Ramen Teh, le nouveau long-métrage du singapourien Eric Khoo, appartient clairement à la deuxième catégorie. Il s’agit d’une chronique familiale émouvante dans laquelle l’art culinaire a une importance particulière, puisqu’il permet au personnage principal de réveiller des souvenirs d’enfance et de renouer le contact avec certains membres de sa famille.
Kazuo (Tsuyoshi Ihara) travaille dans le restaurant de son père, spécialisé dans les ramens (une spécialité japonaise, à base de nouilles dans un bouillon de viande ou de poisson), mais le coeur n’y est plus vraiment. Il a envie de s’émanciper, réaliser ses propres recettes et découvrir par lui-même d’autres horizons culinaires. D’autant que, depuis la mort de sa mère, son père s’est replié sur lui-même, cadenassant ses émotions et limitant au maximum les échanges avec les autres. Mais quand celui-ci meurt subitement, le laissant orphelin, Kazuo décide de remonter le cours de l’histoire familiale, là où tout a commencé, à Singapour.
C’est là que ses parents se sont rencontrés – avec la cuisine comme arme de séduction, bien sûr – et qu’ils l’ont conçu. Et c’est là qu’il revenait de temps à autres, pour rendre visite à son oncle, qui leur préparait un bouillon aux arômes exquis, qui lui évoquent irrésistiblement le souvenir de sa mère. Aidé par une blogueuse culinaire qui vit à Singapour, il cherche donc à retrouver cet oncle qu’il n’a pas vu depuis près de vingt ans, pour qu’il lui apprenne la fameuse recette et lui parle de l’histoire de leur famille, assez complexe, comme il va le découvrir.
L’histoire d’amour des parents de Kazuo s’inscrit en effet dans un contexte compliqué. Non seulement ils venaient de deux pays différents, parlant des langues différentes, mais en plus ces pays étaient en guerre peu de temps auparavant, durant la 2ème Guerre Mondiale, ce qui a généré des haines farouches et de la rancoeur.
Mais de l’eau a coulé sous les ponts et Kazuo, citoyen d’un monde décloisonné par le biais d’internet et de la globalisation des échanges commerciaux, va tout faire pour rassembler sa famille éclatée et faire fusionner les saveurs associées à son histoire, ses racines.
Le cinéma d’Eric Khoo est lui-aussi le fruit de ses diverses influences cinématographiques. Une bonne portion de Kore-Eda, une pincée de Naomi Kawase, un peu d’Ang Lee, le tout mélangé avec la poésie de l’auteur de My Magic… Cela fait de Ramen Teh une oeuvre tendre et nostalgique, qui fait à la fois saliver les papilles et travailler les glandes lacrymales. Si, esthétiquement, il ne s’agit pas du film le plus beau de la 68ème Berlinale, c’est sans conteste le plus émouvant.