L’enjeu crée le désir du protagoniste

Par William Potillion @scenarmag

L’enjeu est ce que le protagoniste risque de perdre au cours de l’histoire (ou bien de gagner). Le conflit, ce que le héros veut ou encore ce que Hitchcock nommait le McGuffin (c’est-à-dire un objectif qui importe peu dans l’histoire mais nécessaire pour donner malgré tout une raison d’agir pour le protagoniste) sont utiles pour créer l’aspect dramatique d’une œuvre de fiction.

Ce qui importe le plus néanmoins est ce qui a de l’importance pour le héros. Ce qu’il est prêt à sacrifier soit pour préserver ce qui a une importance vitale pour lui soit pour obtenir cet objet qu’il poursuit afin d’atteindre une certaine complétude de son être pour enfin donner un sens à sa vie.
Pour paraphraser Hitchcock, l’objectif du protagoniste bien que nécessaire pour qu’il y ait œuvre dramatique est en fait tout à fait inutile dans le développement de l’histoire. Il permet cependant d’expliquer pourquoi (c’est-à-dire une volonté) les personnages (par exemple dans une histoire d’espionnage) sont prêts à tuer ou à mourir pour l’obtenir.

Protagoniste et lecteur en osmose

Puisque le protagoniste en tant que personnage principal est si préoccupé, voire passionné, à obtenir quelque chose et que l’on comprenne les raisons de cette passion (parfois irraisonnée, d’ailleurs), le lecteur sera lui aussi préoccupé, voire passionné, par ce qui arrive à ce protagoniste.

Le risque encouru par le personnage principal est le moyen d’exprimer les enjeux. Si le soi-disant méchant de l’histoire a trafiqué les freins de la voiture du héros, il y a effectivement danger de vie ou de mort.
Certains genres comme l’aventure, le thriller, l’horreur, les histoires de pandémie nous livrent sur un plateau la nature du risque qui menace le héros.

Classiquement, le risque se manifeste lorsque le personnage  est sur le point d’être découvert alors qu’il tente d’échapper à la menace (que celle-ci soit les forces de l’ordre, un dinosaure ou le gang qui le pourchasse).
Mais ce risque ne se limite pas seulement au risque matériel. La société elle-même peut être une menace (par exemple). Ou dans une comédie telle que Mon épouse favorite dirigée par Garson Kanin, Nick est sur le point de se remarier au moment même où sa première femme portée disparue depuis 7 ans refait surface. Et elle est bien entendu décidée à le récupérer.

Pour Nick, Ellen (sa première femme) est une menace qui cherche à contrer son objectif de refaire sa vie. C’est un enjeu important pour lui soutenu par la question dramatique de savoir si Ellen réussira ou non sa manœuvre.

La violence physique n’est pas nécessaire

C’est l’avantage d’expliciter le risque encouru par le protagoniste. Dès que le lecteur a compris la menace (c’est-à-dire ce dont est capable la force antagoniste pour parvenir à ses fins – l’antagoniste a aussi un objectif parfaitement justifié), la violence qui pourrait servir autrement à démontrer ce risque n’est plus nécessaire.

Faire montre d’une violence excessive nuit à la tension et au suspense. Pour être efficace, le suspense doit être suggéré. La tension en sera plus puissante.


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