Confiance et méfiance dans la relation

Par William Potillion @scenarmag

Quelque soit la relation (amants, famille, collègues…), chaque relation humaine se caractérise par un certain degré de confiance ou de méfiance.
Et l’attitude qui démontre ce degré a un profond effet sur la nature de la relation. Lorsque nous faisons confiance, nous partons du principe que l’autre ne peut nous blesser. Et qu’à notre égard, il nourrit de bonnes intentions.

Nous pouvons alors profiter mutuellement de la relation et progresser vers des buts communs. Lorsque la méfiance s’est installée dans une relation, l’inquiétude nous recouvre. En cherchant à nous protéger de cette relation ou de la contrôler, nous ne cherchons en fait qu’à y mettre un terme.
Il est difficile d’expliquer pourquoi l’on fait confiance à un être et que par ailleurs, on se méfie d’un autre. Et lorsque, par nature, nous sommes enclins à faire confiance, n’y a t-il pas des moments où nous nous sentons coupables, naïfs et peut-être remettons-nous en cause notre acceptation que nous pensons un peu trop rapide de l’autre ?

Eclairer la relation

Il est intéressant de noter que nos réponses et attitudes envers les autres (éléments visuels de la relation, très pratiques lorsqu’on écrit un scénario) permettent d’éclairer une relation, ce qui permet au lecteur de la situer dans l’histoire.

C’est comme dans nos vies réelles. Confiance et méfiance affectent ce que nous sommes amenés à croire de l’autre et comment nous allons interpréter ses actions et intentions. Et cette interprétation (ce que nous pensons d’eux) décide des réponses que nous lui donnons.
Ainsi, dans une relation, ce n’est pas l’autre en soi qui décide de nos réactions vis-à-vis de lui mais comment nous percevons cet autre.

Notre perception de l’autre, c’est-à-dire le sentiment de qui il est, de quel type de personne il est, n’est pas le fait de l’autre. La relation est ainsi fondée sur la construction de l’autre que nous faisons nous-mêmes de cet autre. Mais est-ce vraiment la vérité de l’autre que notre esprit a ainsi élaboré ?

Notre relation aux autres affectent notre vision du monde mais aussi comment nous nous percevons. Dans une fiction, on peut ainsi faire un parallèle avec l’affirmation qu’un personnage est d’abord défini par le regard de l’autre.
Car si nous construisons une image de l’autre (qui n’est pas nécessairement vraie), l’autre fait de même. Il construit une image de nous-mêmes. Ainsi, un personnage de fiction peut être exposé au lecteur d’abord par le regard des autres personnages sur lui. Un regard qui pourrait alors être biaisé par divers facteurs.

La relation personnelle

Une rencontre d’un soir n’est pas vraiment une relation. Elle peut servir à donner un indice sur un trait de personnalité d’un personnage. En revanche, une relation personnelle éclaire bien mieux, par l’interaction que nous avons avec l’autre, notre vision du monde et de la nature humaine.

Il est indéniable, néanmoins, que la confiance en l’autre est une nécessité de notre existence. Nous ne pouvons surmonter les obstacles que la vie ne laisse de jeter sur nos chemins sans un minimum de confiance en autrui (même s’il s’agit d’une toute première rencontre qui pourrait s’avérer durable).

Bien sûr, dans une relation, nous connaissons tous des déceptions. Mais celles-ci ne sont pas encore des désillusions. Quelle que soit la confiance que nous accordons à l’autre, elle représente un espoir. Et l’image positive que nous concevons de l’autre se renforce dans la durée.
Lorsque nous sommes occasionnellement désappointé par l’autre, cela ne remet pas en cause la confiance. Cela crée du conflit (élément essentiel de la fiction dramatique) mais la relation est maintenue.

Il faut une rupture significative pour mettre fin à la relation. Ce qui devient intéressant à explorer est lorsque la relation débute sur de la méfiance.
Comme il y a une dynamique dans une relation, un mouvement dialectique qui fait évoluer le rapport entre deux individus, il peut être alors intéressant de changer ce rapport dans le cours de l’intrigue (ou dans nos vies).
Nous devons garder en mémoire aussi que l’image que nous nous faisons de l’autre, quelle soit positive ou négative, a tendance à se renforcer dans la durée. C’est aussi une piste de réflexion à explorer.

Comprendre l’autre

Ce n’est possible que si nous comprenons d’abord nos propres attitudes de confiance et de méfiance. D’où vient la confiance ou bien la méfiance que nous nourrissons envers autrui ? Et comment cette attitude affecte notre réponse face à l’autre ?
Par ce questionnement, nous parviendrons à comprendre non seulement notre relation mais l’autre aussi.

