Il y a quelques 2000 ans, Aristote proposait que toute fiction devait avoir un début, un milieu et une fin. Depuis ce temps, cette notion a évolué en l’idée largement répandue qu’une histoire complète (qui fasse sens) devait avoir trois actes.
Une histoire complète n’est pas une histoire terminée. Lorsqu’elle est complète, une histoire ne présente aucune incohérence, aucun manque. Elle est véritablement un tout.
Sommaire de tous les articles :
DRAMATICA : LA THÉORIE EXPLIQUÉE
L’acte Un met en place les possibilités narratives. les possibles dramatiques. L’acte Deux met en scène la confrontation de ces potentiels dramatiques et l’acte Trois décrit comment tout cela se termine.
La progression en trois actes
Dramatica a une vue en quatre actes. La progression en trois actes semblent ne pas pouvoir s’accorder à la théorie. Et pourtant, les deux fonctionnent main dans la main.
Une intrigue qui couvre quatre actes génère trois différentes transitions comme le sujet de chaque acte change en passant de l’un à l’autre.
Imaginez que la ligne dramatique qui couvre l’intrigue soit un voyage de quatre étapes.
Au début du voyage est le point de départ : City « A ». A la fin de la route est la destination : City « D ». Au long de la route se trouvent City « B » et City « C ».
La première patte Journey #1 débute à City « A » et se clôt à City « B ». La seconde patte débute en « B » et se termine en « C » et la dernière commence en « C » et se termine à la destination.
A chaque City, il y a un repère, un indice, quelque chose qui indique le nom de cette City (« A », « B », « C » ou « D »). Cette notion est reconnue dans le vocabulaire Dramatica comme Signpost.
Dans cet exemple d’une ligne dramatique qui s’étend d’un point A à un point D (point de départ et point d’arrivée), les quatre Signpost sont identifiés comme les types [Classe, TYPE, Variation de type et élément de caractérisation].
L’ordre dans lequel ils apparaissent dans l’intrigue déterminent où ils se situent le long de la route. Entre ces quatre Signpost, on distingue trois parcours qui joignent deux points de l’intrigue.
Nous pouvons prendre comme exemple que les 4 Signpost seraient Learning, Understanding, Doing et Obtaining. Ainsi, les trois parcours seraient Journey #1 : Learning -> Understanding ; Journey #2 : Understanding -> Doing ; Journey #3 : Doing -> Obtaining.
Avec 4 Signpost et trois parcours, chaque ligne dramatique d’une intrigue possède 7 appréciations progressives différentes et les étapes décrites doivent être parcourues nécessairement pour que la perspective décrite par la ligne dramatique soit totale (totalement explorée).
Pour rappel, l’appréciation progressive est la réception et l’interprétation par le lecteur de ce qui se passe dans l’intrigue. C’est un mouvement. Alors qu’une appréciation statique est en quelque sorte l’état des lieux de l’intrigue (comme par exemple de situer l’intrigue en temps de guerre). L’appréciation statique ne renvoie pas une action qui s’inscrit dans un processus. Elle donne plutôt une image figée.
Lorsque Aristote découvrit un début, un milieu et une fin, il voyait le Signpost A, les trois parcours réunis ensemble et le Signpost D. Lorsque les générations d’auteurs qui lui ont succédé ont travaillé sur cette structure en trois actes, il devint très difficile de déterminer précisément ce qu’il se passait dans l’acte Deux puisque les trois parcours et deux des Signpost étaient fusionnés en un milieu.
A contrario, en adoptant une structure en quatre actes qui coïncide avec trois actes dynamiques, la véritable nature d’une ligne dramatique est bien plus facile à comprendre et à construire.
Dans la terminologie de Dramatica, il y a cette notion de Dynamics.
Dynamics désigne les forces dramatiques qui vont orienter l’histoire dans une direction précise.
La puissance d’une histoire émane de deux sphères. La première de celles-ci représente les possibilités narratives qui existe chez les personnages, l’intrigue et le thème.
La seconde sont ces forces dynamiques (Dynamics) qui vont agir sur les possibilités narratives (leur donner forme en quelque sorte) et qui changeront les relations qui existent entre les personnages, orienteront l’intrigue dans une direction différente et développeront le thème alors que l’histoire se déploie.
Pour Dramatica, les choix de l’auteur entre des forces contradictoires telles que Succès ou Echec ou bien de changer sa personnalité ou non détermina la dynamique qui va œuvrer sur l’histoire.
Les séquences
L’appréciation que le lecteur fait des thèmes qu’il reconnaît dans une histoire peuvent être orientées davantage vers les personnages ou bien en rapport avec l’intrigue ou encore appartenir fermement au genre de l’histoire.
Comme il est toujours plus facile de comparer quelque chose de nouveau avec ce que nous connaissons déjà, les actes tels que les conçoit Dramatica en terme d’appréciations progressives sont ce qui se rapproche le plus de l’intrigue. Ce sont donc les types qui façonnent ces actes à l’intérieur d’une ligne dramatique.
