Écrire en connaissance de cause

Par William Potillion @scenarmag

Écrire sur ce que l’on connaît n’est pas une obligation parce que sinon, nous devrions nous-mêmes être un serial killer pour écrire un thriller.
Néanmoins, avoir l’expérience ou la connaissance (par nos recherches) de ce que l’on s’apprête à raconter est définitivement un avantage.

Parce que cela nous donne non seulement du contenu pertinent mais augmente considérablement la crédibilité de notre discours.
Chacun d’entre nous est capable de communiquer ses expériences sous un angle particulier (ou un style unique). Et ce n’est pas parce que vous n’avez jamais eu l’expérience de quelque chose que vous ne pouvez pas écrire sur celle-ci.

On ne manque pas de matériel parce que nous n’avons pas vécu ce matériel. Les recherches que nous pouvons faire qui viendront se greffer sur nos expériences peuvent nous permettre d’aborder des domaines auxquelles nous ne connaissions rien il y a encore quelques jours.

L’expérience

On apprend beaucoup de notre relation aux autres. En particulier de la façon dont a évolué une telle relation. Les lieux où nous nous sommes rendus peuvent nous apporter une atmosphère que nous pouvons retranscrire dans notre monde fictif. Nos amours et nos amitiés illuminent certains de nos personnages.

Nos activités diverses, notre éducation, nos croyances… mais aussi notre expérience de parent ou de grands-parents peuvent s’appliquer dans notre histoire même si celle-ci est un domaine qui nous est inconnu.

Supposons que vous souhaitiez écrire une histoire portant sur un crime. La question dramatique est certainement : qui est l’assassin ?
De nos jours, une telle histoire fait appel à la science. Une expertise médico-légale est presque toujours présente.
Ce qui implique que l’auteur s’il n’est pas versé dans ce domaine devra apprendre les rudiments d’une telle science. Bien qu’il n’en est pas l’expérience, ses recherches lui permettront de rendre crédible les scènes où cette expertise sera nécessaire.

Cette connaissance ne sera pas cruciale dans l’intrigue. Elle est simplement formelle pour situer une telle histoire dans notre époque.
Néanmoins, si vous positionnez votre récit à une époque antérieure ou dans un contexte socioculturel différent, peut-être qu’une approche plus intuitive sera plus légitime dans la résolution de ce crime.

L’expérience ne nuit pas à l’émotion

Puisque le thriller porte sur la résolution d’un crime, on pourrait penser à ne se préoccuper que de cela. Dans ce cas, l’intrigue serait bien pauvre. La qualité d’une bonne histoire et d’un bon scénario est d’écrire sur l’émotion (ou passions).
En effet, l’importance d’une amitié ou bien la blessure d’une trahison pourrait être effectivement ce dont l’histoire parle. Le crime ne serait alors qu’un moyen de manifester cette émotion.

Ainsi, le lecteur sera certainement intéressé par la découverte du criminel. Mais ce qui le retiendra vraiment dans l’histoire, c’est comment l’enquête va affecter la vie de l’enquêteur et les dilemmes moraux que son enquête l’amène à confronter.
Cette fois, ce que va écrire l’auteur résonnera probablement avec ses propres expériences et ses propres dilemmes moraux. Il n’aura pas besoin de recherches extérieures pour écrire l’émotion. Il suffit qu’il regarde en lui.

Faire trop de recherches cependant peut nuire à notre authenticité. Un auteur peut s’engager dans un domaine (comme la vie d’un interne dans un hôpital) qu’il ne connaît pas du tout parce qu’il pourrait être effrayé de confier au papier des choses sur lui-même.
Or la révélation de soi est une des tâches de l’auteur. Si un écrit doit avoir de l’importance, lorsqu’il cherche à dénoncer par exemple une injustice ou qu’il fasse simplement le constat de quelque chose que l’auteur souhaite mettre au grand jour, il est nécessaire que cet auteur se livre à nu dans son écriture.

Se livrer à son lecteur

Si l’auteur utilise un modèle dont il ignore tout (mais qu’il va découvrir au-travers de nombreuses recherches) pour mettre en place son univers fictif, il y a de fortes chances que son être authentique soit masqué par des détails qui décrivent énormément de choses mais qui ne lui permettront pas de s’exprimer.

D’autant plus que si vous n’avez pas l’expérience véritable du domaine que vous cherchez à explorer, vous risquez de vous perdre dans le dédale des détails. Par contre, si vous possédez un formation dans le secteur que vous allez décrire, si l’aspect technique ne nuit pas à l’aspect dramatique de la fiction, c’est un avantage certain.

Cet aspect technique ne doit pas prendre le pas sur l’histoire, sur les dialogues, sur les personnages. L’émotion doit être voulue et maintenue. C’est elle qui fera une bonne histoire. La technique qui fonde le monde que vous décrivez doit ajouter un sens de réalisme pour les situations et les personnages.