De le même manière que nous concevons une image de l’autre, nous construisons aussi une image de nous-mêmes. Si nous avons suffisamment de confiance en nous-mêmes, nous tenons alors une image positive quant à ce que nous pouvons faire et certainement, nous pouvons croire en notre jugement.

La confiance en soi est un aspect important de notre personnalité. De nombreux personnages fictifs trouvent en eux cette confiance au-travers de leurs tribulations au cours de l’intrigue. C’est le cas par exemple de Luke Skywalker.
Elle est essentielle pour l’estime que nous nous portons ainsi qu’envers l’autonomie dont nous pouvons faire preuve. Une autonomie qui nous désenclave des opinions, préjugés et autres idées toutes faites qui ne nous correspondent certainement pas.

Cette confiance en soi se forge sur nos expériences. Elle s’ancre dans notre réalité. Elle est faite non seulement de notre vécu, mais aussi de nos souvenirs comme un regard vers le passé qui rêve d’avenir. Les buts que nous nous fixons et nos désirs sont foncièrement dépendants de la confiance que nous nous accordons.

Parce que pour vivre une vie qui aurait du sens soit que l’on  considère qu’elle est absurde (c’est-à-dire qu’on ne trouve aucune raison à notre existence) ou bien que l’on aspire à une vie meilleure par quelques croyances, une vie autonome et significative a besoin de se refléter sur nous-mêmes.
Nous devrions être capable de croire en l’intuition de qui nous sommes vraiment, de notre place dans le monde et de bien la tenir.

A la recherche de notre être véritable

Avoir confiance en soi, c’est reconnaître d’abord ses vulnérabilités. Nous n’en sommes pas toujours conscients. C’est précisément ce qui se passe chez nos personnages de fiction et en particulier le personnage principal.
Au début de l’histoire, le héros ne connaît pas ses faiblesses. Ou du moins, il se ment à lui-même en se les cachant et en les dissimulant aussi aux autres. Il leur renvoie une persona, c’est-à-dire une image de lui-même qui n’est pas lui.

Son arc dramatique consistera alors d’aller à la rencontre de sa vraie nature. Comment l’auteur peut-il parvenir à rendre crédible un tel état d’esprit ? Parce qu’au début de l’histoire, la situation est normale. C’est-à-dire que les choses vont comme on s’attend à ce qu’elles aillent.
Il y a une anticipation du résultat et ainsi notre confiance n’est pas trahie. Par exemple, notre enfant se rend à l’école et revient à la maison à l’heure prévue. La confiance est intacte.

Lorsque les choses se produisent de la façon dont nous assumons qu’elles doivent se produire, nous acceptons le fait et n’y prêtons aucune attention particulière. Mais ce déroulement normal des choses est fragile. Il suffit d’un grain de sable pour que le mécanisme s’enraye.
Le problème est que la routine a mis en place une confiance erronée. Car lorsque les choses vont mal (par exemple, l’enfant a une heure de retard), c’est ce moment que nous n’allons pas cesser de nous remémorer.

Et pourquoi nous sentons-nous si bouleversé ? Parce que cette confiance routinière a occulté de nombreux facteurs en qui nous aurions dû aussi avoir une confiance pour que l’enfant rentre effectivement à l’heure.
En fait la plupart d’entre nous, dans notre vie au quotidien, a plutôt tendance à faire confiance à autrui. C’est comme cela que fonctionne notre vie sur le plan social. Nous attendons de l’autre une certaine fiabilité et loyauté comme autant d’aspects routiniers de cette vie sociale.

Et pourtant, nous sommes ravagés lorsque quelque chose ne donne pas le résultat escompté. Et nous avons tendance à considérer ces moments déroutants et choquants comme si nous devions désormais nous en méfier. Nous remettons en cause une confiance qui assurait une relation saine et nous en faisons une relation toxique.

Une fausse image de la nature humaine

C’est alors que nous élaborons beaucoup trop hâtivement une image plutôt négative de la vie en minimisant et sous-estimant ce que l’autre pourrait nous apporter. Nous mettons en doute les bonnes intentions de l’autre en se fondant seulement sur un incident.

Nous oublions un peu vite que nous dépendons dans une large part des autres. Que nous sommes vulnérables aussi. Les autres n’ont pas une tendance innée à nous laisser sombrer. La confiance est ce qui soude la société. C’est ce rapport aux autres dans une société qui privilégie la compétition, la cupidité, l’animosité et la suspicion qui peut encore donner un sens à nos vies.

Dans la plupart de nos interactions avec autrui, la confiance est implicite. Bien sûr, il suffit de jeter un œil sur l’actualité pour voir que les choses vont mal. Mais la confiance dont nous sommes capables (si nous évitons de la restreindre) peut nous donner une image positive de la nature humaine et du monde dans lequel nous vivons.