Si Detroit n’est injustement pas nommé aux Oscars cette année, il y a 50 ans, la cérémonie a par contre récompensé Dans la Chaleur de la Nuit. L’occasion de revenir sur ce film engagé de Norman Jewison avec Sidney Poitier.
Au début des années 60, Norman Jewison commence à se faire connaitre, enchainant les tournages (notamment le Kid de Cincinnati avec Steve McQueen) avec des films de commande. Cependant, il commence petit à petit à prendre un virage plus politique pour Hollywood et c’est ce qu’il va directement faire avec Dans la Chaleur de la Nuit. Un film policier porté par Sidney Poitier (encore auréolé de son oscar, le premier pour un acteur noir, pour Le Lys des champs), en pleine période de troubles puisque les événements de Détroit ont lieu cette même année 67.
Dans la Chaleur de la Nuit adapte donc le roman de John Ball et s’intéresse à un officier de police noir du nord des USA, Virgil Tibbs qui rend visite à sa mère dans une ville du sud des US où les habitant sont bien plus racistes et intolérant. Alors qu’il est sur le départ, il est arrêté pour meurtre. Mais dès qu’il révèle être policier, il va alors faire équipe avec les forces de l’ordre locales pour trouver l’assassin. Une enquête plus complexe qu’il n’y parait et pour laquelle faire équipe ne sera pas simple.
Une intrigue policière standard …
Très clairement, l’intrigue policière ne sera pas forcément le grand atout de Dans la Chaleur de la Nuit. Car finalement, de rencontres en fausses pistes jusqu’à la résolution finale et la révélation du coupable, l’ensemble est assez mécanique même si tout de même raconté avec une certaine efficacité. Côté mise en scène, Norman Jewison ne fera pas d’éclat, restant assez simple pour faire avancer son récit sans trop de fioriture, même si il ose parfois, avec une fouille de voiture en caméra subjective notamment.
… transcendée par son discours engagé
Non, ce qui va vraiment être intéressant avec ce film, c’est évidemment son discours engagé. En confrontant un flic noir à la population raciste du sud des Etats-Unis, il en ressort une dramaturgie particulière. Tout d’abord en le confrontant avec un flic détestable (Rod Steiger récompensé par l’oscar du meilleur acteur pour ce rôle) qui va petit à petit gagner en tolérance, puis avec les habitants de la ville qui, qu’ils soient blancs ou de couleur, ont tous des raisons de vivre ainsi, d’endurer ou faire endurer cette haine raciste et finalement sont tous plus complexes.
Évidemment, ce discours est aussi formidablement porté par Sidney Poitier qui met tout son charisme au service de ce personnage toujours droit dans ses bottes et irréprochable mais qui n’hésite pas à répliquer par les mots ou par la force lorsque le besoin s’en fait sentir ou que la provocation est bien là. Un personnage fort et presque iconique donc, que l’on continuera ainsi à suivre dans 2 autres films (Appelez-moi Monsieur Tibbs et l’Organisation).
Ajoutez à cela l’ambiance sonore impeccable de Quincy Jones et le titre de Ray Charles et vous obtenez donc bien un film militant qui, entre l’ancien et le Nouvel Hollywood se fait sa place et dont le discours est même encore d’actualité comme on le voit encore. Il n’est donc pas étonnant que Dans la Chaleur de la Nuit récolte en 1968 5 oscars dont le meilleur film et scénario adapté.