Cette année, on est gâtés avec 2 films de Steven Spielberg en 2 mois. Et le premier à débarquer est le plus sérieux des deux. Mais sérieux ne signifie pas plombant puisque Pentagon Papers est engagé, rythmé et passionnant, du grand Spielberg !
Car si le film s’intéresse à une affaire remontant aux années 70 (la publication par le Washington Post de document mettant en lumière les manœuvres du gouvernement américain pour dissimuler le désastre de la Guerre du Vietnam, préfigurant le scandale du Watergate), c’est avant tout pour parler de notre monde actuel. Et comme ça lui arrive de temps en temps, le réalisateur se montre particulièrement engagé, sans pour autant oublier le divertissement.
En effet, à un moment où la presse est maltraitée à coups de « fake news » dans l’Amérique de Trump, et où la parole des femmes se libère et leurs revendications commencent enfin à être prises en compte, Spielberg répond par un film qui défend le pouvoir d’investigation des journalistes et qui montre comment une femme va devoir prendre une décision et importante difficile face à des hommes qui n’attendent que de la voir tomber. Le message est clair. Et cet esprit contestataire hérité des 70’s (la filiation avec les Hommes du Président est évidente) dans lesquelles Spielberg s’est forgé trouve dans Pentagon Papers une digne relève avec une fougue salvatrice.
Il faut dire que monter ce film dans l’urgence semble avoir fait un bien fou à son réalisateur qui s’amuse autant qu’à ses premières années derrière la caméra. Avec une réalisation dynamique, une gestion de l’espace et des mouvements qui imposent un rythme soutenu, Spielberg propose une plongée dans le monde de la presse qui nous donne envie de suivre chaque journaliste, chaque dossier secret, pour voir comment ce scandale va être révélé, de la salle de rédaction jusqu’à l’imprimerie. Une réalisation qui rappelle donc l’urgence du propos comme au bon vieux temps mais avec cette modernité qu’y insuffle le réalisateur qui a toujours l’envie de proposer du grand cinéma !
Et pour l’accompagner dans sa démarche, il s’offre en plus les deux acteurs plus grands et appréciés du cinéma américain contemporain, rien que ça ! Ainsi, le fidèle (5e collaboration entre les deux) Tom Hanks est comme d’habitude impeccable pour asseoir l’autorité du rédacteur en chef du Washington Post avec de bonnes punchlines. Meryl Streep, pour sa première collaboration avec le patron (après une petite voix pour A.I.) nous offre encore de quoi confirmer l’étendue de son talent avec un rôle fort. En effet, l’actrice campe la fragile (en apparence) propriétaire du Post et doit choisir entre la publication des dossiers qui permettront d’enfin faire rayonner la légitimité du journal et le refus de publier pour ne pas se mettre ses amis politiques et les investisseurs à dos. Une décision lourde de sens et qui montrera tout son courage dans un monde d’homme.
Ajoutez à ce sujet, cette mise en scène, ces acteurs, une reconstitution impeccable, un scénario bien construit, une musique entrainante de l’incontournable John Williams et vous obtenez le meilleur film de Spielberg depuis 2011 où il s’intéressait à un autre reporter, Tintin (et enchaînait aussi avec l’excellent Cheval de Guerre). La patron est de retour, alors fera-t-il le doublé avec Ready Player One au printemps ? On croise les doigts !