Suite à la conférence de l’école de la Société des Réalisateurs de Films visible ici (où deux réalisatrices Julia Ducournau et Lucile Hadzihalilovic, et deux réalisateurs, Xaviers Gens et Julien Maury, soit quatre figures du cinéma de genre française), je me suis dit que ça serait pour le moins utile, d’évoquer la définition de « cinéma de genre« .
Parce qu’on y met tout et rien, que chacun-e finit par avoir sa définitions, et surtout c’est une appellation qui doit être remise en question, car elle participe à exclure les films qui lui sont liés.
De nos jours, ce qu’on entend généralement par cinéma de « genre », regroupe les films marginaux. De par son style, ses mises en scènes, ses effets graphiques/spéciaux, dans sa capacité de bousculer, choquer, questionner et parfois dans la manière où le financement est pensé (le producteur Jason Blum de la maison incontournable BlumHouse produit essentiellement des films d’horreur à petits budgets pour dégager un maximum de rentabilité. Il a appris de ses erreurs en refusant Le projet Blair Witch).
Le cinéma de genre est peut être le cinéma le plus renié en France, et pourtant c’est bien un Français qui a démarré l’histoire de cinéma: George Méliès avec le fameux Voyage dans la Lune (1902). Il est pourtant plébiscité aux USA évidemment, mais également en Italie, se démarquant avec le style giallo, en Espagne, qui nourrit régulièrement le cinéma de genre avec des œuvres souvent efficaces. Mais je ne développerai pas plus ce sujet, que j’évoque déjà dans cet article. Toujours est il que le cinéma de genre a un nombre impressionnant de sous catégories: le cinéma bis (qui s’inspire voire imite des modèles scénaristiques qui ont cartonné), le cinéma d’exploitation, qui vise la quantité plutôt que la qualité mais coûtant peu cher on peut vite rentrer dans ses frais. Certains films sont devenus cultes comme Evil Dead ou Bad Taste de Peter Jackson).
On a ensuite les sous catégories que j’évoque ici. Mais une fois qu’on a identifié ces films, et qu’on retourne au terme « cinéma de genre », quel sens cela a t il? La comédie n’est elle pas un genre? Le drame? Et le cinéma dit « d’auteur » c’est quoi alors? Le cinéma de genre ne peut il pas être lui aussi un cinéma d’auteur? Et qu’est qui fait qu’on considère un film comme de genre ou pas? Parce que si on prend l’exemple de l’excellent Harry, un ami qui vous veut du bien de Dominik Moll (2000), c’est un film qui s’inscrit typiquement dans le cinéma de genre: thriller inquiétant, sur fond de manipulation, qui instaure une ambiance malaisante. Et pourtant le film a été considéré plus ou moins comme un drame sombre, et a été récompensé par les Césars qui boudent généralement ce genre de film: meilleur réalisateur, meilleur acteur, meilleur son, meilleur montage. Il a en plus cartonné en salle: 2 000 000 millions de spectateurs. Est ce la présence de Sergi Lopez qui a valorisé le film?
L’horreur est un genre, le fantastique est un genre, l’action, le drame, la comédie également…et parfois ces ingrédients se retrouvent dans un seul et même film. Pourtant, un film qui aura une dominante drame ou historique sera toujours plus estimé, valorisé, qu’un film d’horreur qui pourra être également très drôle.
En France, quand un film est catalogué dans « cinéma de genre », il fait face à des difficultés d’estime, donc de financement, de distribution. Certains films arrivent à percer de par leur présentation dans des festivals spécialisés qui intéressent le monde, comme A l’intérieur d’Alexandre Bustillo et Julien Maury, et récemment Grave de Julia Ducournau. Mais même si on prend l’exemple de ce dernier, avec un budget de 3,5 millons d’euros (qui reste très peu, Jason Blum boucle des films à petits budgets à 5 millions), il n’est projeté que dans 80 salles, et avec une interdiction de – 16 ans, finit à 150 000 entrées. C’est peu mais c’est un exploit compte tenu du contexte).
Mais combien passent à la trappe? Qui a entendu parler d’Innocence de Lucile hadzihalilovic (2004)? Ou Dans ma peau de Marina de Van (2002)?
Le cinéma d’auteur a une connotation élitiste alors que si on reprend le terme « auteur », c’est un cinéma où une vision a envie d’être exprimée, de par son sujet ou sa mise en scène, et ça n’induit pas que le film est forcément réussi. Et cela peut se faire via de l’humour, comme via une violence. Pourquoi ne pas permettre au cinéma d’horreur d’être appelé auteur également? Pascal Laugier a par exemple une vision personnelle de la vengeance, du traumatisme, du fanatisme dans Martyrs (2008). Cette vision a sa place dans le cinéma français.
Par ailleurs c’est une problématique que l’on trouve dans l’animation. C’est un genre souvent associé à l’enfant, un genre feel good. A de rares exceptions comme Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud (2007), ou plus récemment Téhéran Tabou d’Ali Soozandeh (2017) ou La Passion Van Gogh de Dorota Kobiela et Hugh Welchman (2017), le cinéma d’animation peine à se faire reconnaître à sa juste valeur de long métrage. En témoigne l’académie des Césars, qui a créé une section spéciale « animation ». Pourquoi ne pas faire concourir l’animation au titre de meilleur film? C’est bien un film apriori. Et le lauréat du meilleur court métrage d’animation, l’a bien souligné à la cérémonie de 2017 en notant le mépris de la profession. L’animation ça peut aussi être subversif, et absolument pas pour les enfants.
Et ce qui est grave à mon sens, c’est que le cinéma d’horreur, fantastique..apporte des réponses à des problèmes concernant l’esprit, la douleur, l’ambivalence, l’aspect sombre qui sommeille tous-tes en nous et comment on l’exprime, on le gère, nos traumatismes historiques, nos doutes..Bref que des éléments humains qui permettent de comprendre comment une cohésion sociale est possible (ou pas). C’est un cinéma nécessaire, au même titre que les autres.
Alors les sociétés de productions, le CNC, les sociétés de distributions, les Césars? Si vous estimez plus ce cinéma en acceptant qu’il peut se mélanger à d’autres genres, il pourra aussi montrer ses preuves en salles. (D’ailleurs si vous pouviez distribué à peu près correctement Revenge de Coralie Fargeat qui doit sortir prochainement…)
Peut être un début de changement? Grave a des chances d’être nominé dans plusieurs catégories à la prochaine cérémonie des Césars.