[Berlinale 2018] “Damsel” de David & Nathan Zellner

Par Boustoune

Parmi les films de la compétition de cette 68ème Berlinale, nous attendions avec une certaine curiosité Damsel des frères Zellner, sans doute parce que nous ne savions pas trop ce que nous allions voir. La lecture de la note d’intention des réalisateurs promettait une sorte de western satirique et parodique, quasi burlesque, mais doté également d’une certaine profondeur. Un peu à la façon des oeuvres de Wes Anderson, en somme…

Effectivement, le début est assez séduisant : Assis sur un banc de pierres au milieu du désert, dans le Far-West américain, un prêtre (Robert Forster) et Parson Henry(David Zellner), un homme semblant sortir de nulle part, un peu paumé, en caleçons, attendent une hypothétique diligence. Le type paumé cherche à aller vers l’ouest pour prendre un nouveau départ, loin des ennuis. Le prêtre cherche au contraire à rentrer vers l’est, après s’être épuisé à essayer de convertir au christianisme des sauvages et des gens “civilisés” sans foi ni loi. Comprenant que l’attelage ne viendra pas, il se déshabille et refile toutes ses défroques à son compagnon. Puisqu’il veut entamer une nouvelle vie, voilà l’occasion… Peu de temps après, Samuel Alabaster accoste sur la côte ouest avec son fusil, sa guitare, un cheval nain Shetland et une bague de fiançailles. Il est venu chercher la femme qu’il aime, la belle Penelope (Mia Wasikowska) qui a été enlevée par des bandits. Une fois la demoiselle en détresse sauvée, il compte bien li faire officiellement sa demande en mariage. Et comme il ne veut pas trop perdre de temps avec de longs allers-retours, il engage Parson pour faire le voyage avec lui et, une fois arrivés, célébrer le mariage.

Il y a quelque chose d’intriguant et d’assez comique dans cette improbable odyssée, dans cette paire composée d’un aventurier au pied tendre et d’un faux prêtre alcoolique, qui évoque un peu le duo Don Quichotte/Sancho Panza. La mise en place de l’intrigue joue de surcroît habilement avec les codes du western en les parodiant, entre les discussions pseudo-philosophiques de piliers de saloon et la pendaison d’un “trafiquant de scalp” sur fond de chant tyrolien. On se dit alors que le film va continuer comme cela tout du long, entre discussions loufoques, péripéties drolatiques et déambulations dans les grandes étendues de l’Ouest Américain.Hélas, il n’en est rien…

Peu à peu le rythme plonge. Les dialogues se font plus rares et moins drôles. La légèreté laisse la place à la gravité, voire à une certaine pesanteur. Et, à mi-parcours, le film bascule, change de point de vue, quitte définitivement son habillage de comédie pour se muer en une sorte de réflexion philosophique sur la place de la femme dans une société machiste. Bon, pourquoi pas… On veut bien respecter ce part-pris de mise en scène. Mais encore aurait-il fallu que les auteurs aient vraiment quelque chose à dire…
Comme cela n’est pas le cas, les scènes semblent beaucoup trop redondantes, ni drôles, ni émouvantes, ni spécialement entraînantes. On s’ennuie ferme et on rumine notre frustration, le film des frères Zellner ne tenant aucune de ses promesses.
Ne restent à sauver que les images des grands espaces américains et les numéros d’acteurs de Robert Pattinson et Mia Wasikowska. Le premier cabotine un peu, mais puisque sa partie est la plus comique, on s’y fait très bien. Mia Wasikowska, de son côté, fait ce qu’elle peut, mais son rôle est tellement mal écrit qu’il n’y a rien à défendre. Aucune profondeur, aucune aspérité, rien à se mettre sous la dent…

Il est possible que certains spectateurs adeptes d’Art & Essai indie décalé apprécient le ton singulier des cinéastes. En ce qui nous concerne, c’est la déception qui domine. Damsel apparaît comme un film paresseux, manquant cruellement de fond et d’esprit. Un peu comme le Good times des frères Safdie, dans lequel Robert Pattinson s’était déjà compromis. C’est d’autant plus rageant que l’on sent que David et Nathan Zellner ne sont pas dénués de talent. Il faut juste qu’ils s’appliquent un peu plus à l’écriture et choisissent soit le format adéquat pour leurs films – on ne fait pas un long-métrage de deux heures à partir d’une trame de court-métrage, pas plus qu’on ne transforme un poney en pur-sang … –  soit un sujet suffisamment fort pour tenir en haleine le spectateur.

En détresse sur le plan purement cinématographique, cette Damsel ne mérite pas vraiment, hélas, d’être sauvée…