Après le thriller gothique "Creamson Peak" (2015), le réalisateur mexicain Guillermo Del Toro revient avec une romance fantastique multi-référencée où une femme de ménage muette tombe amoureuse d'un amphibien... Le titre semble donc adéquate (en V.O. "The Shape of Water") puisque le cinéaste explique : "L'eau prend la forme de son contenant, mais malgré son apparente inertie, il s'agit de la force la plus puissante et la plus malléable de l'univers. N'est-ce pas également le cas de l'amour ? Car quelle que soit la forme que prend l'objet de notre flamme (homme, femme, créature) l'amour s'y adapte."...
Au casting, les deux premiers rôles des "amants" sont joués par Sally Hawkins vue dans "Blue Jasmine" (2013) de Woody Allen et ayant déjà taquinée du monstre dans (2014) de Gareth Edwards, la créature amphibienne étant incarnée par Doug Jones pour sa 7ème participation avec Del Toro dont "Mimic" (1997), "Hellboy" (2004) et "Le Labyrinthe de Pan" (2006). A leurs côtés on a le plaisir de revoir Richard Jenkins qu'on avait quasi pas vu depuis "Bone Tomahawk" (2015) de S. Criag Zahler, Michael Shannon en salle en ce moment avec le film de guerre "Horse Soldiers" (2018) de Nicolai Fulstig ainsi que Octavia Spencer pas vue depuis "Les Figures de l'Ombre" (2017) de Theodore Melfi. Le contexte historique se situe en 1962 pendant la Guerre Froide, dans le fond ça accentue irrémédiablement une certaine paranoïa et dans la forme cela permet à Del Toro de soigner une esthétique sur les tons de couleur et d'offrir un style d'un gothique plus moderne. On pense parfois à "Dark Water" (2003) de Hideo Nakata mais les références sont légions, outre les films vus dans le film on pense surtout et à l'évidence au culte "L'Etrange Créature du Lac Noir" (1954) de Jack Arnold dont, finalement, il pourrait être une suite. Pour la créature pourtant, Del Toro aurait demandé à ces collaborateurs d'éviter de s'inspirer de Abe Sapien (dans "Hellboy" !) et d'éviter justement de s'approcher du design du monstre du film de Jack Arnold... On ne peut pas dire que ce soit franchement le cas, un détail...
Del Toro signe d'abord et avant out un conte, une fable aux symboles forts auquel il ne faut et on ne doit pas déroger, il faut accepter le côté merveilleux et fantastique pour plonger de toute force dans cette histoire poétique. Dans un univers aux tons bleus-verts on perçoit aussi le rouge pour deux paramètres essentiels, le sang et l'amour. La symbolique participe à l'atmosphère presque anachronique, un côté rétro nostalgique qui n'est pas pour rien aux charmes de l'ensemble. La créature est sublime, les effets spéciaux parfaits et ne se ressentent jamais ce qui nous pousse à y croire. La musique signée Alexandre Desplat est à la fois discrète et indissociable de l'onirisme ambiant. On apprécie particulièrement les détails du scénario qui évite les écueils habituels disneyiens (ici les amis ne tergiversent pas inutilement, un méchant complexe, un héros non infantilisé... etc... ). Del Toro signe sans doute un de ses meilleurs films, si la morale humaniste est un peu facile on l'accepte justement d'autant plus facilement que cette histoire d'amour est avant tout une fable qui a tout pour devenir un classique. Déjà multiprimé (Lion d'Or à Venis, Golden Globes et bien parti pour les prochains Oscars...)...
Note :