CLOUD ATLASdes sœurs Wachowski et Tom Tykwer
Je ne devais pas écrire sur ce film. J'aimais beaucoup la critique que le «key maker» de ce blog avait fait. Mais il pensait que je pourrai apporter un autre point de vue. J'ai accepté, car j'aime le travail des wachowski au delà du raisonnable. Mais je n'ai pas voulu laisser l'ancienne critique disparaître. Vous trouverez donc des morceaux de l'ancienne des critique dans celle-ci. Au final c'est notre premier travail à quatre mains.
Ce film est difficile à pitcher. Je dirai juste que l'on assiste à la vie d'Adam d'Ewing, de Robert Frobisher, de Luisa Rey, de Timothy Cavendish, de Somni-451, et de Zachri, différents destins entrecroisés, mêlés chahutés et portés par de mêmes sentiments à des époques différentes. on assiste aux mêmes combats, ceux pour la liberté, et celui du faible contre les puissants.
Ce récit est constitué de six histoires différentes avec des personnages différents, dans des périodes différentes. Elles ont pour particularité les acteurs, qui sont toujours les mêmes.Ce long métrage est un petit prodige de technicité. Il est réalisé par trois personnes, dont chacun n'a réalisé que certains segments et pour autant il y a une cohérence et une continuité. A aucun moment on ne pourrait penser qu'il y ait autant de réalisateurs, et aucun des segments ne prend le lead sur les autres.La principale raison est qu'ils jouent sur un même terrain, avec les mêmes règles du jeu. Tout est fait avec soin. Certains passages nous font penser aux précédents travaux des wachowskicomme la construction de l'image, leurs manières de filmer à travers des objets, de l'architecture, ou bien sure les scènes d'actions. C'est aussi magnifiquement souligné dans la gestion de la bande originale, à laquelle Twyker a participé.
Cependant ce film bien que fort visuellement n'a pas une identité aussi forte que bound, les matrix ou speed racer. Au contraire c'est plutôt une démonstration de talents et d'aptitudes. De la maîtrise des effets spéciaux complexes, aux plans larges magnifiques voire aux travellings sublimes, tout est maîtrisé et donne un ensemble cohérent. Les décors sont magnifiques, entre l’Écosse des années 30, le San Francisco des années 70 ou encore le Néo-Séoul magnifique de Modernité, lumineux et très froid. Le travail sur le montage est énorme. Même si un œil plus exercé percevra plus de choses que le mien. Cependant on peut dors et déjà noté plusieurs choses.Ce film est tel la cartographie des nuages, je ne me prononcerai pas sur sa fidélité envers le livre dont il est tiré, écrit par David Mitchell, mais la
musique que le personnage de Robert compose. Il y a des moments, des morceaux d'histoire plus apaisés qui succèdent à certains qui s’accélèrent, le tout finissant par un moment optimal, qui s'ouvre sur une autre phrase musicale. Sur une autre respiration. Il n'y a jamais de temps morts. Il n'y a jamais de ventre mou, dans ce film. Le rythme n'est jamais réellement le même non plus. On ne peut jamais s'ennuyer sans pour autant pouvoir s'installer. Ce travail sur l'équilibre est essentiel.
Cela est rendu possible par les transitions qui nous permettent de passer d'une séquence à l'autre. C'est un travail fait avec finesse. Vous switchez tout le film d'une période A à une période B. périodes qui n'ont aucun points communs et qui ne se succèdent jamais dans le même ordre. Les cinéastes s'appuient sur des détails en commun pour passer de l'un à l'autre. Une musique, la pluie, un texte... des détails qui deviennent des vecteurs qui nous font quitter une partie du récit et nous dépose délicatement au chapitre suivantLes sœurs wachovski et Twyker commencent leur film par une citation qui ressemble beaucoup une note d'intention. Sous la plume de Cavendish, apparaissent à l'écran les mots suivants «mon expérience en tant qu'éditeur m'a conduite à mépriser les flash-backs, les flash-forwards et tous ces artifices faciles d'écrivains. Mais je pense que vous êtes capable de suspendre vôtre patience quelques instants, vous réaliserez qu'il existe une logique à ce récit de fou». Plus que tout autre chose, c'est un mode d'emploi. L'état d'esprit dans lequel mous devons aborder ce film. Pour paraphraser un autre scénario je dirai «free your mind».
Des citations il y en aura d'autres. Des petites balises pour nous dans ce film si riche surtout autour de l'art, et de son interprétation. Il y a du Nietzche et sa vision de la philosophie
comme un art qui est portée par Somni «Il n'y a pas de vérité , seulement des interprétation» ou Robert Frobisher qui alors qu'il compose dit «que les conventions sont faites pour être transcendées». Elles apparaissent comme une des composantes majeure de ce film, une partie de son manifeste.
les maquillages,ont un rôle différent dans ce film. Les Wachowski et Twyker soignent leurs personnages, on n'en vient à jamais reconnaître les acteurs d'un tableau à l'autre. Provoquant notre surprise dès que l'on reconnaît l'un deux. Allant jusqu'à pousser la transformation à son maximum, approchant du burlesque pour amener le décalage nécessaire dans l'histoire qui nous est la plus contemporaine. Mais elles choisissent aussi des maquillages plus
avant-gardistes faisant évoluer les morphologies avec le temps. Et elles s'en servent comme du langage dans l'une des parties de l'histoire. Pour matérialiser une évolution. Sans que l'on ne sache bien laquelle au premier abord, mais la rendant si présente que l'on ne peut l'ignorer.
