Avec Dramatica, il faut que l’auteur comprenne l’infrastructure de son œuvre. Tout ne peut être un jeu d’apparences. Et la superstructure sera plus facile à mettre en place si l’on décèle la magie qui se cache sous les choses.
Evidemment, Dramatica ne parle pas de magie. Pour la théorie, il s’agirait plutôt de mécanismes secrets. Ce sont des arcanes que seul l’auteur perçoit. Son lecteur aura une expérience bien plus immédiate de l’histoire qu’il raconte.
L’analyse d’une histoire pour Dramatica se décompose en quatre niveaux. Cette résolution va jusqu’à la scène. Mais avant de parvenir à celles-ci, il existe de nombreux concepts que l’auteur manipule parfois sans le savoir. Et chacun de ces concepts a une finalité bien spécifique dans la construction d’une histoire.
Nous sommes bien obligés de limiter notre appréciation (c’est un terme du vocabulaire de Dramatica qui signifie la compréhension qui se veut totale d’une histoire) de ce qui est en train de se passer dans l’histoire afin de pouvoir distinguer les choses dans le désordre apparent.
Les scènes
Avant de pouvoir se saisir du mécanisme de la réelle fonction des scènes, il faut prendre conscience des forces qui tendent à obscurcir cette fonction et en quelque sorte en dépouiller le projet pour révéler le mécanisme (comme dans tout dans la vie réelle, les auteurs doivent posséder ce geste critique qui questionne et Dramatica ne doit pas y échapper) qui se cache en dessous.
Résolution et séquence
Nous avons vu dans les articles précédents que Dramatica définissait une intrigue par les types (que l’on retrouve dans la charte graphique). Cette intrigue possède aussi une résolution qui permet de l’analyser en Actes, Séquences, Scènes et �Événements.
Cette appréciation des choses du texte sont toutes valides en regard de ce que l’on cherche à un moment donné de l’élaboration de ce texte. Aucun point de vue spécifique ne peut décrire complètement le modèle proposé par Dramatica.
La charte graphique est conçue comme un Tout et son aspect holographique représente le principe holiste qui sert de base à la théorie.
Alors qu’il est utile de penser l’intrigue qui se joue dans une ligne dramatique en termes de types, il faut bien reconnaître que les rebondissements de l’histoire se jouent aussi au niveau de la scène.
Ces forces dramatiques (ou Dynamics) ne sont pas véritablement des composantes (ou parties constitutives) d’une scène. Ils sont simplement dans la scène.
Actes, Séquences, Scènes ou Événements (que Dramatica considère comme une résolution qui va du général au détail ce qui permet de procéder par déduction ou induction selon l’approche que l’on choisit ou bien encore par exemple de partir d’une séquence et en induire un acte ou en déduire une scène) sont comme des contenants temporels.
Contenants temporels ? parce qu’ils sont faits de durée. Une durée qui contient en son sein les forces dramatiques (ou Dynamics) à l’intérieur des limites qu’elle leur impose.
Dramatica prend l’image d’un tamis avec des trous de différentes grosseurs. Les forces dynamiques sont alors tamisées avec les mouvements les plus larges orientés vers les actes par exemple et permettant aux nuances, aux détails (donc du concret lié aux personnages) de glisser jusqu’aux éléments de caractérisation.
Qu’est-ce qu’une scène ?
Comme d’autres concepts dans Dramatica, les scènes sont des contenants qui renferment les éléments de caractérisation (les éléments de caractérisation permettent comme leur nom l’indique de caractériser les personnages [d’expliciter en fait leurs attitudes, comportements, postures, décisions, choix, actions…]).
D’ailleurs, aucun autre concept (types et leurs variations, par exemple) ne peut être inséré dans une scène sans se briser. Néanmoins, ces types et leurs variations se font sentir au niveau de la scène. La richesse d’une scène n’est pas seulement due à ce qu’elle contient mais aussi à l’effet de ce qui se produit ou s’est produit préalablement (c’est un peu le principe de causalité).
Reprenons la définition d’une scène comme l’entend Dramatica.
Une scène est une unité temporelle de construction dramatique. Une scène est habituellement définie comme l’ensemble des événements dramatiques qui répondent à la même unité de temps et de lieu jusqu’à ce que, soit le temps, soit le lieu, changent.
Une usage moins commun de la notion de scène est celui qui considère la scène comme l’unité d’un mouvement dramatique complet. Par exemple, un conflit entre deux personnages peut débuter dans une scène (au sens général), puis se développer dans d’autres scènes et finalement se résoudre dans une ultime scène (toujours selon la définition classique de la scène). Cette définition de la scène est très similaire à celle de montage.
Que contient alors une scène ? S’inscrivant dans une durée, la scène décrit alors le changement qui s’opère entre les éléments de caractérisation au fur et à mesure que l’histoire se développe. Et comme les éléments de caractérisation sont les briques de la construction des personnages, les scènes décrivent alors le changement dans les relations entre les personnages.
Les personnages et les scènes
Les personnages ont quatre dimensions chez Dramatica.
