dialogues (et parfois monologue lorsque nous avons affaire à un narrateur) peuvent aider à décrire la vie intérieure d’un personnage, il faut une certaine habileté pour la transcrire à l’écran.
Dans ce cas, ce sont souvent les attitudes, comportements, réactions aux événements ou à l’autre qui font que visuellement nous ayons accès à ses pensées et processus de pensée.

Une argumentation

Soyons banal : Je veux que l’autre fasse quelque chose et l’autre ne le veut pas. Il me faut donc le persuader. C’est le motif dramatique qu’a employé Shakespeare dans la plupart de ses scènes les plus intrigantes et ses dialogues les plus savoureux.
Il s’agit de convaincre quelqu’un sur une chose ou une autre. Qu’il s’agisse de convaincre un jury ou bien de se faire pardonner une infidélité pour retrouver l’amour de l’être aimé, tout le conflit s’articule autour d’une tentative de persuasion.

Le schéma est identique que l’on cherche à empêcher quelqu’un de se suicider, de nous rejoindre dans notre lit ou bien lorsqu’il s’agit de convaincre l’autre de lâcher le couteau avec lequel il nous menace. Nous tentons de persuader l’autre de ce que nous voulons.
Dans un scénario, cela peut être marqué par une simple ligne de dialogue. En effet, une seule réplique peut contenir tout l’enjeu de la scène.

Le mode opératoire de cette persuasion est de faire intervenir l’émotion. En parvenant à ce que l’autre se sente d’une certaine façon (par exemple en stimulant chez lui un sentiment de culpabilité), nous devrions (et nos personnages aussi) obtenir ce que nous voulons (enfin, nous l’espérons).

Persuasion et émotion ne sont pas des notions que l’on explicite visuellement. Ce qui se passe dans la scène (c’est-à-dire dans la tête des personnages) doit être externaliser. Il faut que le lecteur puisse voir ce combat intime qui se joue chez les personnages. C’est cela rendre une situation dramatique. Elle exige la participation du lecteur.

Un but, une intention au niveau de la scène

Un conflit dramatique est intéressant parce qu’il a un but. Un personnage veut quelque chose. Pour l’obtenir, il va devoir se battre (ou se défendre).
Qu’est-ce qui motive le personnage ? dans cette scène singulière ? Si ce qu’il fait n’est pas crédible en regard de ce qu’il veut, le lecteur ne le suivra pas dans cette voie.

Tout conflit dramatique se réduit à la poursuite d’un objectif. Cet objectif est la condition du conflit. On ne peut faire du conflit gratuitement. Cela revient à falsifier la scène pour qu’elle soit conflictuelle. Parce qu’on a lu que le conflit était l’essence du drame.
Il faut motiver le conflit par une intention et se demander si son personnage veut vraiment ce qu’il prétend obtenir et jusqu’où est-il prêt à aller pour se le procurer.

Les relations qui existent entre les personnages ne doivent pas non plus interdire un conflit potentiel. Le héros peut très bien être en désaccord avec un de ses alliés. La nature de la relation elle-même peut être conflictuelle. Tout est susceptible de générer un conflit. Considérons la séduction, par exemple. L’un ou l’autre veut obtenir quelque chose de l’un et l’autre. Dans la tentative de séduction, il y a conflit.
Par contre, dans l’acte sexuel qui peut s’ensuivre, il n’y a plus de conflit. Ces moments de l’histoire doivent donc être soigneusement planifiés et légitimes afin de ne pas faire seulement du voyeurisme.

Dans les duos, le conflit s’installe dans les différences sur les moyens d’atteindre au but. Les deux personnages devront apprendre à travailler ensemble pour réussir.
Le conflit est protéiforme et est relativement facile à mettre en œuvre pour inventer un bon scénario.