[Berlinale 2018] “Museo” d’Alonso Ruizpalacios

Museo - affpro - © Alejandra Carvajal Dans Museo, Alonso Ruizpalacios retrace un peu le “casse du siècle” mexicain. Ici aussi, tout se déroule sans armes, ni violence ni haine, mais le butin est atypique, puisqu’il ne s’agit que de pièces de collection archéologiques de l’ère des Mayas, volés au Musée d’Archéologie de Mexico, et que ses auteurs sont des amateurs, deux copains d’enfance motivés, l’un par la possession des artefacts du Roi Pakal 1er, l’autre par la revente de ces objets pour fuir et se construire une nouvelle vie…

La première partie du film est assez savoureuse, parfaitement rythmée, truffée de dialogues percutants et de situations amusantes. On suit avec plaisir le casse rocambolesque orchestré par les deux personnages principaux, Juan (Gael Garcia Bernal) et Wilson (Leonardo Ortizgris), le soir de Noël, puis de leur tentative de revendre les objets à un riche collectionneur britannique. Mission impossible, évidemment, puisque ces pièces de musée sont parfaitement identifiées et aucun acheteur sérieux ne prendra le risque de payer pour des objets volés, surtout après le retentissement médiatique de leur audacieux cambriolage. Pour les autorités, il s’agit d’une catastrophe nationale, le pillage de la culture et du passé du Mexique, et les auteurs de ce vol doivent être sévèrement punis. Et la population, dans son ensemble, partage cet avis, à l’instar du père de Juan, qui maudit ces “hijos de putas !”.

On se dit alors que le scénario va exploiter la question de la propriété des biens culturels et historiques, évoquée en voix off dans l’introduction du film. Ces pièces de musée, originellement, appartenaient à une autre région du Mexique, celle de Palenque, et à une autre culture, celle des Mayas, exterminés par les conquistadors espagnols. Ces vestiges ont une valeur parce qu’ils constituent des morceaux d’histoire, des restes de pillages, d’exterminations massives, de déracinement… On pourrait penser que Juan et Wilson, jeunes et rebelles, essaient de donner un nouveau sens, plus politique, à leur action. Mais c’est tout le contraire qui se produit. Le cinéaste filme l’errance des deux garçons, en fuite vers Acapulco, puis exclusivement celle de Juan, qui essaie vainement de trouver une issue à cette situation compliquée. Le cinéaste ne dresse plus que le portrait d’un jeune homme essayant de quitter le carcan familial, bourgeois et traditionnaliste, couper avec ses racines pour s’affirmer et s’émanciper, afin de ne pas avoir l’impression d’être, comme ces objets de collection, un individu perdu dans la masse, prenant la poussière dans l’indifférence générale. Mais plus Juan essaie d’aller de l’avant, plus il est condamné à revenir à son point de départ, ce qui est finalement assez logique puisqu’il vient d’un quartier de Mexico nommé “Satélite”.
Le parti de muer le film en un portrait intimiste d’un jeune homme perdu se défend, mais on ne peut s’empêcher de penser que le résultat est un peu décevant au regard de promesses du début, d’autant qu’une fois le casse réalisé, le rythme retombe, les touches d’humour s’estompent pour laisser place à une gravité plombante et le propos du cinéaste s’essouffle.

L’ensemble n’est pas déplaisant, mais on a l’impression qu’Alonso Ruizpalacios, comme son personnage principal, ne sait plus trop comment se sortir du pétrin dans lequel il s’est embarqué. Il abat ses cartes au petit bonheur la chance, faisant intervenir des personnages qu’il ne développe pas suffisamment, expérimentant un peu sur l’image, un peu sur le son, mais peinant à donner à son oeuvre le petit supplément d’âme qui pourrait en faire un très bon film. Comme Juan et Wilson, le cinéaste tourne un peu en rond et finit par s‘enliser. Dommage…