Il a notamment exercé sa plume pour Steven Spielberg, Don Siegel, Sydney Pollack et Francis Ford Coppola, autant vous dire que John Milius a deux ou trois trucs à nous apprendre en matière d’écriture… 😉
Dans une interview publiée par Creative Screenwriting en 2000, dont un passage a été retranscrit sur l’excellent blog Screenwriting in Iowa, le grand John Milius explique que son professeur d’écriture, Irwin Blacker, était redouté par les élèves pour son enseignement quasi dictatorial de la dramaturgie, tout en reconnaissant que cela ne représentait qu’une part infime du potentiel d’un scénario:
« Je ne peux pas vous noter sur le contenu d’un scénario. Je ne peux pas vous dire si c’est le meilleur sujet à écrire plutôt qu’un autre, en ce qui vous concerne. Et je ne peux pas vous apprendre à écrire ce contenu, mais je peux en revanche exiger que vous le fassiez avec la forme appropriée. »
Et Milius d’ajouter, au sujet de ce professeur:
Il ne nous parlait jamais de l’arc d’un personnage, ni de rien de ce genre; il expliquait simplement comment créer un bon fil narratif, structurer une bonne intrigue. Il disait: Faites ce que vous avez à faire. Soyez aussi radicaux et excessifs que possible. Optez pour n’importe quelle approche qui vous plait. Sentez-vous libres d’utiliser flash-back ou flash-forward, sentez-vous libres de coller un flash-back au beau milieu d’un autre flash-back. Sentez-vous libres d’utiliser tous les outils narratifs à votre disposition. Je pourrais vous enseigner les techniques de base en quinze minutes. Après cela, tout ne dépend que de vous. »
Je trouve ces propos de John Milius et de son mentor particulièrement justes, et cruellement d’actualité sur notre sol. Chez nous, c’est ou tout l’un, ou tout l’autre. Pendant longtemps, parce que les réalisateurs étaient considérés comme les seuls auteurs de LEURS films (et que la plupart n’avaient aucune expérience technique de l’écriture) on a totalement négligé l’importance cruciale de maitriser les règles de la dramaturgie. Cela a donné (et donne encore) naissance à tant de films sans queues ni têtes, narrativement parlant. Puis certains diffuseurs/distributeurs/producteurs ont réalisé, après un séminaire de trois jours de tel ou tel script-guru, que l’écriture de scénario repose sur des règles fondatrices. En soi, c’était une bonne nouvelle, SAUF qu’ils en ont déduit qu’ils devaient désormais se mêler, en direct ou via leur chargé(e) de développement, du contenu des scénarios IN EXTENSO, bref de ce fameux contenu qu’évoque Milius et qui ne s’apprend pas. De ce qui est de l’ordre de la créativité de l’auteur(e) du scénario et qui disparait au fil d’interventions de tiers. Résultat des courses, nos fictions deviennent formatées jusqu’à la nausée…
Et une fois de plus, ma métaphore chérie du scénariste Jedi prend tout son sens: en matière d’écriture, la vraie qualité est question de balance dans la Force. Allez expliquez cela à nos décideurs! 😉
Quelques belles leçons d’équilibre dans la Force narrative :