Après Prevenge, voici Revenge! Les deux films n’ont rien à voir à part qu’ils sont réalisés par des femmes, qu’il y a du sang, et que des personnages sont animés par la vengeance. C’est déjà pas mal finalement.
L’absurde séance qui a lieu au Katorza à Nantes, nous a fait le plaisir de projeter en avant première Revenge. C’est le premier long de Coralie Fargeat, nouvelle réalisatrice féministe de cinéma de genre. Au premier plan, la jeune actrice Mathilda Lutz (vue dans Rings).
Alors ça parle de quoi?
D’une jeune fille qui va mettre des hommes à feu et à sang après avoir été violée et laissée pour morte. Un pitch basique, de rape and revenge.
Et ça donne quoi?
Comme toutes les critiques que j’ai pu lire sur Revenge, j’évoquerai le parallèle avec Grave, de Julia Ducournau. Mais simplement pour noter que si on en arrive à rapprocher les deux films qui n’ont absolument rien à voir, « juste » parce qu’ils sont réalisés par deux femmes françaises, c’est dire le manque de visibilité des réalisatrices….(qui plus est dans le cinéma de genre). Du coup, Revenge fait aussi le tour des festivals (PIFF, BIFF…) et propulsé par l’actualité #metoo et autre #balancetonporc, le film tombe à point nommé. Et c’est tant mieux!
On n’a pas eu la chance d’avoir Coralie Fargeat en invitée, du coup j’ai visionné des présentations du film à divers festivals. Il est clair que Coralie Fargeat joue brillamment la carte du féminisme et la libération de la parole des femmes, notamment aux USA, en remerciant Asia Argento ou Ashley Judd pour leur courage d’avoir parlé.
Elle présente son film comme une métaphore de l’empowerment (la prise de pouvoir).
On peut bougonner sur le fait qu’on surfe sur un effet de mode. A vrai dire, grand bien me fasse, plus on en parlera et mieux ça sera, tant que toute cette effervescence ne retombe pas comme un soufflet.
Revenge fait clairement référence au cinéma américain, tant au niveau du décor à la Mad Max, qu’au niveau des couleurs, du ton du film volontairement décalé, très second degré. Le scénario tient sur deux lignes, c’est vraiment son traitement qui en fait un film à part. Parce que si le rape and revenge est un genre largement exploré (La dernière maison sur la gauche de Wes Craven, I spit on your grave de Steven R. Monroe, Thriller de Bo Arne Vibenius), il a toujours été réalisé par des hommes. Et contrairement à ce que je peux souvent lire, le fait que des films soient réalisés par un genre ou un autre, ça change le regard. Évidemment.
Parce que là où Coralie Fargeat a eu une idée merveilleuse (que je n’attendais plus à vrai dire), c’est de positionner son héroïne, Jennifer, comme une femme qui aime séduire, être remarquée, s’amuser. Dans la première partie, Fargeat joue à fond tous les codes de la super sexualisation du corps, en filmant de près les formes de Jennifer, s’attardant sur les regards des hommes. Et ce sont des scènes qu’on a tellement vu dans des films sexistes, que l’on est mal à l’aise. Fargeat nous force à faire face à notre slut shaming, car en tant que femme on sait que ce genre de comportement a toujours été risqué. Et en même temps, le problème c’est bien l’interprétation des hommes, de l’attitude de Jennifer finalement. Elle est libre de son corps, et de ses envies.
En 2016, une enquête a révélé que 27% des français-e-s pense que l’auteur d’un viol est moins responsable si la victime portait une tenue sexy. C’est dire si la déconstruction sur ce sujet est à faire.
Là où on voit aussi que c’est une femme aux commandes, la scène de viol fait froid dans le dos, même si elle est éludée. L’effet est finalement beaucoup plus efficace, car c’est bien la détresse de la victime que l’on entend et comprend. Notre regard n’est pas parasité par autre chose.
Jennifer ressuscite, similaire à celle de Michelle Pfeiffer dans Batman le Défi, sauf que dans Revenge ça serait plutôt les fourmis qui aident. Par la suite, son corps est toujours filmé de près, notamment lors de sa « mutation ». Mais là on voit des blessures, une hargne, un corps qui se prépare au combat (et un nouveau tatouage). Jennifer se débarrasse d’un symbole phallique, son bout de bois qui la transperce. Le personnage devient mutique, on entendra plus le son de sa voix (sauf pour crier sa douleur). Déterminée, résistante (c’est le moins qu’on puisse dire!), Jennifer ne quittera plus l’idée de satisfaire sa vengeance.
Fargeat se fait un plaisir de nous faire grincer les dents à travers quelques scènes bien gore, où l’on oscille entre dégoût et amusement, tant les scènes deviennent complètement folles.
Le final est particulièrement soigné, avec un plan séquence et une caméra qui suit de près l’agresseur, devenu traqué, nous embarquant dans un labyrinthe. De chasseur, il devient chassé, et cette impression est amplifié parce labyrinthe dans lequel lui et le spectateur se perdra.
Le film a quelques défauts, comme des sauts scénaristiques, des personnages assez simples voire caricaturaux, qui ne déclenchent pas de rapprochements entre eux et nous. Mais le but de Revenge est assumé: la rage, la hargne face aux diverses violences faites aux femmes: objectivation, rabaissement, violences verbales, physiques.
Mention spéciale au personnage de Richard, peut être le plus ambigu qui reflète la dualité de certains hommes. Adorable à l’extérieur, jouant parfaitement son rôle de mari et chef d’entreprise exemplaire. Mais particulièrement pervers à l’intérieur.
Bref un premier film maîtrisé, efficace, à ne pas louper. Et une réalisatrice à suivre.
Sortie le 7 février!