Avec Denis Ménochet, Léa Drucker, Mathilde Auneveux
Chronique : Une claque. De celles qui vous laissent engourdi quand les lumières se rallument. Avec Jusqu’à la garde, Xavier Legrand procède à la terrifiante autopsie d’un drame conjugal. Tranchante et implacable.
Il y a deux ans, son court métrage Avant que de tout perdre portait déjà les germes de ce cinéma anxiogène, entre drame social et thriller. Il racontait, en 30 minutes irrespirables, la tentative d’une femme pour fuir avec ses enfants l’emprise d’un mari violent. Jusqu’à la garde en est un prolongement. Il débute chez la juge qui doit rendre le verdict pour la garde de leur plus jeune fils. Cette scène expose sans artifice toute l’ambiguïté et la complexité de son sujet. Comment appréhender le degré de vérité chez chacun des protagonistes, mais aussi comment mesurer le poids d’une décision qui peut littéralement être une question de vie ou de mort. Les discours plus ou moins adroits des avocats, les silences, les regards vides ou apeurés, Xavier Legrand nous fait entrer d’emblée dans l’intime torturé de ce couple détruit. Son film va se poursuivre avec la même volonté d’exposer les conséquences de la décision de justice rendue peu après avec un habile mélange de proximité et de hauteur. Pour peu à peu se muer en un thriller terrifiant. La mise en scène du jeune réalisateur est chirurgicale et d’une affolante maîtrise pour un premier long-métrage. Son sens du cadre est d’une assurance remarquable, conférant à certains plans fixes une intensité effroyable. L’absence de musique additionnelle et le travail minutieux sur le son rendent l’usage du hors-champ particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit d’accentuer l’angoisse qui étreint ses personnages. Peu de mots, mais des bruits de pas, d’objets, de portes qu’on percute, des respirations…
Les effets minimalistes renforcent le sentiment d’une sourde urgence, d’une menace omniprésente, un sentiment d’insécurité permanent qui atteint son climax lors d’une fête d’anniversaire tétanisante, où les dialogues couverts par la musique sont à peine audibles, mais où les regards terrifiés en disent plus que certains cris.
Appuyé par des interprètes investis et tous épatants (Léa Drucker et Denis Ménochet, très subtils et si loin des caricatures, mais aussi le jeune Thomas Gioria, impressionnant de naturel) Xavier Legrand opère un crescendo effrayant, jusqu’à un final qui vous laissera groggy. Glaçant.
Synopsis : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.