Les séquences quant à elles se produisent au niveau des variations de type. Et les variations de type sont les notions qui expriment le mieux le thème (tout comme le concept Range) sauf que les séquences s’inscrivent dans l’appréciation progressive alors que Range se situe dans l’appréciation statique.
Qu’est-ce qu’une séquence pour Dramatica ?
Les séquences n’échappent pas au principe fondateur de Dramatica : la quaternité.
Alors que les actes sont réglés par une quaternité de types, les séquences le sont par une quaternité de Variations de type.
La quaternité utile dans ce cas est celle qui décrit Range parce que Range est au cœur thématique de la ligne dramatique (dans chacune des quatre lignes dramatiques précisément).
Je vous renvoie à
DRAMATICA : LA TH�ÉORIE EXPLIQUÉE (57)
pour une première approche du concept Range.
Si nous reprenons l’exemple de la ligne dramatique de l’Objective Story à laquelle nous avons assigné la classe (ou Domain) Physics avec un Concern de Obtaining, nous considérerons pour cet exemple que Range est décrit par Morality.
Nous avons ceci dans la charte graphique :
Vous avez compris que chaque entrée dans une quaternité possède son propre contrepoint (Counterpoint dans le dialecte de Dramatica). Puisque Range se vêt de Morality, son contrepoint sera Self-interest.
Le thème est essentiellement dérivé de l’équilibre entre deux objets. D’où l’importance d’expliciter sans parti-pris ces deux objets avant que d’énoncer son message lors du dénouement.
Donc, lorsque nous reprenons la quaternité ci-dessus qui explicite Range, nous pouvons observer que Range et son contrepoint forment une paire.
Je vous renvoie à cet article pour un premier aperçu des paires chez Dramatica :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (20)
Il existe donc dans une quaternité 3 sortes de paires qui peuvent être explorées : Dynamic, Companion et Dependent. Tout comme pour les quaternités qui sont utilisées pour les personnages et leurs relations, nous pouvons donc obtenir deux paires en diagonale, deux paires horizontales et deux paires verticales en combinant les variations de type dans la quaternité attribuée à Range (c’est l’auteur qui décide avec quelle quaternité il réglera Range, ce n’est pas Dramatica).
Dans la quaternité qui contient Morality, nous pouvons donc former 6 paires. Chacune de ces paires ajoutent de la signification à la valeur relative entre Morality et Self-interest. Et c’est seulement lorsque les 6 paires auront été explorées par l’auteur que son argument thématique sera établi sans incohérences , ni manques.
Par exemple :
Morality / Self-interest
L’auteur pourrait ainsi déterminer lequel de ces deux concepts est le meilleur en l’illustrant par son propre matériel dramatique.
Morality / Attitude
C’est une paire Companion. La paire Companion permet de développer, d’amplifier mutuellement les deux arguments qu’elle contient.
Ainsi, puisque dans notre exemple, Morality est au cœur du problème d’une des lignes dramatiques, l’auteur peut donner l’occasion à son lecteur de juger l’attitude des personnages qui suivent aveuglément cette Morality (du moins le matériel dramatique qui rend concret le concept de Morality).
Morality / Approach
Cette fois, il s’agit d’une paire Dependent. La paire Dependent établit un contraste. Cette fois, l’auteur offre à son lecteur la possibilité de juger l’approche des personnages qui suivent Morality. Par exemple, deux personnages pourraient avoir une approche (ou une compréhension différente) de principes moraux qu’ils appliquent dans leurs décisions et choix de vie.
Self-Interest / Attitude
La démarche est sensiblement la même que lorsque Morality est le problème en train d’être examiné. Comment jugeons-nous l’attitude des personnages qui épousent Self-interest dans leurs personnalités ?
Self-Interest / Approach
Comment est perçu l’approche adoptée pour faire montre de Self-interest (comme un personnage fondamentalement égoïste, comment cet égoïsme se manifeste-t-il ?)
Attitude / Approach
C’est une paire dynamique, source de conflit potentiel. Cette paire permet à l’auteur d’expliquer ce qui a le plus de poids dans son histoire. L’attitude ou l’approche de ses personnages ?
Ces 6 questions que soulève ces paires et qui sont véritablement dramatiques seront répondues dans ce qu’on peut appeler une séquence thématique (dont les réponses n’ont nul besoin d’être exposées chronologiquement).
Gardez en tête que le scénariste établit déjà un premier montage lors de l’écriture. Cela donne une idée aux éventuels réalisateur et monteur sans toutefois empiéter sur leurs espaces créatifs respectifs).
Et si le réalisateur est l’auteur de son propre scénario, cela ne présage pas non plus de son montage définitif.
Comment fonctionne ces réponses ?
En comparant la valeur absolue des concepts Morality et Self-interest et en les argumentant par l’impact des 6 valeurs relatives.
Nous continuerons l’étude des séquences dans le prochain article.