C'est typiquement un film où il faut lâcher prise. Se laisser mener ou l'on veut qu'on aille. Si les transitions nous désorientent. Ce n'est qu'une partie de la mécanique mis en place pour nous perdre. Chaque histoire se passe à une année donnée. Sauf qu'elle n'ait jamais explicité. Alors oui dans la majorité du temps on met les pièces du puzzle à la bonne place,mais ce n'est pas le cas de toutes. Puis il y a les détails qui apparaissent à différents moments, formant un lien ténu. Que ce soit une tache de naissance en forme d'étoile filante sur les personnages centraux du récit ou de petites choses
qui créées un lien, elles tiennent les spectateurs, car on ne comprendra le récit et ne découvrirons ce que le film veut nous dire qu'à la fin.
Les personnages ont un rôle central dans la construction du récit. Et comme tout dans ce film, c'est un peu plus riche que dans d'autres circonstances.Chacun des personnages apportant ou illustrant une notion importante dans l’œuvre des wachowski. L'un des points le plus frappant étant la réincarnation. Si l'idée même de la réincarnation est évoquée ne serait ce que par les différents rôles que peut tenir un seul acteur. On ne peut passer à coté des similitudes que l'on voit dans les six histoires.Commençons par les deux couples que l'on voit renaître encore et encore au fil du scénario. D'abord celui que
forme un Tom Hanks, multi facettes, et qui semble beaucoup s'amuser. Et une Halle Berry, qui déploie tout son talent et sa grâce pour illuminer et donner une autre dimension à ces couples. On peut noter une dynamique assez semblable. Elle est en quête. Il est sur son chemin. Il prend un risque pour elle. Et il va vers autre chose. Mais dans chaque histoire , lorsqu'ils ne se trouvent pas. Ils sont malheureux et lui au moment de faire des choix glisse immanquablement du coté obscur.Ils forment un ying-yang. C'est la somme des deux qui leur permettent d'avancer, de se transcender, voire seulement de prendre les bonnes décisions.
Le second étant celui formé par Jim Sturges, qui ici est toujours touchant et toujours très juste, et la tout aussi émouvante Doona Bae, qui est mon coup de cœur du film. Elle incarne brillamment la délicatesse et la force. Elle est sublime. Ce couple
montre à quel point un amour fort et sincère peut bouger des montagne. Vous transcender et vous rendre plus fort. Il vous rend capable de tout affronter. Ils forment le couple emblématique du néo-séoul. Ils sont incroyablement touchants. Il y a dans ce passage un des moments les plus sensuel et romantique que j'ai pu voir au cinéma.Je ne peux que les rapprocher du couple que forment Ben Winshaw et James d'arcy. Qui incarnent l'amour interdit. Pour moi c'est l'histoire bouleversante de ce film. Elle noue nos entrailles. Les acteurs sont absolument bouleversant tant leurs jeux sont épurés. Ne mettant en valeur que la force de leurs sentiments. Ce couple et l'amour de Sixsmith pour Frobisher donne naissance à la «cartographie des nuages».
Ou comment transcender un interdit social par l'art, et en faire la plus jolie chose du mondePour moi c'est deux duos symbolisent ce que peut amener l'amour et ce qu'il révèle de nous et en nous.D'autres acteurs ont des rôles beaucoup plus facile à décrypter. C'est ainsi que Susan Sarandon semble faite pour interpréter ces rôles. Elle est la caution spirituelle, quelque soit le moment de l'histoire. Voire la femme de la caution officielle mais en tellement plus efficace.Keith David, tout charisme dehors, est le karma. Là pour aider lorsque l'on le mérite et quand on en a besoin. Il est porteur d'une vérité.Hugh Grant toujours entre deux cabotinage est le visage policé du mal. Toujours avenant pour planter un couteau dans votre dos. Et ce sont les personnages interprétés par Hugo Weaving, toujours aussi génial, qui tiennent l'arme. Il est le bras armé.David Ayani incarne les choix que l'on a à faire. Les grandes décisions de nos vies.J'ai eu beaucoup de mal à trouver quelles valeurs et de quoi était porteur Jim Broadbent. Il est celui qui édite le récit, celui qui parois l'écrit, il est le capitaine d'un bateau, un prescient. Il est un vecteur de connaissance. Parfois bon, parfois moins.Il y a énormément de thèmes abordés et je ne pourrai pas écrire sur tous. Mais ils se rejoignent tous dans une quette, celle de la liberté. Le droit d'aimer, de créer, de vivre, d’être égaux... et si je me refuse de parler de la fin de ce film que j'espère que vous découvrirez. Je peux parler de l'amertume du constat que dresse les sœurs wachowski et Tykwer. On ne retient jamais les leçons du passé et peu importe qu'il y ait des hommes ou des femmes de bonnes volontés, le
progrès n'est pas garant de liberté et d'évolution. Mais que quelque soit ce qui se passera ces hommes et ces femmes trouveront le moyen de transcender les oppressions.
Ce film est d'une richesse infinie et d'un esthétisme léché, son scénario se tient, et pose énormément de question. C'est un film unique. Et un travail qui touche à la perfection