MOTIVATION
A ce sujet :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (10)
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (11)
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (12)
ainsi que :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (13)
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (14)
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (15)
La dimension MOTIVATION est de loin la plus importante mais elle n’est pas la seule.
METHODOLOGY
A ce sujet :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (17)
EVALUATION
ou plus précisément les moyens d’évaluation à la disposition des personnages (moyens qui leurs sont personnels).
A ce sujet :
DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (19)
PURPOSE
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DRAMATICA : LA THEORIE EXPLIQUEE (19)
Et comme tout le reste dans Dramatica, ces quatre motivations recouvrent quatre quaternités au niveau des éléments de caractérisation. C’est-à-dire ces éléments qui construisent les personnages.
La force qui meut un personnage dans une scène donnée peut alors être déterminée comme par exemple si son intention dans cette scène précisément est de prendre le dessus sur un autre personnage (dimension MOTIVATION) ou si cela est seulement une question d’approche (dimension METHODOLOGY).
Dans toute ligne dramatique, nous pouvons distinguer deux sortes de perception de l’histoire par le lecteur.
Dramatica les considère soit comme les trois actes (que la théorie appelle aussi Journey et qui traduisent un mouvement et c’est ce mouvement, cet élan que le lecteur perçoit précisément), soit comme les quatre actes que Dramatica considère comme structurels parce qu’ils sont comme des balises posées là, figées mais amenant leur lot d’images, de significations voire de symboles ou un quelconque imaginaire social ou individuel mais pourtant devant nécessairement être perçues pour que l’histoire (ou du moins cette ligne dramatique spécifique) fasse sens dans le Tout de l’histoire (principe du holisme).
Dramatica n’est pas vraiment une méthode pour écrire une fiction. Nous avons proposé des méthodes dans le cours de Scenar Mag :
- ÉCRIRE UN SCÉNARIO : LES FONDAMENTAUX (1)
- VOTRE SCENARIO ETAPE PAR ETAPE
Dramatica diffère de la méthode en ce que cette théorie (qui explique cependant une application pratique) sera utilisée tel un outil afin de débusquer, de déceler des incohérences dans l’histoire. En effet, l’auteur et l’auteure totalement immergés dans leur processus de création de leur message font parfois preuve d’une cécité qui leur fait perdre de vue celui ou celle à qui ils s’adressent (le lecteur ou la lectrice de leur projet).
Ainsi, Dramatica offre différentes tâches à accomplir ou à vérifier qui se basent fondamentalement sur un système de divisions illustré par la charte graphique. Et les scènes sont l’une de ces tâches.
Nous pouvons constater qu’aucune scène ne chevauche deux actes. Que ceux-ci soient de trois actes ou de quatre actes (c’est-à-dire qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre des appréciations que le regard du lecteur posera sur une ligne dramatique).
24 scènes
Nous avons vu qu’il y avait 4 Signpost qui délimitaient la séquence de sujets explorés acte par acte (les 3 Journey). Chacun des Signpost se doit d’être examiné sur le plan thématique afin que les harmoniques en quelque sorte du problème soient ressenties par le lecteur dans le courant de l’intrigue, condition essentielle pour que l’argumentation développée par l’auteur atteigne la compréhension du lecteur.
Le conflit thématique est habituellement représenté par une quaternité de variations de type. Pour mettre en place les conflits thématiques dans chacune des lignes dramatiques (elles sont au nombre de 4 : Objective Story Throughline, la ligne dramatique du personnage principal, la ligne dramatique de l’Influence Character et la ligne dramatique décrivant l’évolution de la relation entre le personnage principal et son Influence Character), il faut explorer les conflits thématiques dans chacun des quatre Signpost.
Dans la quaternité qui servira de support à l’expression thématique de la ligne dramatique, il existe quatre éléments (comme dans toutes les quaternités me semble dire lapallisade). Ces éléments peuvent être reliés deux à deux. Il est donc possible de reconnaître 6 paires possibles pour chaque quaternité. Ces paires de valeurs seront elles aussi explorées dans le cours de l’histoire.
Comme il y a 4 Signpost et 6 paires, cela représente donc la mise en place de 24 scènes pour que soit exploré l’argument complet de la ligne dramatique en question. Les scènes sont distribuées uniformément entre les actes de façon à faire sentir que chaque Signpost considéré comme une articulation structurelle soit un point majeur de l’avancée de l’histoire (une histoire s’inscrit dans une durée après tout).
Les séquences thématiques, quant à elles, sont distribuées comme 6 divisions de l’histoire. Elles seront équitablement réparties selon l’appréciation en trois actes (les Journey dont nous avons déjà parlés).
Les quatre Signpost donnent une vue objective sur l’histoire. Les séquences comme elles désignent un mouvement thématique sont, selon Dramatica, véritablement un phénomène expérientiel pour le lecteur dans son appréciation subjective de l’histoire. Elles perdent ainsi leur caractère objectif et implique le lecteur.
Pour clore le chapitre 18, nous parlerons des événements dans le prochain article.