[Berlinale 2018] “Aga” de Milko Lazarov

Aga - affpro - © Kaloyan Bozhilov Aga est un film très contemplatif, qui décrit le quotidien difficile d’un couple de nomades âgés, vivant seuls, coupés du monde, dans les grandes étendues glacées de la Iakoutie, au nord de la Sibérie, dans l’une des zones réputées les plus froides de la planète.
L’homme, Nanook (Mikhail Aprosimov), part chaque matin avec son chien et son traîneau en quête de nourriture. Il relève les pièges à gibier ou creuse la glace en quête d’eau potable et de poissons. Pendant ce temps, son épouse Sedna (Feodosia Ivanova) tisse les filets de pêche, tanne les peaux de renards des neiges et confectionne des vêtements chauds pour affronter les conditions climatiques extrêmes.
Leur seul lien avec le monde extérieur est un jeune homme, Chena (Sergey Egorov), qui vient de temps à autres leur apporter du bois et du fuel. Il leur donne aussi des nouvelles de leur fille Aga (Galina Tikhonova), qui travaille dans la gigantesque mine de diamants à ciel ouvert de Mirny. On comprend que Nanook est fâché depuis longtemps avec sa fille et que cela tient probablement au fait que la jeune femme a souhaité s’affranchir des traditions familiales et du nomadisme pour adopter un mode vie citadin et sédentaire. Elle n’est pas la seule à avoir déserté. A vrai dire, la plupart des tribus nomades ont vu leur population diminuer, de nombreux individus préférant aller là où ils peuvent vivre décemment de leur travail. Nanook et Sedna semblent être les derniers représentants d’un monde en voie de disparition.

Eux-mêmes sont en fin de parcours. La femme de Nanook sait que sans son mari, elle ne pourra pas survivre longtemps dans ce désert de glace ouvert à tous les vents. Or le vieil homme commence à décliner physiquement, mais aussi mentalement, comme en attestent ses pertes de mémoire de plus en plus nombreuses. Lui non plus ne pourrait plus vivre comme cela si elle venait à partir la première. Aussi, Sedna estime qu’il est temps de pardonner à Aga et renouer le contact avec elle avant qu’il ne soit trop tard.

Grâce à cette chronique familiale émouvante, Aga échappe à ce que l’on pouvait redouter un peu au cours de la première moitié du film, une simple chronique naturaliste, façon “Cinémas du Monde”, offrant de très belles images, mais n’apprenant guère plus de choses sur les peuples nomades que de très bons documentaires comme La Nuit nomade ou Les Orphelins de Touva.
Milko Lazarov réussit à nous émouvoir grâce à un final bouleversant, au coeur de la mine de Mirny, gigantesque cratère symbolisant la percée de la civilisation sur la nature sauvage, l’opposition d’un modèle économique pillant les ressources du sol et d’une existence plus rudimentaire, minimaliste, un ulcère gigantesque sur les terres ancestrales, faisant mourir les nomades à petit feu.
Une fin sublime pour un bien joli film, qui clôt en beauté ces deux semaines de projections officielles.