Un grand merci à Rimini Editions pour m’avoir permis de découvrir et de chroniquer le DVD du film « La garçonnière » de Billy Wilder.
« Je voudrais aller en ascenseur avec elle jusqu’en Chine »
C.C. Baxter est employé à la Sauvegarde, grande compagnie d'assurance. Dans l'espoir d'un avancement il prête souvent son appartement à ses supérieurs qui y emmènent leurs petites amies. Un jour le chef du personnel le convoque et lui apprend qu'il sait tout et lui demande aussi sa clé. Baxter est enfin promu. Mais ce qu'il ignorait c'est que le chef du personnel emmenait dans son appartement la femme dont il était amoureux.
« On voit une fille deux fois par semaine pour se distraire et d’un coup elle se met à imaginer que vous allez quitter votre femme. Reconnaissez que ce n’est pas chic »
Le cinéma de Billy Wilder demeurera toujours un modèle de légèreté et de truculence. Avant tout grâce à son sens inouï de l’ironie et à un amour sans borne des bons mots qui lui ont toujours permis de tourner en dérision jusqu'aux situations les plus dramatiques. A l'image de « La scandaleuse de Berlin » où il parvenait à broder une formidable comédie au cœur du Berlin en ruines de l’après-guerre. Après une décennie de succès (« Stalag 17 », « Sabrina », « Sept ans de séduction », « Certains l'aiment chaud »...) il aborde les années 60 avec une comédie de mœurs volontiers plus sombre, « La garçonnière », dont le sujet lui fut inspiré lors du visionnage du « Brève rencontre » de David Lean en 1948. Mais compte tenu du poids écrasant du Code Hays et de la censure il reporta maintes fois la mise en chantier de son projet. Jusqu'a le tourner en 1959 dans des conditions un peu mouvementées : l'acteur Paul Douglas qui devait jouer le riche patron meurt quelques semaines avant le tournage et fut finalement remplacé au pied levé par Fred McMurray. Quant au couple Jack Lemmon et Shirley Mclaine, il fonctionnera tellement bien que Wilder le reconstituera quelques années plus tard sur « Irma la douce ». Le film remportera ainsi cinq oscars (dont meilleur film et meilleur réalisateur) et sera même adapté quelques années plus tard a Broadway sous le titre « Promises, promises ».
« Pour quelle raison je n’arrive pas à aimer un garçon tel que vous ? »
Comme son nom l’indique, « La garçonnière » sera le lieu central du film de Wilder. Un endroit en apparence anodin puisqu’il s’agit de prime abord du petit appartement d’un modeste comptable célibataire. Mais le soir venu, en secret, celui-ci le met à la disposition de ses supérieurs pour y abriter, loin des regards indiscrets, leurs joyeuses frasques adultérines. Avec le secret espoir de prendre du galon pour service rendu. Jusqu’à ce que son grand chef n’y amène un soir la jeune et jolie liftière dont il est secrètement amoureux. Wilder revisite ici pour l’occasion le concept du triangle amoureux sur fonds de luttes de classes. Car derrière la dimension romantique de son récit, Wilder signe avant tout une satire sociale acide, véritable critique non-voilée des mœurs et de l’hypocrisie de la bonne société WASP américaine. Une caste dominante et privilégiée, abritée derrière une façade de bien-pensance et de respectabilité mais qui en fait se comporte aussi mal - si ce n’est plus - que l’américain moyen qu’il traite au demeurant entre mépris et condescendance. A l’image de la façon dont Sheldrake traite l’innocente Fran comme une prostituée en la payant. Ou pire encore, la façon dont il licencie sa secrétaire et ex-maitresse telle la servante qu’on répudie après l’avoir troussée. Car au final, derrière l’apparente joyeuseté du machisme et des incartades de ces messieurs - les rires, le champagne, la musique - la chair se fait triste et ce sont les femmes qui s’avèrent être les vraies victimes, payant le lourd tribu de la désillusion et de l’irrespect. Mais comme toujours, Wilder sait merveilleusement bien désamorcer le drame en insufflant à son récit ce qu’il faut de malice, d’humour et de fantaisie, grâce notamment à l’abattage du merveilleux Jack Lemmon. Et de nous rappeler, lorsque nous ne nous y attendions plus, que l’amour est toujours possible, dès lors qu’on arrête de le sacrifier sur l’hôtel de l’ambition et de l’ascenseur social. Une merveille de comédie romantique sophistiquée et douce-amère, qui ouvrira la voie à un sous-genre cinématographique dont le « Diamants sur canapé » de Blake Edwards l’année suivante sera le digne héritier.
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Le DVD : Le film est présenté en version restaurée dans un nouveau Master Haute-définition, en version américaine (5.1 et 2.0) ainsi qu’en version française (2.0). Des sous-titres français sont également disponibles.
Un second et riche DVD est exclusivement consacré aux bonus, à savoir une conversation entre Mathieu Macheret et Fréderic Mercier, journalistes (46 min.), un entretien avec Didier Naert, peintre et architecte (26 min.), une interview de la comédienne Hope Holiday (13 min.), le module « Le couple imparfait » : essai de David Cairns, critique et réalisateur (20 Min.), L’art de Jack Lemmon (13 min.), À l’intérieur de La Garconnière (30 min.) et des Bandes-annonces. Un livret consacré au tournage du film vient compléter cette belle édition.
Edité par Rimini Editions, « La garçonnière » est disponible en DVD ainsi qu’en blu-ray depuis le 27 février 2018.
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