La vacherie est aussi ancienne que la critique et on peut prendre plaisir à lire la démolition en règle d'une œuvre pour peu qu'elle soit l'œuvre de plumes talentueuses. Souvent les critiques les plus féroces sont ou sont devenus artistes eux-mêmes et ces dézinguages relèvent de l'exercice de style et de l'obligation critique puisque comme l'écrit Beaumarchais " sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur. " En s'en prenant à des formes d'art perçues comme dominantes la critique vacharde est une arme utile pour promouvoir des genres ou des cinéastes que la critique " officielle " brime. Cet esprit féroce, mais drôle, a aussi coïncidé avec l'éclosion à la fin des années soixante d'un nouvel esprit satirique qui de Hara-Kiri aux Nuls va irriguer toute la pop-culture, et donc accompagner l'essor du film de genre avec les critiques de Mad Movies ou de Starfix. Ainsi c'est sans doute parce que toute une génération a été biberonné à cet esprit que la critique négative me semble être devenu le mode d'expression par défaut dans la nouvelle presse cinématographique et de l' "internet cinéphile " (blogs , sites, réseaux sociaux et tutti-quanti). Il me semble ne plus voir que très rarement des critique positives d'un film, d'un genre ou d'un auteur qui ne s'accompagne du dénigrement d'un autre.
Je ne me fais pas ici l'avocat d'une critique " bisounours " qui dirait du bien de tous les films et chercherait à tout pris y compris dans le nanard le plus fumeux, le blockbuster le plus vulgaire ou le film auteurisant le plus prétentieux des qualités rédemptrices. On évalue bien-sûr chaque film selon sa sensibilité, sa subjectivité et il est normal de se montrer sévère face à une œuvre qu'on estime médiocre. C'est plutôt l'utilisation systématique de la comparaison et du dénigrement d'un film pour en valoriser un autre qui me semble la tendance la plus agaçante. Il y a le sentiment pour certains d'une hiérarchie des opinions qui s'affrontent dans une compétition permanente. On se retrouve ainsi face à des " écuries " où pour défendre ce qui est perçu comme être " son champion " plutôt que de mettre simplement en avant ses qualités, on se doit de dénigrer ceux que l'on perçoit être ses " concurrents ". Bien entendu cette férocité assumée s'accompagne souvent d'une grande susceptibilité quand on touche à quelques noms qui concentrent toutes les vertus et confèrent une infaillibilité à leurs œuvres, sur lesquelles en revanche il serait déplacé d'émettre la moindre réserve.